Images de page
PDF
ePub

P. R. des Champs, depuis que M. de Saint Ciran lui avoit fait naître un fcrupule, d'avoir fi légérement fuivi le confeil qu'on lui avoit donné de quitter les Champs, & de venir s'établir à Paris. Le mal que M. de Saint Ciran avoit trouvé en cela, c'étoit d'avoir détruit fans aucune raifon de vraie néceffité un lieu faint où Dieu étoit adoré, & d'avoir tiré un Couvent d'une campagne, où les maifons religieufes font toujours mieux placées, pour conferver Fefprit de pauvreté & la séparation du monde. La Mere Angélique avoit été fi bien convaincue de ces raifons, qu'elle ne voulut jamais fe lier, de telle façon qu'elle ne pût retourner aux Champs. On lui fit de tems à autre diverfes propofitions fort avantageufes, qui lui auroient produit beaucoup d'argent de ce qui reftoit dans cette Abbaye des Champs. Une Communauté Religieufe voulut acheter les ftalles de l'Eglife qui font fort belles; d'autres fe préfentoient pour acheter les démolitions & la charpente du Dortoir & dans l'extrême néceffité où étoit la maison de Paris, à caufe des emprunts qu'il avoit fallu faire pour bâtir, on auroit tiré de tout cela des fommes confidérables qui auroient bien foulagé. Mais jamais la Mere Angélique ne voulut entendre à aucune aliénation de la Maifon des Champs. Elle avoit une fecrette confiance que la Providence lui fourniroit l'oc cafion quelque jour de réparer la faute qu'elle fe reprochoit. Elle crut l'avoir trouvée en cette année 1647.

Comme le nombre des Religieufes croiffoit de jour en jour, ce fut une raifon à alléguer à M. l'Archevêque, pour avoir la permiffion d'envoyer aux Champs une partie de la Com

munauté. Il ne le refusa pas; mais il mit pour condition que ce ne feroit toujours qu'une feule & même Communauté, & que les deux Maifons feroient gouvernées par une feule Abbeffe. On s'y foumit. On avoit aussi befoin du confentement de la Cour. Le Monaftère n'étoit pas en bon renom auprès de la Reine Mere, Regente. L'Abbeffe du Val-deGrace, qui étoit très-bien dans l'esprit de Sa Majefté, le prêta volontiers pour rendre ce bon office aux Religieufes de P. R. Elle y trouvoit d'ailleurs un avantage pour elle-même. Cette grace étant accordée à P. R. c'étoit la planche faite, & il étoit plus facile à l'Abbeffe du Valde-Grace d'obtenir pareille permiffion pour elle, car elle fouhaitoit d'avoir une maison de campagne, pour y envoyer de tems en tems quelques Religieufes. L'affaire réuffit, & toutes les permiffions furent obtenues. La Mere Angélique qui avoit fait faire des prières à fa Communauté pour le fuccès de fa démarche, fans expliquer de quoi il s'agiffoit, déclara anx Religieufes quand l'affaire eut réuffi, ce que c'étoit. Cette nouvelle affligea fort ces Filles, qui prévoyoient bien que la plupart d'entre elles alloient perdre fa compagnie, parce qu'on fuppofoit qu'elle réfideroit à la maison des Champs le plus qu'elle pourroit. Elle s'occupa beaucoup à les confoler, & leur fit fentir que c'étoit l'œuvre de Dieu, à laquelle il ne falloit pas s'oppofer.

Elle donna enfuite les ordres néceffaires pour rétablir les lieux réguliers aux Champs, afin de trouver le Monaftere propre à loger la Communauté quand elles'y tranfporteroit. Ce qui fut caufe que le départ de Paris fut reculé jufqu'à l'année fuivante. Ainfi en 1648. le

13. Mai, après avoir vu l'Eglife de Paris achevée & bénite, après avoir reçu la bénédiction du Cardinal de Retz, Coadjuteur de Paris, la Mere Angélique partit, menant avec elle fept Religieufes de Choeur & deux Converfes. Toute la Maison fondoit en larmes, les unes pleurant leur Mere dont elles alloient être féparées, les autres pleurant leurs cheres Sœurs qu'elles laifloient à Paris; mais elle les calma par fes adieux pleins de religion: » Pourquoi, dit-elle, pleurez-vous, mes Sœurs? Ne faut-il pas faire la volonté de » Dieu gaiement & de bonne grace? »

IX.

Dévotion de

Elle fe mit en marche; & comme fa dévotion étoit grande envers la fainte Vierge, la Mere Anelle fut extrêmement confolée par la rencon- gélique à la tre qui fe trouva de fon fainte Vierge. à P. R. avec voyage la Proceffion annuelle que le Monaftére faifoit à pareil jour, 13. Mai,à Notre-Dame de Monferrat. Je fais cette obfervation à dessein, pour faire fentir en paffant combien eft groffére la calomnie fi fouvent rebattue, avec cent autres pareilles contre les Filles de P. R. comme fi elles étoient ennemies du culte de la fainte Vierge. On trouve dans toute l'Hiftoire de P. R. des preuves fans nombre du contraire: combien de neuvaines, combien de dévotions particuliéres à la très-fainte Mere de Dieu ? Qu'on life les Lettres de la Mere Angélique; on voit que dans toutes les affaires qu'elle entreprend, & qu'elle recommande aux priéres des bonnes ames, elle demande toujours des Oraifons à la fainte Vierge; & fi c'eft à des Prêtres qu'elle écrit, elle leur demande des Meffes, des neuvaines de Meffes de la Vierge.

Lorfque les Religieufes entrérent fur les

terres de P. R. des Champs, elles entendirerit fonner les cloches qui annonçoient leur arrivée au pays. En arrivant elles trouvérent 2. bandes de différente espèce qui venoient audevant d'elles, pour leur faire une réception folemnelle. La premiére bande étoit une troupe de pauvres qui s'étoient affemblés dans la cour de l'Abbaye; entre lefquels il y avoit de vieilles femmes qui y avoient vu autrefois la Mere Angélique, & qui la regardoient comme leur mere nourricière. Elles fe jettoient à fes pieds & à fon cou, elles la ferroient dans leurs bras, ne pouvant fe laffer de lui témoigner la joie qui les tranfportoit. Elle de fon côté les embraffoit à fon tour avec une tendreffe incroyable, fans être rebutée de la craffe & de la malpropreté de ces pauvres gens. Plus loin, tout prêt de l'Eglife, paroiffoit la feconde bande, qui étoit celle des Solitaires qui habitoient la Maifon depuis plufieurs années. Tous ces pieux Anachorétes attendoient la Mere à la porte de l'Eglife, un des Eccléfiaftiques portant la Croix. Les Religieufes entrérent dans l'Eglife, les Solitaires les fuivirent, & le Te Deum fut chanté. Ces Messieurs qui avoient occupé jufque-là les logis des Religieufes, s'étoient retirés depuis quelques jours pour leur céder la Maifon, & s'étoient établis dans ce qu'on appelle les Granges, lieu fitué fur une petite hauteur qui domine l'Abbaye. On employa deux ou trois jours à achever de difpofer les lieux; & Monfieur de Sainte Beuve, Docteur de Sorbonne, fi connu par fon fçavoir, & très-ami de la Maison, vint comme député de l'Archevêché pour vifiter les lieux & établir la Clôture.

X. Renouvel lement de ferveur dans la

vres de la

traitę.

,

La Mere dès en entrant, donna carrière à fa ferveur qui s'étoit toute renouvellée par la vue de cette maifon tant défirée. Se voyant libre de tous les obftacles qu'elle trouvoit à Paris Mere Angélià la perfection de la régularité, elle fe pro- que pour étapofa de fuivre dans toute fa force, le prin- blir l'amour cipe de conduite qu'elle avoit depuis long- & des paude la pauvretems, Que dans les commencemens il faut toujours prendre les chofes au plus haut, par- mortificace qu'on fe relâche toujours affez. C'étoit fur- tion, du filen tout l'efprit de mortification & de pauvreté ce & de la re, qu'elle avoit à cœur d'établir le plus parfaitement qu'elle pourroit. Elle commença par entretenir beaucoup les Soeurs dans les premiers jours de la ferveur & de la vertu éminente des anciennes Meres qui avoient habité autrefois ce défert; & quelques-unes des nouyelles venues, & qui étoient du nombre des Religieufes qui y avoient autrefois demeuré, appuyoient les récits de la Mere. Elles racontoient à leurs Soeurs des traits admirables de l'amour qui regnoit alors pour le filence, la retraite, la fimplicité, & fur-tout pour la pénitence & pour la pauvreté. Elles n'exaggéroient point cependant les chofes car elles avouoient qu'alors parmi le grand nombre il ne laiffoit pas d'y en avoir quelques - unes d'imparfaites; mais elles ajoutoient que l'on ne s'en appercevoit prefque point; les fortes portant les foibles, & les foibles fe fortifiant par l'exemple des autres, ou du moins étant retenues par la honte que leur lâcheté leur auroit attirée, fi elles l'avoient laiffé paroître.

Après avoir ainfi échauffé le zéle de ses filles par la confidération de la vie édifiante des premiéres Religieufes qui vivoient dans la maifon dans le tems de la Réforme, la Mere An

« PrécédentContinuer »