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éloquens hommes de fon fiècle. Il fit en 1594. un plaidoyer contre la Société, qui a été imprimé plufieurs fois.. L'Avocat plaida fa caufe avec une véhémence & un éclat que la Société ne lui a jamais pardonné. Les Jéfuites ainfi prévenus contre la famille de M. Arnaud qui brilloit dans l'œuvre nouvelle de P. R. & piqués des fâcheux paralleles qu'on faifoit de leurs maximes avec celle de P. R jettérent dans le public un ouvrage qui décrioit ces maximes. Le Pere Saifmaifon en étoit l'Ecrivain. Il traitoit de rigorifme outré & de nouveauté dangereufe la pratique de différer l'abfolution pour quelque tems aux pécheurs dont la converfion avoit befoin d'être éprouvée. Ils firent paffer ce libelle entre les mains de la Princeffe de Guemené qui étoit amie de P. R. & de M. de faint Ciran, & qui fréquentoit le Monaftére. Cette jeune Dame qui connoiffoit déja M, Arnaud, & qui eftimoit finguliérement le mérite de ce jeune Docteur, lui fit remettre l'écrit, en le priant de le réfuter.

M. Arnaud étoit le vingtiéme & dernier des enfans de M. Arnaud l'Avocat. Il avoit déja acquis une grande réputation fur les bancs de Sorbonne, où il avoit foutenu dans fa Tentative dédiée au Clergé la Grace Auguftinienne c'eft-à-dire, la grace de Jefus-Chrift dans les principes de faint Auguftin. Son mérite lui valut une diftinction très-glorieufe pour lui: ce fut

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que n'étant pas de la Société de Sorbonne avant la fin de fa Licence, cette Maison fouhaita de l'avoir dans fon Corps, & lui obtint de la Cour la difpenfe de la loi qui ne permet pas que le cours de Philofophie requis pour entrer dans cette Société, le faffe après la Licence finie. Il lui fut donc permis de faire ce

cours de Régence pour la Philofophie, étant forti de Licence. Il s'acquit beaucoup d'honneur dans une Thèle qu'il fit foutenir à un de fes écoliers, parce qu'il y montra une franchife & une droiture prefque fans exemple. Preffé fortement par une objection que lui faifoit le difputant fur une propofition de la Thèfe, il reconnut que le fentiment qu'il y foutenoit étoit faux, & il en fit fur le champ l'aveu public. Ceci eft très-propre à contre-balancet l'idée que les Jéfuites ont toujours voulu donner de M. Arnaud le Docteur, comme d'un homme fuperbe, violent & entêté. M. Arnaud reçut la Prêtrife, & prit le bonnet de Docteur en 1641. Ceci joint à ce que nous avons dit de lui, quand nous avons rapporté les commencemens des Solitaires de P. R. fuffira pour connoître en paffant quel eft cet homme, que nous allons voir foutenir un fi grand perfonnage dans l'Eglife.

Ce fut donc à lui que fut propofée l'impor tante fonction de réfuter le libelle du Jéfuite contre les faintes Régles de la Pénitence. La chose ne fut pas d'abord de fon goût. Depuis qu'il étoit entré dans le véritable efprit de la piété chrétienne & facerdotale fous la direction de M. de faint Ciran, il avoit pris le parti de la retraite à P. R. des Champs, & ne penfoit plus à fe produire. On le détermina cependant à rendre ce fervice à l'Eglife. Il recueillit les maximes des Saints Peres à ce sujet, & en compola fon Livre de la Fréquente Communion. Ce livre parut en 1643. muni des approbations de feize Archevêques ou Evêques, de vingt Docteurs de Sorbonne les plus renommés de ce tems-là outre l'approbation que lui donna toute la Province Eccléfiaftique d'Auch dans

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une affemblée compofée du Métropolitain & de fes dix Suffragans. Le but de ce Livre étoit uniquement d'établir par la Tradition & par l'autorité des Peres & des Conciles les difpofi tions qu'on doit apporter à la fainte Euchariftie, & de combattre l'abus des abfolutions précipitées, qu'on ne donne que trop fouvent aux pécheurs, fans les obliger à quitter leurs mauvaifes habitudes, & fans les éprouver par une ferieufe pénitence. M. Arnaud 'n'étoit pas l'aggreffeur de cette difpute. Il ne faifoit que répondre à un Ecrit qu'on avoit fait pour décrier de bons Eccléfiaftiques attachés aux maximes & à l'efprit de l'Eglife fur la Pénitence. Il ne parloit point des Jéfuites; il ne nommoit pas même le Jéfuite dont il réfutoit l'Ecrit.

Cependant les Jéfuites montrérent un emportement qu'on a peine encore aujourd'hui à comprendre, un vrai déchaînement contre l'ouvrage & contre l'Auteur, fans aucun égard pour tous ces Prélats dont on lifoit les approbations à la tête du Livre. Ils engagérent plufieurs Ecrivains à prendre la plume pour réfuter ce Livre, & ordonnérent aux prédicateurs de leur Corps de le décrier dans leurs fermons. Les uns & les autres parloient du Livre comme d'un ouvrage abominable qui tendoit à détruire la Pénitence & l'Euchariftie, & de l'Auteur comme d'un monftre qu'on ne pouvoit trop tôt étouffer, & dont ils demandoient le fang aux Puiflances. Le P. Nouet Jéfuite eut même la hardiesse en pleine chaire de prendre à partie les Prélats appro bateurs ; & il porta la chofe à un tel excès que le Clergé de France affemblé le condamna a faire fatisfaction aux Evêques à genoux en pleine Aflemblée; & il fut obligé de fubir la pénitence. M. Arnaud de fon coté répondit à

tous ceux qui avoient attaqué fon Livre, par de nouveaux Ecrits; entr'autres par celui qu'il intitula la Tradition de l'Eglife, qui n'eft qu'un recueil de toutes les autorités de fiécle en fiécle qui établiffent clairement la doctrine de fon premier Ecrit.

Les Jéfuites confondus n'en furent pas moins audacieux : mais ils ne réuffirent pas mieux.. Ils avoient obtenu de la Reine Mere Régente un commandement à M. Arnaud d'aller à Rome en perfonne pour y rendre compte de fa conduite & de fa doctrine. Sur les preffantes remontrances & du Clergé, & du Parlement, & de l'Univerfité, la Cour ne fit point exécuter l'ordre donné, ayant fenti toutes les con féquences d'une telle démarche auffi préjudiciable aux intérêts de l'Etat, qu'injurieufe au Cler gé & à l'Université. Les Jéfuites ayant manqué leur coup de ce côté-là, follicitérent fortement à Rome la condamnation du Livre. Les Evêques approbateurs écrivirent au S. P. à ce fujet, & ils envoyérent à Rome un député pour agir en leur nom contre les intrigues de la Société. Il fut rendu un Décret de l'Inquifition, qui condamnoit feulement une propofition tirée du Livre, laquelle étoit purement incidente & entiérement étrangère à la difpute, & qui d'ailleurs n'eft cenfurée que rélativement à un certain fens qui n'eft pas celui qu'elle a dans l'ouvrage: c'eft la propofition des deux Chefs qui n'en font qu'un, S. Pierre &S. Paul. Mais le fond du Livre & de la doctrine du Livre fortit de l'examen fain & fauf. Auffi depuis ce temslà, le Livre a toujours été généralement estimé & dans le Royaume & au dehors ; & encore aujourd'hui la doctrine qu'il renferme fur la pénitence & fur les dispositions à la communion

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eft conftamment regardée par tout comme la doctrine de l'Eglife.

Les ennemis de M. Arnaud non contens de le décrier au fujet de fon Livre de la fréquente communion, le noirciffoient de calomnies; ils débitoient des fables diaboliques contre lui, telles que celle qu'on appelle la Fable de BourgFontaine. Ils avoient imaginé que M. de S. Ciran, M. Arnaud, & plufieurs de leurs amis, avoient tenu il y avoit nombre d'années une Affemblée impie à Bourg-Fontaine, où ils avoient concerté enfemble de ruiner la Religion dans tous les points : & que l'ouvrage étant partagé entre les membres de l'Affemblée, il étoit échu à M. Arnaud pour fa part de détruire les deux Sacremens de Pénitence & d'Eucharistie. Cette chimére fut réfutée à peu de frais. On n'eut qu'à montrer par les dates mêmes de la fable, que la chofe étoit impoffible ; puifque fuivant ces dates, M. Arnaud ne pouvoit avoir alors que neuf à dix ans ; qui eft un âge trop prématuré pour pouvoir figurer dans une confpiration férieufe contre l'Eglife. Les fabricateurs de la fable furent donc couverts de confufion, comme ils le méritoient, n'ayant pas même cu l'efprit degarder la vraisemblance en la forgeant. Pendant tout ce tems-là M. Arnaud fe tenoit caché. M. de Barcos neveu de M. de S. Ciran, & Abbé lui-même de S. Ciran après fon oncle, fut auffi obligé de fe mettre à couvert; parce qu'il avoit fait un Ecrit pour juftifier la propofition cenfurée par l'Inquifition,& pour fairevoir que la cenfure ne tomboit pas fur le fens qu'elle avoit dans l'ouvrage de M. Arnaud. Ce fut la Princefle de Guimené qui donna retraite chez elle à M. de Barcos. La retraite de M. Arnaud ne fut pas oifive. 11 y compofa les deux apo

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