Images de page
PDF
ePub

comme plus ancien, les autres fe glorifiant de ce qu'il eft plus auftére. Elle difoit »

[ocr errors]

qu'elle » étoit de l'Ordre de tous les Saints, & que » tous les Saints étoient de fon Ordre. » C'eft cette même charité univerfelle & impartiale, qui la rendoit fenfible à tous les défordres qu'elle apprenoit de quelques Couvens, foit pour le fpirituel, foit pour le temporel ; & tant que la guerre a duré, elle faifoit réciter tous les jours à fa Communauté une prière à fainte Agnès, pour demander à Dieu par l'interceffion de cette Sainte qu'il protégeât toutes les perfonnes qui s'étoient confacrées à lui, & qui étoient expofées à de fi grands périls.

XVI.

Mort de

Dans l'intervalle entre la première guerre de Paris, & la feconde qui fut de deux ans il Madelainearriva quelques morts & quelques événemens Chriftine Atà P. R. dont je vais rendre compte. Madelai- naud fœur de ne-Chriftine Arnaud, la plus jeune des filles de la Mere. AM. Arnaud, mourut à la maison du Fauxbourg bregé de fa vic. au commencement de l'année 1649. Elle édifia beaucoup fes fœurs par fa patience, ou plûtôt par la grande joie dans un état d'infirmité habituelle qui la faifoit étrangement fouffrir, & la rendoit incapable d'agir & de s'appliquer à aucune chofe même extérieure. Elle ne faifoit autre chofe que prier, & elle difoit: » Ne fuis»je pas bien heureufe, & Dieu ne me fait-il pas beaucoup de grace de ce que je ne fuis » pas un moment fans fouffrir dans le corps ou dans l'efprit? » Elle avoit de plus une fi grande horreur du péché, qu'elle ne craignoit rien autre chofe au monde, & que la plus légére impatience qui lui échappoit, la jettoit dans des regrets & dans des pleurs qui auroient fuffi pour expier les plus grands crimes. La Mere Angélique racontoit volontiers & avec

XVII. Mort de M.

complaifance la maniére dont Dieu avoit ap pellé à fon fervice fa petite foeur Madelon. Elle croyoit y voir quelque chofe qui tenoit du merveilleux : voici ce que c'eft en peu de

mots.

La Mere Angélique ayant paffé chez fes parens en allant à Maubuiffon , y vit la petite Madelon qui étoit fort mondaine. Comme elle lui propofa de venir avec elle pour être Religieufe, la petite lui répondit hardiment qu'elle ne vouloit point être Religieufe, mais qu'elle vouloit être mariée. Il arriva que Madame Arnaud conduifant fa fille Angélique à Maubuiflon, mena avec elle pour l'accompagner la gouvernante de la petite Madelon. Cette fille témoigna à la Mere Angélique qu'elle auroit grande envie d'être Religieufe. La Mere le lui promit, pourvu qu'elle priât bien Dieu pour fa fœur Madelon, & qu'elle tâchât de lui inf pirer le mépris du monde. Cette fille fe mit en priére dès le jour même à Maubuiffon : & l'on fçut dans la fuite que la nuit même qui fuivit la petite Madelon qui étoit reftée à Paris, eur une vifion. Elle vit fainte Madeleine fa patrone qui l'appelloit dans fon défert. S'étant éveillée fur le champ, elle dit à la perfonne qui couchoit auprès d'elle, qu'elle vouloit être Religieufe, qu'elle le feroit abfolument ; & depuis ce moment elle ne ceffoit de le répéter; enforte que la famille ne faifoit qu'en rire. Cependant l'enfant a toujours perfévéré dans fa réfolution & dans fon dire. En effet elle eft devenue Religieufe à P. R. avec ses autres fœurs.

L'année suivante 1650. la Mere Angélique le Maître de revint de P. R. des Champs à la maison de Sericourt, ne- Paris. Elle arriva pour voir mourir fon neveņ

M. le Maître de Sericourt. C'étoit un des freres veu de la Me de l'Avocat, qui étant dans le fervice & ayant re; & de M. fçu la retraite édifiante de fon frere, en fut fi Pallu Médetouché, qu'il quitta les armes auffitôt que la des Champs. Campagne fut finie, & fe joignit à fon frere"

pour

être Solitaire comme lui à P. R. Il n'avoit alors que 26. ans. Après plufieurs années paffées dans les exercices de la pénitence & de la piété la plus fervente, il lui vint une pensée de se faire Chartreux. Le défir d'une plus grande perfection, & furtout d'une folitude plus entiére, la lui fit naître. Cette penfée ne le quitta point pendant tout le tems qu'il prit pour la délibération, & l'occupa enfin fi fortement qu'il ne put s'empêcher d'en faire l'ouverture à son frere. Quelque douloureufe que parut à Fun & à l'autre la féparation réciproque, l'efprit de foi qui les animoit, l'emporta. M. le Maître lui confeilla de fuivre fon deffein : & l'ayant adreffé pour le confeil à M. Singlin & à M. de Barcos, ces deux Meffieurs furent auffi tous deux d'avis qu'il exécutât fon pieux deffein. On l'envoya au Prieur de Bourg-Fontaine qui le reçut avec grande joie. Il y paffa quelque tems pour faire l'effai de la vie de l'Ordre. Etant enfuite revenu à Paris pour mettre ordre à ses affaires il reçut une lettre du P. Prieur, qui lui marquoit de ne pas revenir à Bourg-Fontaine fans un nouvel ordre. On entendit ce que cela fignifioit. La politique avoit intimidé les Chartreux à cause du Janfénisme qu'on commençoit à mettre fur le compte de Meffieurs de P.R. Quoique cette décifion de la Providence fut bien contraire à fes défirs il la › auffi reçut tranquillement que s'il n'avoit jamais eu aucune envie de fe faire Religieux: & il rentra dans fa folitude & dans la compagnie de M.

cin de P. R.

XVIII.

le Maître fon frere. Mais fe voyant fruftré d'un côté, il fe dédommagea de l'autre : il reprit la pénitence avec une nouvelle ardeur, & il ̊tâchoit en même tems de n'être point inutile au prochain. Il prêtoit fa plume à M. Arnaud fon oncle & aux autres Théologiens pour copier leurs ouvrages, & fes mains aux Religieufes pour faire les foins, fcier les bleds, cueillir les fruits. Il pouffa fi loin fes auftérités & fes travaux, qu'en peu de tems il fut épuisé. Il tomba malade, & affifté de fon frere M. de Saci nouvellement Prêtre, il consomma fon facrifice le 4. Octobre 1650. âgé de 39. ans.

La même année 1650. mourut M. Pallu Médecin de la maifon des Champs. Il étoit Do&teur de la Faculté de Paris, & Médecin de M. le Comte de Soiffons. Il eft le premier qui fut touché par le livre de la fréquente Communion, qu'il trouva aux eaux de Forges entre les mains d'un particulier. Il vint à Paris, & se retira à P. R. des Champs pour y faire un renouvellement de quelques jours. Il y fut plus qu'il ne penfoit; car il y est toujours refté. 11 fe confacra à la retraite, à la pénitence & au fervice de la maifon & des pauvres dans fa profeffion. Il a fait de grandes largeffes au Monaftére. Il a employé 2000. liv. pour bâtir le petit Pallu; il a encore fait conftruire quelques petits logis. Il a fait préfent aux Solitaires de la Bibliothèque des Peres & d'autres Livres pour la fomme de 380. liv. De plus il donna 6000. liv. au Couvent pour y faire entretenir une de fes petites niéces. Il fit en mourant M. Singlin légataire de fes meubles. Il fut très-regretté à la mort.

Madame le Maître devenue Religieufe fous Mort de Ma- le nom de fœur Catherine de faint Jean, offrit

de faint Jean.

à Dieu la mort de M. de Sericourt fon fils avec dame le Mafune grande réfignation. La nature cependant tre Religieufe en reçut un coup qui joint à des infirmités ha- fous le nom bituelles la mena au tombeau trois mois après de Catherine fon fils. Elle mourut le 22. Janvier 1651. Sa Sa vie, fon vie eft affurément une des plus belles vies de mariage avec P. R. & elle mérite bien d'être rapportée avec M. le Maître. quelque étendue. Elle étoit la fille ainée de M. Arnaud, & fe nommoit Catherine. En qualité d'aînée de la maison, elle fut deftinée toute petite pour le mariage, comme fes deux fœurs cadettes Angélique & Agnès pour le Couvent : quoique la premiére eût beaucoup de répugnance pour le mariage, & les deux autres peu d'in clination pour la vie Religieufe. C'étoit l'ufage ou plutôt l'abus de ce fiècle que les familles fans confulter la vocation des enfans, en difpofoient à leur gré pour l'état de leur vie. Ces trois filles auroient été bien malheureuses chacune dans fa condition, fi la divine Providence n'avoit réparé cette deftination téméraire ; celle-ci ayant conçu dans la fuite un grand goût pour la vie Religieufe, & la premiére ayant eu le bonheur d'entrer dans le Cloître fuivant fon attrait lorfqu'elle fut veuve.

La jeune Catherine dès l'âge de dix ans gouvernoit le ménage de fon pere; fa mere lui trouvant beaucoup d'intelligence pour ces fortes de chofes, & voulant la former de bonne heure à être une bonne mere de famille. A l'âge de treize ans on pensa à la marier à M. le Maître. Sa répugnance rompit cette premiére fois les vues de les parens. Ce M. le Maître devenu veuf en peu de tems fe préfenta de nouveau pour époufer la fille de M. Arnaud. Elle n'avoit que quinze ans. Comme c'étoit un parti fort confidérable, car M. le Maître étoit Maître

« PrécédentContinuer »