Images de page
PDF
ePub

arrivée à P. R. enforte que lorfque les trente furent venues, les Religieufes de P. R. curieufes de connoître le perfonnage tant renommé, demandoient avec empreffement laquelle des trente étoit la fœur S. Auguftin.

Elle fut toute jeune établie maîtreffe des Novices. Deux chofes lui rendirent l'emploi facile & le fuccès parfait. D'un côté le Novicias alloit prefque tout feul, comme l'on dit: l'ordre qui étoit établi, difoit ce qu'il falloit faire, fans que la Maîtreffe fut prefque jamais obligée de parler. Le filence y étoit continuel, comme dans le gros de la Communauté: car c'étoit le rems où la Mere avoit fupprimé même la conférence qui avoit été jufques-là l'unique tems où il fût permis de parler. D'un autre côté la jeune Maîtreffe étoit d'une fi parfaite docilité, qu'elle prenoit fur toutes chofes l'ordre des Meres, & l'exécutoit ponctuellement. Elle conrut rifque d'être entraînée dans le petit fchifme qui fe forma dans le tems de la direction de l'Evêque de Langres. Elle étoit du nombre de celles que ce Prélatavoit mifes fous la conduite des PP. de l'Oratoire, qui, comme nous l'avons vu, menoient les filles par des voies un peu extraor dinaires. Sa fimplicité & fon humilité furent fa fauve-garde.

Ayant été envoyée à Tard avec la Mere Agnès peu de tems avant que la Mere Angélique fit démiffion de fon titre, elle en fut rappellée pour être élue Abbeffe de P. R. après la démisfion faite. Elle fut élue en 1630. Pendant fon premier Triennal, elle ne fut pas libre pour faire tout le bien qu'elle auroit pu, parce que la Prieure qui étoit une Religieufe de Tard, s'étoit comme emparée du gouvernement, & conduifoit tout suivant le nouveau goût de M. de

Langres. Les filles de Tard furent renvoyées en 1633. & alors la Mere Geneviève tâcha de ra mener les chofes peu à peu au premier efprit de fimplicité & de régularité. Elle avoit été conti nuée Abbeffe pour un second Triennal. En 1636. elle fut appellée par la Mere Angélique à la maifon du S. Sacrement, pour y tenir fa place, elle fe retirant pour de bonnes raifons. La Mere Geneviève fut encore expofée ici à un piége où elle penfa donner. Il s'en fallut peu qu'elle ne fe laifsât tromper par cette jeune poftulante, la Philothée de M. de Langres dont nous avons parlé. La Providence & les priéres de la Mere Angélique la préfervérent: elle ouvrit les yeux & renvoya la perfonne.

l'Inftitut du S. Sacrement n'ayant pas fubfifté, la Mere Geneviève revint à P. R. en 1638. & rentra dans l'état particulier; car fon fecond Triennal étoit fini, & la Mere Agnès avoit été élue Abbeffe. Dieu lui envoya un an après une épreuve des plus fenfibles, qu'elle a portée pendant fix ans jufqu'à fa mort. Etant dans l'Office de Sacriftine, elle se heurta la tête contre la carne d'une armoire, & un de fes yeux en fut crevé. Peu après elle perdit l'autre œil, le nerf optique ayant été endommagé par le coup. Pour furcroît de mal, il lui refta de ce coup un tel étonnement dans la tête, que dès qu'elle vouloit faire un pas, elle s'imaginoit tomber dans un précipice. Elle ne pouvoit donc aller feulenulle part dans la maison; elle avoit toujours befoin de quelqu'un qui la menât par la main ; & lorfqu'il ne fe trouvoit perfonne fur l'heure pour lui rendre ce fervice, on la voyoit au bas d'une montée ou au coin d'une muraille qui attendoit la charité de quelque paffant; ce qui ne pouvoit pas manquer de lui être très-pénible & très

VII,

nement 2

affligeant. Enfin Dieu permit afin de l'éprouver encore davantage, qu'à l'aveuglement du corps fe joignît une forte d'aveuglement de l'efprit. Elle tomba dans des peines intérieures fi grane des qu'elle avoit perdu prefque tout fon difcer& avoit befoin perpétuellement de confeil fur les moindres chofes. Heureufement pour elle, Dieu l'avoit gratifiée d'une grande docilité, qui avoit fait fon caractére de tout & qui lui fervit bien dans ce trifte état. Elle faifoit donc avec fimplicité tout ce qu'on lui difoit. M. de S. Ciran avoit eu une estime finguliére pour la Mere Geneviève ; & l'on trouve plufieurs lettres de cet Abbé adreffées à une Religieufe aveugle, qui eft la Mere le Tar dif. Elle mourut au mois de Mars en 1646.

tems,

Dans la même année le bâtiment de l'Eglife Eglife de de P. R. de Paris fut commencé. Nous avons vu

P.R de Paris plus haut que le bâtiment des Religieufes étoit
achevée. Les fait,il y avoit déja fept ou huit ans.Quoique la
Religieufes
prennent l'In M.Angélique fe reprochât beaucoup l'établifle-
ftitut du faint ment de la maifon à Paris, & encore plus la
Sacrement. conftruction du nouveau Monaftére, comme
nous l'avons dit dans le tems, elle fentoit bien

que
la chofe étant faite, il n'étoit pas poffible
de fe paffer d'Eglife: furtout le nombre des Re-
ligieufes augmentant confidérablement. Elle
entreprit donc l'ouvrage. Elle trouva un fonds
tout prêt pour cette dépense. C'étoit les 30000.
liv. léguées par une bonne Dame, nommée Ma-
dame Bardeau,dans le tems de l'établiffement du
nouvel Inftitut du S. Sacrement. Cette Dame
avoit fait cette donation pour la nouvelle mai-
fon. Mais comme le projet manqua, & que l'in-
ftitut ne fubfifta pas, P. R. s'étant chargé de
remplir les vues de cet Inftitut, dont la prin-
cipale étoit l'adoration perpétuelle du S. Sacre-

ment, les amis de P. R. fe temuérent pour faire tranfporter ce legs à la maifon de P. R. M. Briquet Avocat Général s'employa pour faire réuffir l'affaire ; & les 30000. liv. furent appliquées au Monastére de P. R. par Arrêt du Parlement. La premiére pierre fut pofée par Mademoiselle de Longueville, fille du Duc de ce nom & de la Ducheffe fon Epoufe qui avoit eu tant de rélation avec P. R. depuis plufieurs années. M. l'Archevêque vint lui-même bénir cette premiére pierre. Le bâtiment fut achevé en 1648. tel qu'il fubfifte encore aujourd'hui ; & le même Prélat voulut encore faire la cérémonie de la bénédiction de la nouvelle Eglife. Je ne puis refufer en paffant à ce Magiftrat que j'ai nommé, l'éloge que mérite fa piété. Quelques lettres qu'il écrivit à la maifon dans ce tems-là, ne refpirent que religion, humilité, mépris du monde. On remarque ces fentimens édifians, dans prefque tous les féculiers conftitués en dignité, qui avoient le bonheur d'être liés à P. R. tels que Meffieurs Bignon Avocat Général, Pomponne Miniftre & Secrétaire d'Etat & beaucoup d'autres.

[ocr errors]

Ce fut pendant que dura la conftruction de l'Eglife, que les Religieufes demanderent à relever l'Inftitut du faint-Sacrement, qui étoit manqué, & qui fembloit leur avoir été refervé de tout tems par la Providence. Elles chargérent de cette affaire en Cour de Rome l'Abbé Arnaud frere du Docteur, qui étoit Abbé de faint Nicolas d'Angers, & depuis Evêque de cette Ville. Il réfidoit alors à Rome pour quelque affaire qui intéreffoit la Cour de France. Ses Sœurs donc le priérent de folliciter pour elles auprès du faint Pere la permiffion de faire ce changement dans leur In

[ocr errors]

[VIII.

tourne à RP.

ftitut, en joignant à l'Inftitut de Citeaux ce
lui du faint-Sacrement. Le Bref fut expédié ;
mais l'affaire fouffrit à Paris de grandes diffi-
cultés, à caufe de quelques intérêts temporels
qu'il falloit accommoder. L'Archevêque de
Paris furtout refufa long-tems fon acquiefce-
ment. Enfin tous les obftacles furent levés.
Le Roi donna les Lettres Patentes, & l'Ar-
chevêque l'acte de confentement. Les Reli-
gieufes prirent le nom de Filles du faint-Sa-
crement. Mais elles ne quittérent point l'habit
de faint Bernard: elles changérent feulement
leur fcapulaire noir en un fcapulaire blanc,
où il y avoit une croix d'écarlatte attachéé
par devant, comme pour défigner par ces
deux couleurs les deux élémens du pain & du
vin, qui font la matiére du Sacrement de la
fainte Euchariftie. M. du Saufsai, Official, &
alors Supérieur du Monaftére, fit la cérémo-
nie avec une grande folemnité & un grand con-
cours de peuple. Les Religieufes, qui fai-
foient entrer la religion & la piété en toute
chofe, avoient fait précéder cette cérémonie
d'une retraite de 40. jours entiers, pendant
laquelle elles avoient tâché par de grandes mor-
tifications & des priéres ferventes, d'attirer la
bénédiction du Ciel fur cette confécration
qu'elles faifoient d'elles-mêmes au fervice de
J. C. dans l'Euchariftie, & qui faifoit le
ble de leur joie.

com

La Mere Angélique cependant ne perdoit pas La Mere de vue fon cher P. R. des Champs. Le tumulte Angélique re de la Ville, les fréquentes vifites, les liaifons des Champs. avec des perfonnes de condition, lui étoient Double Cou-fort à charge. Elle fe croyoit de plus obligée pour l'acquit de fa confcience, de faire tous Champs & fes efforts pour retablir une Communauté à

vent aux

Paris.

« PrécédentContinuer »