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XI.

On ne laiffoit pas de fouffrir. Les meubles, les
habits, les logemens étoient très-pauvres. Il n'y
avoit que douze Cellules en tout: elles étoient
Occupées par les douze Profeffes. L'Infirmerie
étoit baffe & humide, comme une cave. La ref-
fource du côté des Dots des Filles qui entré-
rent, étoit petite. Elles n'apportoient rien, ou
fort peu de chofe. La Mere Angélique avoit eu
toute jeune une fecrette averfion de marchander
des filles; tant par le principe d'un fentiment
d'honneur un peu humain, la chose lui paroif-
fant avoir quelque chofe de bas, que par un
mot qu'elle avoit entendu dire une fois à l'Ar-
chevêque d'Aufch qui vint confirmer à P. R.
que c'étoit une fimonie, que d'exiger de l'ar-
gent pour recevoir des filles Religieufes. Quoi-
que les revenus de la maison fuifent fi étroits
la Mere ne manqua jamais de fournir à fes filles
le néceffaire, & même de faire les charités qui
fe préfentoient; s'attendant avec confiance à la
Providence dans toutes les chofes qui lui pa-
roiffoient être dans l'ordre de Dieu : & fes Reli-
gieufes étoient fort contentes.

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Le bruit de cette réforme, qui eft la premiére gemens qui fe foit faite dans l'Ordre de Cîteaux, le réon porte fur pandit dans le monde. Plufieurs perfonnes fur la Réforme de tout dans fon Ordre, excrcérent fur l'œuvre de

differens qu'

P. R.

Dieu leur cenfure maligne. On la regardoit comme une entreprise téméraire, & une ferveur de dévotion peu méfurée. On reprochoit même à celle qui en étoit l'auteur, de vouloir tacitement taxer l'Ordre de relâchement & lui faire la loi. Le Pere Suffren Jésuite, qui lui fut très-utile dans la fuite, & qui commençoit à ve→ nir à P. R. ne l'approuvoit dans fon deffein qu'en tremblant. Il lui difoit qu'à la vérité elle faifoit bien de vouloir exécuter ses vœux ; mais

que pour lui il n'oferoit pas dire cela à d'autres Abbeffes, parce qu'elles le recevroient mal, & qu'en conféquence elles écarteroient de leurs maifons les gens de bien & les bons Directeurs, dans l'appréhenfion qu'ils ne jettaffent dans les maisons des idées de réforme. Cependant beaucoup d'autres perfonnes applaudiffoient au zéle de la jeune Abbeffe. M. l'Argentier Abbé dé Clairvaux, qui eft mort en odeur de sainteté, étoit du nombre. Voici comment il en parle dans une Lettre écrite en 1609. à l'Abbesse de l'Eau proche Chartres: » Madame, trouvant » cette bonne rencontre, je me suis voulu ra» mentevoir à vos bonnes graces & bonnes prié»res de vos filles. Je voudrois qu'elles fuffent » toutes en même difpofition que quelques au»tres Monaftéres, & fpécialement P. R. Tout » Paris admire la prudence dévoticufe, & le »zéle religieux d'une Abbeffe de dix-huit ans

כל

qui a réduit fon Monaftére en fi belle obfer»vance avec la clôture réguliéré & charité de » Communauté, &c. » Deux Religieufes de l'Abbaye de S. Antoine, ayant entendu parler de la Réforme de P. R. firent demander place dans la maifon : c'étoit la Soeur Marie de S. Jofeph Midorge, & fa tante Prieure de S. Antoine Louise Sainte Praxéde de Lamoignon: la Mere Angélique y confentit, & leur obtint l'obédience de M. de Cîteaux. Elles furent dès en entrant très-utiles dans la maifon, parce qu'elles avoient plus de capacité qu'aucune des douze Profeffes de P. R. l'une fut Infirmière, & l'autre Maîtreffe des Penfionnaires. Plufieurs autres Religieufes de différentes maisons se font auffi retirées à P. R. & y ont été aggrégées ; telles que la Sœur de Mézieres du Paraclet, qui y vint en 1625. & y eft morte en 1628. lá

XII.

Sour Catherine Gabrielle de Nouveau, de l'Ab baye de S. Antoine, morte en 1626. la Sœur Marthe de Louvières, encore de S. Antoine, morte en 1623. la Sœur Sainte Engratie Pasfart de la même maison, morte en 1630. la Sœur Madeleine de S. Anguftin Renaudot, Religieufe de Fontevraud, morte en 1657. la Sœur Marie de S. François Grimoût, encore du Paraclet, en 1623. la Sœur Claire Sainte Martinede Mauriffe, Prieure de S. Martin de Borene, & beaucoup d'autres dans la fuite des tems, de Maubuiffon, de l'Eclache, d'Andecie en Brie, de Collinence, de Roie, de différentes Maifons de la Congrégation de N. D. &c.

On a fçu qu'à Rome lorfqu'on follicita pour la jeune Abbeffe les nouvelles Bulles dont nous allons parler, le Pape & les Cardinaux furent dans un grand étonnement, & témoignérent publiquement leur admiration, lorfque ceux qui étoient chargés de l'affaire, apprirent au S. Pere & au Sacré Collège, que celle que la Supplique regardoit, étoit une jeune fille qui avoit déja grandement avancé la Réforme de fa maison, n'ayant pas encore dixhuit ans accomplis.

On ne fe feroit pas attendu à voir la Mere Premiers Di- Angélique obligée de retirer bientôt fa confiande ce de ce Religieux Bernardin fi zélé pour la Ré

recteurs

P. R.

forme, à qui elle avoit l'obligation d'avoir ofé l'entreprendre. Ce jeune Bernardin s'infinua dans l'efprit de quelques Religieufes, & gagna leur confiance au préjudice de celle qu'elles devoient à leur Abbeffe. Ces petites intrigues alloient à traverser les vues de la Mere en plu fieurs points. Elle confulta par lettres un P. Archange de Pembrock, Capucin Anglois qui étoit de la connoiffance de Madame fa mere,

homme de bien, & homme d'un vrai mérite. Dans la fuite elle a fuivi bien utilement fes confeils, lorfqu'elle l'eut attiré à P. R. Sur l'expofé des faits, le P. Archange lui confeilla d'écarter le Bernardin. Il parut bien que ce n'étoit pas de fa part, jaloufie d'Ordre: car entr'autres avis qu'il lui donna dans le cours de la direction, il lui recommanda en confidence de ne jamais fe fervir des Capucins en matiére de conduite, & de préférer, autant qu'elle le pourroit, des Prêtres féculiers. La Mere agit fécrétement auprès de fes Supérieurs majeurs, qui rappellérent le Bernardin de P. R. pour l'envoyer ailleurs ; & le P. Archange entra dans la direction de la maison à la fin de l'année 1609. Comme ce vertueux Religieux ne pouvoit pas venir fouvent à P. R. il pria la Mere de lui afsocier un bon Docteur,& un bon Religieux Feuillant, pour partager entr'eux trois la charge que fes occupations ne lui permettoient pas de porter feul. Elle y confentit. Le Docteur qui fut choifi, fe nommoit M. Galot, Théologal de la ville de Mortagne; & le Feuillant étoit un Pere Eustache, dont il fera parlé dans la fuite. Ce pieux Triumvirat fut très-utile à la maison par de fages confeils, & par une conduite pleine de charité & de prudence.

XIII.

Nous avons annoncé plus haut de nouvelles Bulles, que M.Arnaud devoit faire folliciter pour reçoit de nouAngélique l'Abbeffe de P.R.fa fille en 1609.Son motif étoit velles Bulles que fachant bien que la profeffion de fa fille étoit & fait proferabfolument nulle, à caufe de l'incompétence de fion une fe l'âge, où l'Abbé de Morimont la lui avoit fait conde fois. faire, & fe défiant d'autre part de fa fille à cause du fecret deffein qu'elle avoit toujours de fe défaire de fon Abbaye, vû la nullité de fes vœux & l'irrégularité de fa nomination ; il crut devoir

affurer les chofes pour l'avenir, & obtenir de nouvelles Bulles de Rome pour réhabiliter le paffé. Dans la Supplique qu'il envoya en Cour de Rome, il demanda pardon au S. Pere du menfonge qu'il avoit fait dans la premiére en 1600. où il avoit avancé que fa fille avoit 17. ans, quoiqu'elle n'en cût que 9. La Cour de Rome vouloit condamner M. Arnaud à la reftitution des fruits: mais fur l'information de l'Official qui fut envoyée à Rome, & par laquelle il paroiffoit que M. Arnaud bien loin d'avoir Lien retiré du Couvent, y avoit mis du fien, les Bulles furent accordées fans cette condition, & même expédiées gratis. Ceci arriva en 1609. Mais une autre condition y fut appofée, fçavoir que la jeune Abbeffe feroit une nouvelle Profeffion dans l'efpace de fix mois, faute dé quoi les Bulles expédiées demeureroient fans effet. La mere Angélique n'avoit d'autre défir, finon que M. fon pere pût être tellement diftrait de cette affaire pendant toute la durée des fix mois, par les autres occupations, qu'elle fe trouvât déboutée de fa place, par le défaut d'avoir rempli la condition. Elle prioit Dieu à cette intention avec grande ferveur. Mais elle ne fut exaucée. Il ne reftoit déja plus que fept jours jufqu'à l'expiration du terme preferit par les Bulles, lorfqu'elle vit arriver à P. R. Î'Abbé de Clairvaux avec M. fon pere. Il n'y eut pas moyen d'échapper. Bien décidée d'ailleurs pour la vocation Religieufe, elle fit fa Profeffion entre les mains de cet Abbé ; prétendant en fon intérieur ne pas s'engager à la ftabilité dans la maison de P. R. mais feulement aux trois grands vœux : tant elle avoit à cœur ine retraite plus entiére & plus humble,à laquelle elle fe réfervoit une porte, dès que l'occafion

pas

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