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en tems pour lui dire quelque mot. Il arriva même une petite fupercherie concertée entre les deux jeunes Demoifelles, pour avoir le plaifir de converfer avec une Dame du dehors qu'elles firent paffer pour leur tante. Le jeu ayant été découvert, la Demoiselle d'Angennes en conçut une telle douleur, qu'elle demanda pardon publiquement à fa jeune coufine du fcandale qu'elle lui avoit donné, en la portant à une telle infraction des régles. Depuis ce tems-là on n'eut plus aucun reproche à lui faire, & la Mere Angélique dans fa Rélation déclare que fi dans la fuite on a remarqué en elle des fautes, comme cela arrive à tout le monde, on ne lui a jamais vu du moins aucun défaut, c'est-àdire aucune faute habituelle. Elle fut réconciliée à Pâques, & approcha de la fainte Table; ce qu'elle faifoit enfuite très-fréquemment.

XVI.

La Maréchalle de la Ferté ne réuffit point Ses vertus auprès de M. fon pere, pour obtenir fon con- Principales, fentement. Les lettres que la Demoiselle recevoit de lui de tems en tems étoient fulminantes: ce qui la faifoit fondre en larmes. Cependant elle ne fe décourageoit ni ne fe relâchoit point. Enfin on lui confeilla d'écrire à M. fon pere, que pour lui obéir elle fortiroit de P. R. mais qu'il pouvoit compter qu'en ce cas elle ne feroit point Religieufe, & qu'elle ne vouloit d'au cun autre Couvent. Ce moyen réuffit, & le pere acquiefça au défir de fa fille pour demeurer. A peine la Demoiselle eut-elle obtenu ce confentement tant défiré, qu'elle fut attaquée d'u ne terrible maladie. Il lui prit un violent crachement de fang qui la laiffa dans un déla rement entier de fa poitrine & qui la décida des lors pulmonique. Elle cut à fouffrir pendant neuf mois, pendant lefquels Dieu perfection

que

na fon ouvrage, & conduifit cette jeune ame à la plus éminente vertu. On remarqua d'abord en elle un cœur toujours occupé de Dieu. On y reconnut en fecond lieu un détachement fi grand, qu'autant elle avoit eu d'empreffement pour être Religieufe, lorfque fa famille s'y oppofoit, autant elle accepta avec paix le nouvel obftacle la Providence y apporta du côté de fon mal. Cette fainte difpofition * perfévéra jufqu'à la mort. Elle difoit étant prê te de mourir, qu'elle étoit toute confolée de n'être ni Novice ni Profeffe, parce que le jour de fa mort feroit le jour de fa Profeffion, mais d'une Profeffion bien plus défirable › parce qu'elle ne finiroit jamais. Si on lui parloit de quelques filles qui prenoient l'habit, ou qui faifoient profeffion, elle difoit: Je suis bien plus heureufe qu'elles; car elles ne font que commencer, & moi j'acheve. On voit dans ces fentimens un trait de cette lumiére que Dieu lui avoit donnée fur toutes choses. Auffi s'apercevoit on qu'elle n'agiffoit point, comme elle avoit fait dans les commencemens ou par fimple imitation du bien, ou par une fenfibilité de dévotion, mais par principe & par des vues fupérieures. Elle faififfoit toute vérité qu'on lui préfentoit ; elle y entroit fur le champ, & la faifoit paffer de fon efprit dans fon cœur.

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Sa coufine qu'elle avoit tant aimée étant fortie en ce tems-là de P. R. la malade se résolut de l'oublier totalement fur ce qu'on lui avoit dit, que fi elle y penfoit encore, elle ne pour roit pas s'empêcher de penfer auffi au monde où la Demoiselle rentroit. Un autre jour la M. Angélique de S. Jean lui ayant représenté que peut-être il feroit plus parfait de s'offrir à Dieu pour fouffrir dans la vie, que de fe livrer

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comme elle faisoit, à un défir ardent de mourir, elle fe rendit avec fimplicité, & ne fit plus tant paroître l'empreffement de fon cœur pour fortir de la vie. C'étoit donc une admirable fimplicité qui faifoit fon caractére & fa vertu dominante. N'ayant pu obtenir du Médecin & des Meres de pratiquer l'abftinence du Carême dans un petit répit apparent que lui donna fon mal, elle fouhaita de retomber malade tout-à-fait, afin qu'elle pût faire pénitence en quelque chofe. Elle en fit la prière à Dieu; & foit que Dieu l'eût exaucée, foit que le cours de la nature en décidât ainsi, la chose arriva. Dès le commencement de fa maladie, elle avoit donné une autre preuve de fon humble fimplicité. Elle fe perfuada que le crachement de fang lui étoit venu par la faute, & que fon fang s'étoit échauffé jusqu'à cet excès par une fuite de fon impatience; car elle fe faifoit autant de peine des mouvemens de vivacité involontaires qu'elle éprouvoit, fans néanmoins y confentir, que fi c'eut été de grands péchés. Enfin lorfque le Médecin l'eut avertie que le moment de fa mort n'étoit pas éloigné, elle demanda à fa bonne amie Angélique, fi maintenant il ne lui étoit pas permis de s'abandonner fans réserve à la joie qu'elle avoit d'aller à Dieu. Comme on lui répondit qu'elle le pou voit, puifque les ordres de la Providence se manifeftoient, elle ne fe contraignit plus ; & non contente de goûter la douceur qu'elle goûtoit dans la vûe de la mort, & de la témoigner, elle effayoit de faire des profélites fur cet article, & d'amener toutes les fœurs qui l'approchoient à la défirer comme elle. C'eft dans ces difpofitions qu'elle mourut dans le mois d'Otobre 1660. âgée de 17. ans.

Je rapporterai, en finiffant, un difcours qu'elle tint quelque tems avant fa mort, qui renferme une chofe utile à fçavoir, touchant la conduite de Dieu fur les ames. La Mere Angélique de S. Jean lui avoit fait obferver qu'autrefois elle avoit eu une très-grande crainte de Ta mort,au lieu qu'à présent elle la désiroit avec une extrême ardeur : voici ce qu'elle lui répon » dit: Je mefuis trouvée en des difpofitions tou » tes différentes en divers tems: au commence» ment que je fus ici, je ne craignois point de mourir › parce que je ne me connoiffois pas depuis, quand j'ai commencé à me connoître, & à avoir auffi plus de connoiffance de Dieu, la mort m'a fait peur, & j'ai » appréhendé d'aller paroître devant lui chargée de péchés: mais depuis les graces qu'il » n'a faites dans ma maladie, & que j'ai mieux » compris la grandeur de fa bonté & fa chari» té infinie, la confiance a furmonté la crainso te, & j'ai paffé delà jufqu'au défir de la mort,

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parce que je la regarde comme la fin du péché, » & j'efpére par elle entrer dans la jouissance » du fouverain bien pour le pofféder toujours, fans craindre de le perdre jamais.

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En 1661. arriva la mort de M. de Rebours, Prêtre, qui fe retira à P. R. à l'âge de 48. ans, déja confommé en vertu, entra dans le Sacerdoce de l'avis de M. Singlin, & fut Confesseur de la maison pendant 20. ans.

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Cette mort fut fuivie de celle de deux perfonnes des plus recommandables & des plus célébres ce font M. Pascal & fa vertueufe fœur la foeur Ste Euphémie : le premier mort en 1662. & la feconde en 1661. L'hiftoire du frere fe trouvera dans l'Hiftoire des Solitaires,& celle da la fœcur a été rapportée ailleurs..

Enfin en 1663. moururent M. Retard Curé de Magny, Paroiffe de P. R. qui avoit été fortement attaché aux intérêts de la vérité & de P. R. & M. de S. Gilles d'Affon, Gentilhomme du Poitou, qui vécut 21. ans dans la Pénitence, chargé d'abord de faire valoir une Ferme de P. R. employé enfuite au fervice de ceux qui fouffroient pour la vérité.

XVII.

jufqu'en '661.

Il eft tems de reprendre la fuite de l'Hiftoire. Depuis 1657. jufqu'en 1661. les Religieufes Calme à P. R. de P. R. eurent un peu de répit. Une affaire de depuis 1657grand éclat оссира le public, & fit diverfion. Affaire de C'eft la dénonciation de la Morale relâchée par l'apologie des les Curés de Rouen, de Paris & de plufieurs au- Cafuiftes. tres Diocèses, & les cenfures portées contre l'Apologie des Cafuiftes. Les Curés de Paris furtout fe fignalérent par une fuite d'Ecrits Théologiques pleins de lumiére & très-bien dictés. Les Jéfuites voulurent s'y oppofer, & ils le firent en publiant le fameux ouvrage intitulé, Apologie des Cafuiftes. Leur caufe n'en devint pas meilleure ; le foulévement fut général ; & la Sorbonne ayant cenfuré le Livre, prefque tous les Evêques du Royaume à l'envi publiérent des cenfures contre le même Livre, dont il y en a quelques-unes qu'on peut regarder comme des chefs-d'œuvres. Il n'y eut pas jufqu'au Tribunal de l'Inquifition à Rome qui ne fe déclarât contre l'Apologie fous Alexandre VII. Les trois années fuivantes furent occupées par de grands mouvemens qu'on fe donna de part & d'autre au fujet des cinq Propofitions & du Formulaire, & furtout au fujet de la Bulle d'Alexandre VII. fur ces matiéres. Il y eut une grande divifion dans le Clergé à cette occafion, nous en verrons l'hiftoire abregée plus bas.

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