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étoit fi bien autorifé, le fond de fa doctrine ne l'étoit pas moins: car il n'entendoit autre chofe par cette propofition que deux vérités que tous les Thomiftes foutiennent, favoir ro. Que late grace efficace par elle2même eft nécellaire pour toute bonne œuvre de la prété chrétienne ; 20. Que ceux qui ne font pas le bien, n'ont pas reçu une grace efficace pour Je faire. C'eft ce que M. Arnaud expofa dans plufieurs excellens écrits qui fe trouvent recueillis dans le Caufa Arnaldina: dans lesquels if explique d'ailleurs comment le libre arbitre de Phomme fubfifte pleinement avec cette doctriney fans qu'elle porte préjudice au pouvoir très-réel que l'homme conferve toujours pour faire, ce que cependant il ne fait pas étant privé de cette grace efficace, & pour ne pas faire ce qu'il fait étant mu par cette même grace.' La Sorbonne fut donc affemblée pour procéder à la cenfure de ces deux propofitions. La violence & la cabale conduifirent toute cette affaire. On nomma pour Commiffaires les plus déclarés des ennemis de M. Arnaud. Ils com mencérent leur rapport le 1. Décembre 1655. Le Chancelier de France dévoué au parti contraire à M. Arnaud, assista à toutes les Affem blées : démarche tout-à-fait infolite & inouïe. On vouloit par la intimider les Docteurs qui auroient été favorables à M. Arnaud, & ôter b ainfi la liberté des fuffrages. Au lieu de deux Docteurs feulement de chacun des quatre Ordres mendians, qui ont accoutumé d'opiner dans les Affemblées de la Faculté y felon les ufages & les loix du Corps, on én fit venir de tous côtés au nombre au moins de quafante. Comme on étoit incommodé des bonnes taifons qu'alléguoient les Docteurs amis dé M. Tome I.

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Q

IV.

Vifite de

P. R. des
Champs. Les
Solitaires fe
retirent.

2

Arnaud, on y mit ordre par un procédé éga lement infolite. On fixa à une demi-heure le tems que chaque Docteur devoit parler, Malgré toutes ces précautions, il y eus 71. voix pour M. Arnaud. Les voix contraires ne montoient qu'à un peu plus de la moitié des opinans ce qui fuffifoit pour empêcher que la cenfure ne paflât, parce que fuivant les régles, une cenfure ne peut être faite, que de l'avis des deux tiers au moins de l'Affemblée. La cenfure cependant, fut prononcée le dernier, Janvier 1656. moyennant des infidélités qu'on avoit faites en colligeant les voix. Les deux propofitions de M, Arnaud furent condamnées; celle de fait fut déclarée téméraire, & celle de droit hérétique, impie, blafphématoire, &c. Pour fceller l'injuftice faite à M. Arnaud, on fit un réglement qui obligeoir tous les Do&teurs de figner la cenfure, fous peine d'exclufion; & l'on impofa ce même joug aux Bacheliers qui fe feroient recevoir à l'avenir, Les 71. Docteurs qui avoient été oppofés à la cenfure, aimérent mieux fe laiffer exclure de Sort bonne avec M. Arnaud, que de fouferire à un jugement auffi inique. Finiflons cette digreffion qui étoit affez curieufe, & trop importante pour ne la pas faire, on on

Les chofes étant en cet état, les ennemis de P. R. n'eurent point de reposo qu'ils n'euffent engagé la Cour à envoyer le 30. Mars 1656. le Lieutenant Civil d'Aubrai à P.R. des Champs pour en chaffer tous ceux qui s'y étoient retirés, & pour renvoyer tous les enfans qu'on élevoit à la maifon des Granges, C'est ce M. d'Aubiai qui étoit le pere infortuné de la fameufe Brinvilliers, par laquelle il fut enfuite empoifonné. Nous le verrons plus d'une fois

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prêter fon ministère aux violences exercées contre P. R. On prévint la vifite du Lieutenant Civil, & on envoya les enfans en d'autres maisons voisines, aux Troux, au Chénet, &c. Les Solitaires fe retirérent chacun de leur côté. Il en refta feulement quelques uns qui avoient des emplois néceffaires. Ainfi le Commiffaire de la Cour trouva le lieu vuide; mais il vit bien qu'on avoit enflé l'objet en Cour, & que le lieu ne pouvoit pas contenir autant de monde qu'on l'avoit publié, pour rendre cette maifon fufpecte. Il fit fubir un interrogatoire à la Mere Angélique, qui ne lui apprit rien. Il ne faut pas manquer d'obferver que pendant le Carême de cette année, 22. Jéfuites prêchant dans Paris, furent comme 22. tocfins qui ne cefférent de retentir dans les chaires contre la maifon de P. R. Quelque tems après M. d'Andilli obtint pour lui & pour fon fils de Luzanci la permiffion de retourner à P. R. des Champs. Car il avoit été obligé comme les autres de fe retirer, nonobftant toutes les fupplications qu'il avoit faites tant à la Reine Mere qu'au Cardinal Mazarin, & toutes les follicitations qu'il avoit employées à ce fujet auprès de la Cour. Ce qui fit dire dans ce temslà que M. d'Andilli avoit tenu plus ferme pour la défenfe de fon défert, que les plus braves Gouverneurs ne peuvent faire pour conferver les places qui leur font confiées. Tout ce qu'il avoit pu obtenir, c'étoit une promeffe de la Cour, que fon exil ne dureroit pas long-tems; & que le Roi fouhaitoit feulement qu'il fit une abfence paffagere. Ainfi après avoir paffé un mois chez un ami, il reçut de la Cour la permiffion de revenir à P. R. Les troubles étant enfuite un peu appaifés, les autres Solitaires y revinrent peu à peu. Q 2

V. Miracles or

Pendant que les hommes fe déchaînoient ainfi pérés par la contre P. R. Dieu fe déclara en fa faveur par fainte Epine un grand nombre de miracles, dont plufieurs furent atteftés & confirmés par des autorités juridiques.

de P. R.

Le premier fut celui qui s'opéra fur Mademoiselle Perrier fille de M. Perrier, Confeiller à la Cour des Aydes de Clermont en Auvergne, niéce du célébre M. Pascal, & penfionnaire de P. R. de Paris. Elle avoit alors dix à onze ans. Depuis trois ans & demi fon ail gauche étoit mangé d'une fiftule lacrimale de la groffeur d'une noiferte, dont l'humeur maligne & fanieufe lui avoit carié l'os du nez & celui du palais, & lui tomboit dans la bouche. Cette humeur étoit fi fétide & fi puante, qu'on étoit contraint de la féparer des autres penfionnaires. On vouloit lui appliquer le feu, afin d'empêcher que le mal ne gagnât dayantage; & on avoit écrit à M. fon pere en Province, pour qu'il vînt assister à l'opération. Mais une Religieufe ayant eu compaffion de cet enfant, lui fit baiser une fainte Epine de la Couronne du Sauveur, qu'on avoit alors dans la maison. Elle y avoit été dépofée depuis peu pour quelque tems par un Eccléfiaftique de condition & de piété, nommé M. de la Potterie, frere du Doyen des Confeillers d'Etat, & grand-oncle des Meres Arnaud, auquel elle appartenoit. La jeune malade guérit fubitement; & lorfque le Chirur gien vint pour l'opération au jour qui avoit été pris pour la faire, il fut dans le dernier étonnement de voir que l'œil malade n'existoit plus, & qu'il étoit remplacé par un autre, aussi fain que l'œil droit. Le nez, le palais, la boushe fe trouvérent rétablis en leur état naturel

fans qu'il demeurât aucun veftige qu'il y eût eu jamais aucun mal. Le Chirurgien ayant rencontré en fortant le Médecin qui venoit à la maison, lui raconta la merveille: mais il ajouta qu'il ne falloit pas en faire de bruit, à caufe de l'état des affaires du Couvent. Il lui prit une fiévre violente au bout de quelques jours ; & au troifiéme accès, il penfa que Dieu le puniffoit peut-être de fa lâcheté au fujet du miracle. La fiévre le quitta; & il fe mit à publier à haute voix la merveille. Ce miracle, après avoir été attefté par fix Médecins, M. Bouvard premier Médecin du Roi, les deux Mrs Renaudot, M. Hamon, & deux autres, & par cinq Chirurgiens, Creffé, Dalencé, Guillard, Menard & Lelarge, fut publié par un Mandement du Grand-Vicaire du Cardinal de Retz, qui ordonna un jour de fête à P. R. en action de grace. La fête fut célébrée avec grande folemnité. On fit l'Office de la fainte Couronne d'Epines, quoique ce fût le jour de S. Simon, S. Jude. Les Religieufes chantérent la veille les premiéres Vêprès, la jeune Demoifelle y affiftant parmi les Novices. Le lendemain le Grand Vicaire vint à P. R. pour chanter la Grand-Meffe. Revêtu de fes ornemens, & accompagné de beaucoup d'Officiers, il alla prendre à la grille des Religieufes le Reliquaire, qui y étoit placé fur un petit autel, & le porta fur un petit tabernacle qu'on avoit fait exprès. Le Reliquaire fut porté fous un daix, & dans la marche deux Acolytes l'encenfoient continuellement. La Grand-Meffe fat chantée avec une grande pompe. L'Eglife étoit pleine de monde qui s'empreffoit de voir la petite miraculée. Elle étoit placée près de la grille, à genoux fur deux gros carreaux, afin qu'elle fût

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