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te. On porta les faintes Reliques à la premiére & à la derniére. La Mere Angélique qui étoit venue à Paris de la maifon des Champs dans cette conjoncture critique, & qui y avoit apporté cet efprit de religion qui ne la quittoit jamais, & qui tranfpiroit, pour ainfi dire, dans tous ceux qui la voyoient, porta dans cette cérémonie la vraie Croix. Elle parut avec un visage & un maintien fi recueilli & fi anéanti devant Dieu, que les Sœurs qui la confidéroient ne pouvoient retenir leurs larmes : & lorfqu'elle rentra dans le Choeur, les forces lui manquant, elle tomba, portant la croix, dans une espèce de défaillance, qui fut le commencement de la maladie dont elle ne s'eft point relevée. La fainte Epine que les Religieufes regardoient comme le rempart de leur maifon, fur-tout depuis les merveilles de guérifon qui l'avoient fignalée, demeura expofée pendant tout ce tems. C'eft ainfi que ces faintes filles dans l'attente de cette expédition qui étoit le fujet de tant de larmes, ne mettoient leur efpérance qu'en

Dieu.

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fait

.. Dans cet intervalle la Mere Abbeffe ayant affembler les fept derniéres Novices, leur expofa de nouveau l'état des chofes : >> Qu'elles étoient dans une pleine liberté de quitter l'ha > bit; & qu'en ne le faifant pas, elles couroient le rifque de fe voir enlevées de force: que de 25 fa part il n'y avoit rien à craindre, qu'elle ne croyoit pas pouvoir leur ôter le voile, & qu'elle fe garderoit bien de ravir à J. C. de chaftes époufes qu'elle-même lui avoit of fertes. Quelques-unes héfitérent un peu, dans la crainte qu'il n'en arrivât du mal à la maifon. Mais la plupart répondirent qu'elles étoient réfolues de fouffrir toute sorte d'extré

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mités plûtôt que de quitter leur habit, & toutes enfin prirent la réfolution de demeurer fermes, quoi qu'il en dût arriver.

Le Vendredi 13. Mai le Lieutenant Civil vint à P. R. pour la troifiéme fois, & présenta à la Mere Abbeffe la Lettre du Roi, par laquelle Sa Majefté ne recevant aucune de fes excufes fur la prife d'habit des derniéres Novices, & fans s'arrêter aux raifons de confcience qu'elle lui avoit représentées, lui faifoit commandement, qu'elle ôtât fans différer l'habit à ces Novices, & les rendît à leurs parens.

XXII.

forten

Les Meres ne crurent pas devoir réfifter pour Les Novi ce qui eft de la fortie, parce qu'elles croyoient ces bien qu'on l'exécuteroit de force: mais pour avec l'habis l'habit, la Mere Abbeffe déclara encore une de Religion. fois aux Novices, qu'il leur étoit libre de le quitter ou non ; que de fa part elle ne le leur ôteroit pas. Ces pauvres filles fe trouvérent dans une grande perplexité, ne pouvant pas fe réfoudre d'un côté à quitter leur habit, & appréhendant de l'autre d'attirer la colére du Roi fur la maifon en le confervant. Leur embarras étoit d'autant plus grand, que perfonne ne vouloit & ne pouvoit leur donner confeil, & qu'on les laiffoit entiérement libres de faire ce que Dieu leur mettroit dans le cœur. Parti fage qui peut fervir de régle dans les conjonctures délicates, où la loi ne fournit aucune décifion précife, & où la prudence humaine n'apperçoit aucun confeil à donner, qui foit fans inconvénient. On préfenta à ces Novices leur habit féculier, afin qu'elles fuffent libres de le prendre, fi elles le jugeoient à propos. Il n'y en eut aucune qui pût s'y réfoudre. Ce que voyant M. d'Andilli qui fe trouva là, il les encouragea à demeurer fermes & conftantes dans la condi

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tion où Dieu les avoit mises, quoi qu'il en arrivât. Toute la Communauté parut extrêmement édifiée & confolée de leur fermeté, & ce fut un nouveau motif de courage pour ces jeunes filles qui voyoient la générofité avec laquelle la maifon confentoit à s'expofer pour elles. Elles fortirent donc avec l'habit de Religieufes mais par refpect pour les ordres du Roi, on leur mit des écharpes fur la tête pour cacher leur habit. Il eft aifé de s'imaginer ce qui fe paffa à la fortie de ces fept Novices & de huit Poftulantes qui furent congédiées avec elles. Toute la maison retentiffoit de cris & de gémiffemens. Tout étoit en larmes, les filles, les parens, les Religieufes, & beaucoup de perfonnes du dehors qui fe rencontrérent à ce trifte fpectacle. Les filles retirées dans leurs familles gardérent long-tems l'habit de Novice qu'elles avoient emporté, fe flattant de l'efpérance de pouvoir retourner pour continuer leur noviciat: mais la Providence en a disposé autrement, les affaires de P. R. ayant toujours empiré de plus en plus dans la fuite. Il y eut une Poftulante qui étoit entrée pour être Sœur de Choeur, à qui les Meres propoférent de fe faire Poftulante converfe, afin de pouvoir demeurer, parce que les ordres de la Ĉour ne regardoient pas les Converfes. Elle l'accepta & demeura: à la paix on lui propofa de devenir Soeur de Chour; elle eut l'humilité de le refufer. Elle eft morte en 1692. Elle fe nommoit Louife-Magdeleine de Hannau de la Charon

niére.

vices

Je rapporterai ici quelques extraits d'une lettre écrite à M. Singlin, par une de co congédiées, pour fervir comme d'é des beaux fentimens que les jeung

illon

pre

noient à P. R. » Mon Pere, je vous ai une » très-grande obligation de la bonté que vous » avez eue de prendre la peine de m'écrite dans » l'état où vous êtes.... Si vous pouviez voir » le fond de mon ame, vous pourriez voir » combien l'absence de mon corps m'unit da»vantage à la maifon dont on vient de m'ar» racher. Je vis ici, comme fi j'y étois encore. » (Elle étoit retirée dans une autre maifon religieufe.) Je vais à l'affistance; je fais tous » les exercices le mieux que je puis, & toutes » les autres chofes comme au noviciat. Nous » tâchons, ma fœur & moi, de rendre notre » chambre comme un petit Port-Royal; nous » n'en fortons que le moins que nous pouvons. "Nous ne prenons part à rien. Dieu & P. R.

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font les feules occupations de mon efprit, » & les feuls défirs de mon cœur.... Je vous » avouerai franchement que quelque bonne mi»ne que je faffe, ma douleur ne laiffe pas d'être très-grande. Il n'y a que Dieu feul qui la voie car pour les créatures, je la leur >> cache le mieux qu'il m'eft poffible.... Je vous » fuis obligée de l'avertiffement que vous avez » eu la bonté de me donner. Je vous puis af» furer que l'eftime & l'affection que j'ai pour » la chére maison où j'ai eu le bonheur d'être élevée, ne me fait point mépriser celle où je fuis préfentement. Je ne ferois pas Novice de P. R. fi j'agiffois autrement. ... Ce n'est pas dans cet efprit de fuperbe que j'ai été » élevée. Tout mon feul défir eft de faire paroître par ma foumiffion & par mon filence quel eft l'efprit d'une Novice de P. R.... Je » veux bien vous dire néanmoins cette occafion, que nous nous difons, ma fœur & moi, qu'il faut perdre ici toute fimplicité;

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XXIII.

כל

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car il eft vrai qu'il faut être toujours fur les gardes. Je rencontrai l'autre jour une Religieufe qui fe mit fort après moi, & me dit entre autres chofes, que je me mal- édifiois fort d'elles toutes, parce que quand on avoit » été à P. R. on méprifoit toutes les autres » maifons. Je lui répondis que je voyois bien » qu'elle ne connoiffoit point l'efprit de P. R. » & que pour moi je pouvois l'affûrer que tout s le tems que j'y avois été, on m'avoit toujours appris à eftimer tout le monde, & que je » leur portois à toutes tout le refpect que je » leur devois.... F'ai quelque joie de ce que >> vous me dites de la confiance de mes chéres compagnes. Dieu nous a unies ensemble pour » fouffrir: c'est pourquoi tous leurs intérêts font les miens propres. J'efpére que nous au» rons la joie de nous voir enfin réunies, & » que comme nous fommes compagnes dans le combat, nous le ferons auffi dans la victoire.... Je ne cefferai d'attendre avec patience la miféricorde du Seigneur, & de le prier continuellement qu'il nous fortifie, &c.

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Après ce premier prélude, il en vint un fecond. Les Grands-Vicaires de Paris reçurent M. Bail Su- un ordre de la Cour de donner aux Religieupérieur de P. R. à la place fes un autre Supérieur à la place de M. Singlin. de M. Singlin La bénédiction que Dieu donnoit à fa conqui fe tient duite, n'étoit vue qu'avec jaloufie des ennedes Grands- mis de cette maifon, qui l'étoient de tout bien. Le même ordre portoit que les Grands-Vicai

caché. Vifite

Vicaires.

res choifiroient un Supérieur parmi fept Do-
&teurs qu'on leur nommoit, M. de la Verriére
Théologal, M. Abelli, qui fut depuis Evêque
de Rhodes, & qui étoit déja connu par fa
Théologie intitulée, La Moëlle Théologique,
M. de l'Eftoc, M. Guichard, M. Gobillon

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