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générale qui donnoit tant de facilité à la Mere pour recevoir ce concours d'étrangeres,à qui fon grand zéle lui faifoit efpérer que ces entrées feroient utiles pour le bien de leurs ames ; & tant de liberté à ces Religieufes refugiées de venir à P. R. foit pour fatisfaire fimplement leur curiofité, foit pour voir par elles-mêmes fi tout ce qu'on leur difoit de P. R. en bien ou en mal, étoit réel. Il en venoit donc par bandes de Montmartre, de Chelles, de Gif, de Malnoue, de Montargis, de faint Antoine, du Pont aux Dames, de Poiffi, de la Villette, de Chaffemidi, de faint Eutrope, de Gomer- Fontaine, de Provins, &c. Plufieurs Abbefles vinrent auffi à P. R. pour s'entretenir avec la Mere Angélique, s'inftruire à son école, prendre quelques teintures de réforme & de bon gouvernement. On y vit entr'autres Madame de Chevreufe Abbeffe de Pont aux Dames, Madame de Vaucelas Abbeffe de Reaulieu, Madame de la Trimouille Abbeffe deJouarre, cidevant du Lys, Madame de Béthune Abbeffe de Montmartre. Toutes ces Abbeffes auffi-bien que les fimples Religieufes s'en retournoient toujours fort fatisfaites; la plupart touchées & édifiées; quelques-unes bien réfolues de faire ce qu'elles pourroient, pour avoir la permiffion de s'aggréger à P. R. & d'en être Religieufes. On avoit vu dix ans auparavant la Dame de Martinville Prieure du monaftére de faint Aubin, paffer huit mois de fuite à P. R. pour y prendre l'efprit de la Réforme : & pour y réuffir mieux, elle étoit au Noviciat, faisant le pain, la leffive & tous les ouvrages les plus humilians. Dans le troifiéme voyage qu'elle fit à la maifon, elle tomba malade, & y mouFut. L'Abbeffe de Montmartre qui étoit une

:

Dame fort âgée & très-refpectable fut fi contente d'avoir vu la Mere Angélique, dans la chambre de laquelle elle s'étoit fait porter en chaife, ne pouvant fe foutenir, qu'elle voulût que fes deux niéces Mefdemoiselles de Béthune qu'elle avoit avec elle à Montmartre, vissent auffi la Mere perfuadée qu'il leur feroit utile d'avoir entendu quelque parole de fa bouche. Elle recevoit avec grand plaifir de fes Lettres; & on écrivit de Montmartre à P. R. que Madame l'Abbeffe gardoit précieufement les Lettres de la Mere Angélique, & les ferroit dans un coffre de velours vert avec les reliques les plus fpéciales.

XXXIV. Le Lecteur s'attend à trouver ici le récit que j'ai Avanture promis de l'hiftoire des Religieufes d'Etampes. finguliére des Le fait eft arrivé dès le commencement de l'é◄ Religieufes d'Etampes tabliffement des Religieufes de P. R. des Champs dans la maifon de Paris à caufe de la feconde guerre de Paris. Les filles de la Congrégation de Notre-Dame de la Ville d'Etampes étant venues à Paris, comme plufieurs autres Communautés de la campagne qui n'étoient point en sûreté dans leurs Monaftéres, arrivérent au Fauxbourg faint Jacques vers les neuf heures du foir. Elles étoient dans une grande inquiétude, ne fachant où elles pourroient fe retirer cette nuit-là, parce qu'elles devoient aller chacune chez leurs parens, & qu'il n'étoit pas poffible d'aller chercher toutes leurs maifons à l'heure qu'il étoit, & ne voyant point à fe conduire. Une d'entre elles, qui avoit autrefois fervi Madame le Maître avant que d'être Religieufe, voyant qu'elle étoit auprès de P. R. dit à fes fœurs, qu'elle se souvenoit de la grande charité qu'on avoit toujours pra iquée dans cette maifon, & qu'ainfi il falloit

s'y préfenter: qu'elle étoit très-affurée qu'on les y recevroit bien. La néceflité où elles fe trouvoienti, les détermina, quoiqu'elles fuffent étrangement prévenues contre le Monaftére de P. R. L'étonnement fut grand lorfqu'on vit cette troupe de filles fe préfenter à la porte & demander gîte. Elles étoient vingt-cinq Religieufes, & fept penfionnaires, trente-deux perfonnes en tout.

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On alla dire à l'Abbeffe qu'il y avoit un Cou→ vent tout entier à la porte qui demandoit à entrer. Elle fe trouva un peu embarrassée, non pas d'exercer l'hospitalité à leur égard, étant toujours prête à toute bonne œuvre, mais de trouver fur le champ comment les loger. Elle ne voyoit point au-dehors de logis affez grand & caffez garni de meubles pour loger un fi grand nombre de perfonnes: & d'un autre côté il étoit trop tard pour envoyer chercher à l'Archevêché une permiffion d'entrer pour toutes ces filles. La Mere crut que la loi souffroit une exception en ce cas: elle prit fur elle de faire entrer toutes ces filles dans la clôture. Elle les fit conduire dans l'appartement de la Princeffe de Guimenée. C'étoit un empreffement tout-àfait édifiant des Religieufes de la maifon à préparer.des lits comme on pouvoit pour ces nou velles hôteffes. Les foeurs qui étoient déja couchées fe relevoient, & dégarniffoient leurs lits pour fournir au coucher de ces filles. Pendant ce tems-là on les mena au Réfectoire où on

leur fervit un fouper qui fe trouva heureusement tout prêt. C'étoit le dîner de la Communauté du lendemain, que les fœurs de la cuifine avoient préparé dès-là veille, à caufe de la cérémonie d'une vêture qui devoit le faire, & à laquelle elles vouloient affifter. Les fept

XXXV.

Liancourt bâ

tit à P. R. M. Arnaud retiré à P. R.

Penfionnaires furent remises par la Mere entre les mains de M. d'Andilli qui demeuroit dans le dehors, & qui eut soin de nourrir & de loger ces jeunes filles pour cette nuit. Les Religieufes de P. R. ne pouvoient comprendre comment elles avoient pu trouver auffi facilement tout ce qui étoit nécessaire pour faire vivre tant de perfonnes de furcroît. Il avoit fallu donner à fouper à ces vingt-cinq Religieufes d'Etampes; & le lendemain il fallut donner à dîner à beaucoup de Religieufes étrangères, foit cel les qui étoient domiciliées à P. R. foit d'autres qui vinrent pour affifter à la Vêture; lesquelles jointes à toutes les fœurs de P. R. des deux maisons réunies, faifoient un nombre fort confidérable.

La Mere ne tarda pas d'écrire à M. de Gondi Archevêque de Paris pour lui rendre compte de ce qui s'étoit paffé, & lui faire fes excufes de ce que fans avoir fa permiffion elle avoit ouvert la porte de la clôture aux Religieuses d'Etampes. Le Prélat lui répondit qu'il approuvoit ce qu'elle avoit fait, & qu'il lui accordoit une permission générale pour toutes les rencontres où il conviendroit de donner ces entrées. La guerre étant finie, les Religieufes de la maison des Champs y retournérent en 1653.

Ce fut en ce tems-là que M. le Duc & MaLe Duc de dame la Ducheffe de Liancourt fe préparérent une retraite à P. R. des Champs. Ils firent conftruire un bâtiment vis-à-vis la porte de l'Eglife. C'eft ce Duc qui par le refus des Sacremens qui lui fut fait à faint Sulpice à caufe de fa liaison avec. P. R. fat l'occafion de la grande affaire que M. Arnaud eut en Sorbonne au fujet de fes deux Lettres à un Seigneur de la

Cour. M. de Liancourt étoit ce Seigneur.

Une Dame de Picardie, la Marquise de Crevecœur-Bonnivet, jeune veuve de trente ans, vint aussi s'établir à P. R. où elle est demeurée long-tems. M. Arnaud y étoit alors caché. Car depuis l'éclat que fon livre de la fréquente Communion avoit fait, il avoit été obligé de difparoître. Il n'étoit point inutile au Monaftére. Il confeffoit les petites penfionnaires, & rendoit d'autres fervices de fa compétence, comme de confoler les malades. Il eut occafion cette année 1653. d'exercer son zéle à cet égard: car il y eut beaucoup de maladies. Outre les talens qu'il avoit, & qui lui donnoient la capacité de bien faire cette fonction, il étoit naturellement tendre, compatisfant, zélé pour le service du prochain, semblable en ce point à fa fœur Angélique.

Mort de la Sœur Anne

jour à Mau

La maison fit alors deux pertes, l'une d'un XXXVI. Solitaire qui mourut à l'âge de vingt ans, édifiant la Communauté par sa piété & la servant Eugenie de avec zéle dans les travaux de la Ferme. C'eft incarnation, le jeune M. Thomas Dufoffé. L'autre eft celle foeur de la de la four Anne-Eugénie de l'Incarnation Ar- Mere Angélinaud, la quatrième des fix filles de M. Arnaud. que. Son féJ'ai rapporté plus haut, Liv. 1. n. 26. ce qui buiffon & fes s'étoit paffé dans la jeuneffe jufqu'à fon en- vertus. trée à P. R. en 1616. Elle trouva à P. R. en y entrant des Directeurs capables, que la Providence avoit fait rencontrer à la jeune Réformatrice, M. Galot Docteur de Sorbonne, le Pere Eustache Feuillant & le Pere Suffren Jéfuite. Mais elle fut formée de plus près par fa fœur la Mere Agnès qui étoit déja une fille fort fpirituelle. Ce fut elle qui l'éclaira dans une grande perplexité où elle fe trouva tout d'abord, fentant dans fon ame un vuide très-affligeant PS

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