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n'en fut pas de même de ceux de la langue. Cette forte de perfécution ne fit que s'enflammer & s'envenimer. Les ennemis n'oférent contefter les miracles: mais ils publierentque c'étoit une marque que ces Religieufes étoient hérétiques; Dieu ne faifant, difoient-ils, des miracles que pour convertir les hérétiques. C'est ce qu'ils avancérent dans un Ecrit intitulé: Le Rabat-joie , ou Obfervations fur ce qu'on dit être arrivé à P. R. au fujet de la fainte Epine. A quoi M. Pafcal perfonnellement intéressé à la guérifon miraculeufe de fa niéce, ou comme d'autres le penfent, M. le Maître fit une ré ponse pour juftifier le miracle, & pour détailler les preuves qu'on étoit en droit d'en tirer pour l'innocence des Religieufes de P. R. Cette premiére juftification fut fuivie d'une autre plus capable de fermer la bouche aux Calomniateurs, parce qu'elle émanoit de l'autorité eccléfiaftique, je veux dire le Mandement du Grand-Vicaire de Paris que j'ai rapporté plus haut.

Le Lecteur ne fera pas fâché d'entendre M. Pafcal s'expliquer à ce fujet dans fa feizième Lettre Provinciale, & dans fes Pensées fur les miracles, , que M. Colbert Evêque de Montpellier a fait imprimer à la fuite de fa troifiéme Lettre à M. Languer Evêque de Soiffons. Les filles de P. R. dit M. Pafcal dans fes Penfées, étonnées de ce qu'on dit qu'elles font » dans une voie de perdition, que leurs Con» feffeurs les mènent à Geneve, qu'elles croient » que J. C. n'eft pas dans l'Euchariftie ni à la droite du Pere; fçachant que tout cela étoit faux, s'offrirent à Dieu en cet état, & dirent avec le Prophéte, Vide fi via iniquitatis in me eft, voyez s'il y a en moi une voic d'ini

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quité. Qu'arrive-t'il là-deffus? De ce lieu » qu'on dit être le Temple du Diable, Dieu en » fait fon Temple. On dit qu'il en faut ôter » les enfans, on dit que c'eft l'Arsenal de l'En» fer; Dieu en fait le fanctuaire de les graces. » Enfin on les menace de toutes les fureurs & » de toutes les vengeances du Ciel, & Dieu les » comble de fes faveurs. Il faudroit avoir perdu » le fens pour en conclure qu'elles font dans la » voie de perdition. Vous calomniez, dit-il dans la feiziéme Provinciale, ces faintes Vierges qui n'ont point d'oreilles pour vous » ouïr, ni de bouche pour vous répondre. Mais » J. C. en qui elles font cachées pour ne paroî>>tre qu'un jour avec lui, vous écoute & répond » pour elles. On l'entend aujourd'hui cette voie fainte & terrible qui étonne la nature, & »qui confole l'Eglife. Et je crains que ceux qui endurciffent leurs cœurs, & qui refufent » avec opiniâtreté de l'ouïr quand il parle en Dieu, ne foient forcés de l'ouïr avec effroi, quand il leur parlera en Juge. >>

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Sur les repréfentations d'un grand Serviteur de Dieu, on fit à P. R. une neuvaine pour les Priéres á P. perfécuteurs de la maison. Il avoit semblé à ce R. pour les pieux perfonnage qu'on n'avoit pas affez de cha-Converfion rité pour eux, & qu'on ne devoit pas fe con-éclatante d'un tenter de les combattre par la doctrine, mais d'entr'eux. qu'il faudroit le faire auffi par la prière. M. Arnaud qui avoit reçu cet avis, en fit part à la maifon, & fur le champ on y déféra.

Ces priéres de P. R. & ces neuvaines à la Ste Epine, opérérent en effet des conversions, auffibien que des guérifons corporelles. En 1657. il s'en fit une qui fut regardée comme vraiment miraculeufe en la perfonne d'un Avocat, nommé M. Richer, qui avoit été Intendant

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de M. le Duc de Luines, qu'on fçait avoir été très-attaché à P. R. Cet Avocat avoit une fille penfionnaire à P. R. des Champs, dont le Duc payoit la penfion. Ce Seigneur l'ayant remercié de fes fervices, celui-ci en conçut un tel dépit contre P. R. qu'il regardoit comme coupable de fa difgrace, qu'il entreprit de décrier dans un Ecrit, & M. de Luines, & le Monaftére. Il concerta l'ouvrage avec le P. Annat Confeffeur du Roi, & deux Cordeliers, le P. Favre & le P. Soyer, dont l'un éteit Confesseur de la Reine. L'Ecrit étant fini, il différa de le publier, tant par la crainte de fe perdre de réputation parmi les gens d'honneur, que par la menace que lui fit fa femme de démentir par un Ecrit contraire, tout ce qu'il avançoit. Cependant cette vertueufe époufe conjointement avec fa fille penfionnaire de P. R. & toute la Communauté, faifoit des neuvaines à la fainte Epine, pour demander à Dieu qu'il changeât le cœur de M. Richer. Le huitiéme jour d'une de ces neuvaines, il fut réfolu dans le Confeil du P. Annat & des Cordeliers que l'Ecrit paroîtroit. La Reine le fouhaitoit & l'attendoit avec impatience, parce qu'on lui en avoit fait fête, & qu'elle le regardoit comme une piéce admirable qui perdroit d'honneur tout P. R. Le lendemain M. Richer fortit le matin avec fa robe d'Avocat. Il n'eut pas fait cent pas dans la rue, qu'il fut frappé tout à coup d'un grand mal de tête & d'une groffe fiévre. Il revint fur fes pas, fe met au lit, crie qu'il fe meurt, & que Dieu le punit de l'infolent libelle qu'il a compofé. Il renvoie chercher les deux copies de l'Ecrit, l'une chez le Cordelier Confeffeur de la Reine, l'autre chez un Evêque de ses amis ; il donne ordre à fa femme de les brûler deyant

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lui avec tous les papiers qui étoient dans fon cabinet, concernant cette matiére. Il fit venir fon Confeffeur qui approuva le parti qu'il prenoit, & il fit prier M. Singlin Confeffeur de fa femme de le venir voir. Il lui avoua tout, & lui demanda humblement pardon de tous les excès. La maladie fut confidérable pendant 40. jours, & après fa convalefcence, il alla à P. R. remercier Digu de la double grace qu'il lui avoit faite en guériffant fon ame & fon corps, & s'en féliciter avec fa fille penfionnaire.

XI.

Mademoifelle de Roan

La même année 1657. il fe paffa un autre événement, qui marquoit vifiblement combien les ennemis de P. R. étoient acharnés contrè nès chaffée de la maifon, & qui étoit un avertiffement, entre P. R. par des bien d'autres, d'une perfécution qui le préparoit ordres fupéfourdement contre le Monaftére. Mademoiselle rieurs. Abregé de fa vie. de Roannès, fœur du Duc de Roannès, étoit entrée à P. R. pour fe faire Religieufe. Elle avoit alors 24. ans. Elle étoit fort du monde, quoiqu'elle eût de tems en tems des penfées vagues & paffagéres de fe convertir à Dieu. Elle ne connoiffoit de P. R. que l'Eglife, où Madame sa mere la menoit quelquefois en dévotion à la Ste Epine, pour un mal d'yeux qu'elle avoit ; elle ne parloit à perfonne ni du dedans ni du dehors. Un jour elle fe fentit, étant devant la Ste Epine, fi fortement touchée du défir d'être Keligieufe à P. R. qu'elle auroit fouhaité pouvoir entrer fur le champ dans la maison. "Elle ne communiqua à perfonne le deffein perfévérant qu'elle avoit remporté de l'Eglife de P. R. Un parti s'étant préfenté pour elle, elle fut obligée de découvrir fon deffein au Duc de Roannès fon frere fous le fecret. Il lui confeilla de temporifer. Enfuite il lui fit faire un voyage dans le Poitou dont il étoit Gouverneur, pour

mere,

effayer de la diftraire de fes idées, & de les lui faire perdre. Cela ne réuffit pas au gré du Duc. Enfin après un an de délaì, & plus, elle s'ouvrit à Madame fa mere qui s'oppofa fortement à fes vues, & ne lui laiffa pas un moment dans la journée fans qu'elle eût des affauts à foutenir de toutes perfonnes apoftées par la mere. Au bout de huit jours elle fe déroba de fa & vint à P. R. La mere & le frere vinrent l'y voir; leurs follicitations furent inutiles on obtint feulement de la Demoiselle qu'elle feroit un an fans prendre l'habit. La retraite éclatante d'une fille de cette naiffance irrita les ennemis de P. R. qui voyoient que cela donnoit de la réputation à un Monatére dont ils avoient juré la perte. Un pere des Déferts Jéfuite fe fit fort auprès de la mere de lui rendre la Demoiselle, pourvu qu'elle donnât procuration à quelque Dame d'aller en fon nom à P. R. fi elle ne pouvoit y aller elle-même. Les Jéfuites obtinrent une Lettre de cachet qui ordonnoit à l'Abbeffe de P. R. de remettre la Demoiselle entre les mains de Madame sa mere. Un Exempt des Gardes vint à P. R. apporter l'Ordre du Roi. On s'excufa d'y obéir sur le champ, parce que la mere à qui le Roi ordonnoit de remettre la Demoiselle n'étoit pas préfente. L'Officier faifant grand bruit, & menaçant d'enfoncer les portes, Mademoiselle de Roannès parut à la grille, & lui parla d'un ton qui l'obligea de bailler le fien. Sur le champ elle écrivit à Madame fa mere une lettre refpectueufe, mais forte : ce qui la défarma, auffibien que M. le Duc de Roannès qui n'avoit rien fçu de la manoeuvre des Jéfuites. Il écrivit au Cardinal Mazarin pour le remercier au nom de fa mere de la Lettre de cachet, & lui déclarer

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