Images de page
PDF
ePub

feroit favorable. C'étoit chez les Feuillantines de Toulouse, qui étoit un Couvent nouvellement réformé, qu'elle vouloit d'abord fe placer, & n'y être que Sour Converfe. Elle avoit entendu parler de cette maison comme d'un Couvent bien réglé & peu connu dans le monde ; ce qu'elle cherchoit. Dans la fuite elle penfa aux Capucines; puis à une maison de Carmelites de Flandres: & encore aux filles de la Vifitation, lorfque ce nouvel Inftitut fut établi par S. François de Sales. Tout cela lui étoit égal, pourvû que ce fut une Communauté bien réglée. Elle a confervé long-tems cette pensée ; & ce ne fut que fur les fortes remontrances de M. Hamet Evêque de Langres, avec qui dans la fuite elle s'étoit liée, qu'elle renonça entiérement à ces vues de changement. Il l'obligea de renouveller fes vœux tout haut dans la Chapelle fermée de P. R. & de les refaire dans toute la plénitude de fon cœur. Elle n'eut plus depuis ce tems-là aucun retour de fes anciennes idées. Comme donc par cette feconde Profeffion dont j'ai parlé ci-deffus, elle fe trouvoit pourvue de fon titre dans les régles, & réellement chargée du poids de la fupériorité, elle redoubla de ferveur pour en remplir les fonctions, autant de tems qu'il plairoit à la divine Providence. Elle travailla à inspirer à fes filles toutes les vertus de leur état, s'efforçant d'y croître elle-même pour fe rendre plus agréable à Dieu & plas exemplaire pour fa Communauté.

Puifque j'en fuis à parler des vertus de la mere Angélique, pourquoi ne pas le faire ici dans le plus grand détail, & raffembler tout, comme dans un tableau? Je réunirai une multitude de beaux traits qui font épars dans les Relations de fes Filles, & qui font fans date pour

XIV.

la plupart; & je les rangerai fous les titres des différentes vertus auxquelles ils ont rap port. Je crois pouvoir affurer par avance qu'il en réfultera le portrait de la plus grande chrétienne, & de la Religieufe la plus accomplie. Ce qui aura manqué ici pour achever le tableau, aura fon fupplément dans tous les traits qui fe rencontreront dans la fuite de l'Hiftoire, & dans quelques réflexions que nous ajoûterons au tems de fa mort. Il eft à obferver qu'en faifant l'éloge de la Mere, je ferai auffi celui de la Communauté, qui ne pouvoit voir la vie admirable de fa fainte Abbesse, fans être comme entraînée à l'imiter: ce qui arriva peu

peu.

à

La mere Angélique avoit une grande affiduiVertus de la té à la priére. Elle regardoit les priéres fréquentes mere Angéli- comme des moyens de parvenir à cette prière con. lique. Amour de la prière, tinuelle, qui eft commandée par J. C. dans l'Ede la retraite vangile : & elle faifoit confifter celle-ci dans une & de la régu- vue habituelle & perfévérante de plaire à Dicu

larité.

כב

כל

en toute chofe, fans aucun effort ni aucune contrainte d'efprit, & dans une attention non interrompue à vaider fon cœur de toute attache & de toute distraction volontaire : » Par»ce que, difoit-elle, rien ne fçauroit entrer » dans des vaiffeaux pleins, & qu'il faut que notre cœur foit vuide, pour que Dieu le rempliffe. Elle donnoit l'exemple à fes Securs de la fidélité qu'elle recommandoit pour l'affiftance devant le S. Sacrement, dès que l'Adoration perpétuelle fut introduite à P. R. Elle y alloit, nonobftant fes infirmités. Elle y paffoit des tems confidérables, & y étoit comme immobile; fans manquer cependant à ce qu'elle devoit en toute rencontre à fa Communauté & à fes emplois. Car elle avoit expreffément enjoint que

[ocr errors]

toutes les fois qu'on auroit befoin d'elle pour quelqu'affaire,on ne manquât pas de venir l'avertir devant le S. Sacrement.Dans la fuite elle établit ce qu'on appelle l'Oraison, la Priére men→ tale, dont la mere Agnès communiqua le plan à M. l'Abbé Le Camus, depuis Cardinal, Èvêque de Grenoble. Le voici tel qu'il le rapporte dans une Lettre à un de ses amis : » Elle m'a dit » que leurs Oraifons n'étoient pas tout-à-faft » fans méthode, néanmoins fans gêne & fans » contrainte. On prie Dieu mentalement deux » heures par jour, à 5. heures du matin & à 5. » du foir. Elles obfervent la méthode de Sainte » Thérèse, qui eft de commencer par le Con"fiteor, & par demander pardon à Dieu de fes péchés. Enfuite on fe préfente devant Dieu » avec un fentiment de refpect & une reconnoif>> fance qu'on eft indigne de lui parler. Le reste » eft à la liberté des particuliéres. Chacune prie » fuivant fa grace, & fuivant fes befoins & fon » attrait. Les unes s'élévent, les autres se tien» nent devant Dieu, les autres gémiffent. Mais » comme toutes n'ont pas d'abord ni le goût, ni »le tempérament affez pofé pour paffer ce tems » comme il faut, le foir avant que de fe coucher, "on lit une page de quelque livre fpirituel, » qui peut le lendemain fervir de matière à l'O» raifon. Car là on ne lit point de fujet immé» diatement avant la prière, & on ne la divife » pas en trois points. Cependant les sujets prin>>cipaux dont la Communauté s'occupe, ce font »les mystéres, les paroles & la perfonne de "J. C. & fes actions, fur tout la Paffion. On » éléve les Novices dans cet efprit, de s'occu» per de cela inceffamment, & dedans & dehors » de la prière ; & comme il y a des esprits vifs qui ne peuvent arrêter leur imagination, on

[ocr errors]
[ocr errors]

BS

[ocr errors]

כל

» leur permet de porter un livre, & de lire quel» que chofe pour fe récueillir plus aisement, » & enfuite retourner à la prière, ou à réciter » quelques priéres vocales, quelques verfets de >> Pleaume pour fe remettre.» La mere Angélique avoit infpiré le fond de cette méthode de prier fans méthode. Dans une de fes Lettres à M. d'Andilli fon frere en 1645.elle va plus loin: elle voudroit même qu'on priât Dieu fans penfées, & qu'on tint fon efprit vuide devant Dieu, & qu'on fût à fes pieds comme un bon pauvre, &c. On ne peut difconvenir que ce ne foit-là une voie extraordinaire, qui ne conviendroit point à tout le monde, & qui pourroit même avoir fon danger. Aufli l'on ne s'y eft point conformé à P. R. telle qu'elle eft littéralement; mais on l'a fuivie telle que la mere Agnès l'a digérée, comme nous venons de le voir. Il eft à préfumer que la mere Angélique étoit capable par fa grande foi de porter un tel exercice, fans en courir les dangers. On ne voit point dans toute la conduite qu'elle ait donné dans aucun des écarts des Myftiques. Mais la Providence qui l'a fanctifiée par cette voie finguliére, n'a point permis qu'elle fut propofée & pratiquée à P. R. comme une régle générale pour tout le monde. Il eft à obferver, comme nous l'observerons encore fur M. de S. Ciran, que les erreurs & les illufions du fyftême des Quiétiftes n'étant pas encore nées, les perfonnages recommandables par leur haute piété qui vivoient alors, n'ont pas toujours mefuré leurs expreffons & leurs vues avec toute la difcrétion qu'ils auroient fait, s'ils avoient parlé après la naiffance du Quiétifme. M. Arnaud pense ainfi de M. de S. Ciran au tom. 2. de ses Letttes, Lett. 122. & y établit la vraie idée de l'Oraifon.

C

[ocr errors]

Autant l'exercice de la prière étoit en recommandation auprès d'elle, autant le parloir lui étoit à charge. Elle avoit pour maxime que » les Religieufes y perdoient toujours, & que les » Séculiers n'y gagnoient rien. » Elle n'y alloit que pour une vraie néceffité, ou pour quelqu'œuvre de charité. Son exemple fit grand effet. Les Sœurs à fon imitation fe retranchoient le Parloir autant qu'elles pouvoient : on ne le fréquentoit que pour la fatisfaction des perfonnes qu'on ne pouvoit abfolument refufer, ou de celles que la charité engageoit de voir ou de confoler, fur tout les pauvres. On fe mettoit à genoux avant que d'entrer au Parloir, afin de demander à Dieu qu'il préfervât de l'efprit du monde. On en faifoit autant en fortant, pour le prier d'effacer de l'efprit ce qu'on venoit d'entendre de prophane & de féculier.

[ocr errors]

Elle aimoit fingulièrement la régularité l'exactitude à faire ponctuellement toutes les obfervances grandes & petites, fans jamais s'en difpenfer. Elle exhortoit fes filles à prévoir les petites chofes qu'on pouvoit avoir à faire, afin d'être prêt à partir au premier fon de la cloche. Un jour que quelques Sœurs travailloient à la chandelle, il arriva un accident, & il y eut bien de la chandelle rompue. La Mere étant venue pour édifier fes filles par quelque parole felon fa coutume, elles les trouva toutes déconcertées & extrêmement affligées. » Eh! » quoi, dit-elle, faut-il tant fe lamenter pour cela? Je penfois que quelqu'un avoit été bleffé: & quand il y auroit encore plus de perte, » je fais moins d'état de tout cela, que de la » moindre faute : une parole inutile est plus » que cela.

[ocr errors]

L'amour de la pauvreté étoit,s'il eft permis d'u

XV.
Son amout

« PrécédentContinuer »