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dilli qui fe trouvoit alors à Paris & que le Doyen voulut engager à parler aux Religieufes en conformité, refufa généreusement de le faire, ne pouvant, dit-il, porter des Religieufes à faire une chofe qui blefferoit leur confcience. Le Doyen fe retira donc, & promit de revenir le 12. pour l'élection d'une nouvelle Abbeffe, le tems de la Mere Catherine-Agnès de faint Paul Arnaud étant expiré. Il vint en effet au jour marqué,accompagné de M. Bail, pour faire l'élection, & la M. Madeleine de fainte Agnès de Ligny, fœur de l'Evêque de Meaux, fut élue. Après le dîner le Doyen vit la nouvelle Abbeffe & l'ancienne, auprès defquelles il renouvella fes tentatives, infiftant furtout que la fignature n'emportoit point la créance du Fait, & qu'en fignant purement & fimplement on étoit toujours libre de croire ce qu'on vouloit. A quoi la Mere Abbeffe répondit de sang froid, que s'il lui plaifoit lui donner cette affurance par écrit, elles figneroient au bas. Non, répli qua-t'il; il fuffit que je vous le dife de bouche. La Mere lui dit qu'il fuffifoit donc auffi Religieufes lui difent leurs noms de bouche. Le Doyen fourit & s'en alla en leur donnant avis de fe confulter encore fur ce fujet, & qu'en attendant il tiendroit la fignature fecrete, afin de leur donner toute liberté de la changer. Pour M. Bail qui affiftoit, il fit paroître de grands emportemens contre la Communauté fuivant fon ufage & fon caractére d'efprit. L'Evêque de Meaux vint à P. R. rendre vifite à la nouvelle -Abbeffe fa fœur, & entrant dans les intentions du Doyen qui l'avoit mis en œuvre, il la follicita fortement de condefcendre à ce qu'on demandoit d'elle, & d'employer l'afcendant qu'elle avoit fur la Communauté pour lui faire

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entendre raison. Mais il ne réuffit point. M. Bail vint auffi quelques jours après, & employa auprès de l'Abbeffe fes armes ordinaires, les reproches, les invectives, les injures qui lui tenoient lieu de raisons. La fermeté de la Mere n'en fut pas ébranlée.

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Sur la fin du mois M. le Tellier envoya une perfonne chez le Doyen pour favoir fi les Religieufes avoient figné fans reftriction. Elle demanda à voir leurs fignatures. Celui-ci qui cherchoit toujours à gagner du tems, refufa de les lui montrer, & dit qu'il les porteroit luimême à M. le Tellier. Nouveau meffage à P. R. de la part du Doyen pour tenter encore les Religieufes toujours même réponse & même refus. Il vint lui-même quelques jours après, & annonça à la Mere Abbeffe qu'il avoit porté les fignatures à M. le Tellier qui n'en avoit pas été fatisfait, & l'avoit affuré que la Cour ne le feroit pas non plus. Il revint à la charge avec fes batteries ordinaires, pour perfuader à l'Abbeffe de donner fatisfaction à la Cour: »> qu'il » voyoit bien à quelles extrémités on fe porte>> Toit contre la maison fi elle ne fe rendoit pas; qu'après tout on pouvoit fe décharger fur lui » de tout ce qui faifoit peine dans la fignature pure & fimple; qu'il étoit leur Supérieur; qu'il en répondroit, & porteroit le péché, s'il y en avoit. La Mere Abbeffe lui répondit fimplement, qu'en le chargeant de tout de» vant Dieu, elles ne laifferoient pas d'être coupables, agiffant contre leur confcience; » & que d'ailleurs elles ne vouloient pas fur

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charger fa confcience de ce nouveau far» deau. » Enfin il fe retrancha à propofer de faire en fignant le Formulaire une déclaration nette & expreffe de leurs fentimens fur un pa

pier féparé qu'elles lui mettroient entre les mains, & qui demeureroit fecret, en attendant un tems propre pour le manifester. La Mere ne répondit rien, tant elle étoit choquée d'une propofition fi contraire à la fincérité chrétienne & à la loi de l'Evangile, qui ne permet pas qu'on rougiffe de la vérité devant les hommes.

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XXXII. Fermeté des

licitations des

La M. Abbeffe ayant rendu compte à fa Communauté de cet entretien, toutes le Religieufes déclarérent qu'elles étoient prêtes à tout Religieufes événement: & comme elle fit entendre que le contre les fol. Doyen rejettoit fur elle & fur fes infinuations Granus-Vicaila fermeté & la réfiftance des fœurs, il vint res & autres. en penfée aux Religieufes de demander permiffion à la Mere d'écrire toutes à M. le Doyen pour l'informer elles-mêmes de leurs véritables fentimens,& luiprotefter que c'étoit uniquement leur confcience qui les arrêtoit dans le parti pris, & nullement une affection naturelle ou une foumiffion purement humaine envers les Meres. L'Abbeffe le trouva bon, & la lettre fut envoyée fignée de toutes dans laquelle elles difent , que » comme ce n'est pas ici une » affaire de Communauté, mais une affaire » de confcience, elles ont cru devoir s'expliquer toutes & chacune en particulier : » qu'elles font effrayées par l'exemple d'Ananie & de Saphire, qui tombérent morts aux "pieds des Apôtres, pour un menfonge dont » le fujet étoit bien moins important que celui pour lequel on vouloit les obliger de figner: qu'au refte elles ne demeurent dans » leur fentiment qu'en vue de Dieu feul. » Elles reclament, en finiflant, la charité paternelle de leur Supérieur envers elles, & lui témoignent la confiance qu'elles ont qu'il ne fe

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rendra pas lui-même le miniftre de la perfécution à leur égard. Les Religieufes de la maifon des Champs fignérent toutes un petit billet, par lequel elles adoptoient en entier la fufdite lettre.

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L'Evêque de Châlons (Vialart) vint voir le jour de l'an la Mere Abbeffe fa parente. Dans la converfation il entreprit auffi de lui perfuader la fignature. Les raifons qu'il employa étoient d'autant plus impofantes, que ce n'étoient pas des raifons de politique, mais de confcience. La plus forte, ou dumoins la plus fpécieufe étoit que » la diftinction du Fait & du Droit fe faifoit fi naturellement, qu'il n'y avoit perfonne, pour peu éclairé qu'il » fût, qui ne la fit, & qu'ainfi la fignature » quoique pure & fimple ne tomboit que fur le Droit: que par conféquent elle ne pouvoit » fans orgueil refufer d'obéir aux Supérieurs ; » & que le refus étoit une faute plus grande aux » yeux de Dieu, que celle qu'elle prétendoit » éviter de faire en fignant. 11 avoua qu'au furplus il condamnoit le procédé des Evêques dans l'exaction de la fignature, qui étoit une entreprife contraire à la difcipline Eccléfiaftique & à toute justice. L'Abbeffe-de fon côté lui repréfenta que cette raison très-plausible d'ailleurs n'étoit pas de mife dans l'affaire présente; » qu'il eft bien vrai que les perfonnes fages & pieufes, comme lui M. de Châlons, pren» nent ainfi la fignature; mais que les perfon» nes paffionnées & déclarées contre la doctri>>ne de Janfénius, la prennent autrement dans le deffein qu'ils ont de rendre cette doctrine odieufe, & de la faire condamner dans. » toute l'Eglife comme hérétique.

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XXXIII.

ianne Cham

Rien n'étoit plus difgracieux pour les Religieufes que d'avoir ainfi à effuyer les repro- Guérison miches & la cenfure de plufieurs perfonnes de raculeute de piété, & de fe voir condamnées par les amis de la Sœur Sula vérité, comme des fuperbes & des rébelles. pagne, par les Ce fut vraisemblablement pour les confoler piéres de la dans ce furcroît d'affliction, que le Ciel ac- Mere Agnès. corda dans ce tems-ci aux priéres de la Mere Agnès la guérifon miraculeufe de la Sœur Suzanne, fille de M. Champagne, que j'ai rap- Nomb. VII. portée plus haut. Une autre confolation qu'elles reçurent, qui ne fut pas moins confidérable, ce fut la maniére pleine de charité avec laquelle des perfonnes du plus grand mérite autant pour le favoir que pour la piété, & même par le rang & la dignité, s'intérefférent à la cause de P. R. Les Religieufes recevoient des lettres remplies de témoignages d'affection, qui les enflammoient dans l'amour de la fouffrance & de la vérité pour laquelles elle fouffroient. L'Evêque d'Angers, Arnaud, & l'Evêque de Vence, Godeau, étoient de ce nombre, auffi bien que la Princeffe de Guimenée, &c. Celle-ci eut le courage de prendre le parti de P. R. en Cour, tant chez les Miniftres que chez la Reine mere. Elle alla une fois jufqu'à dire : Enfin le Roi fait tout ce qu'il veut: il fait des Princes du fang il fait des Archevêques & des Evêques, & il fera auffi des martyrs.

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Le Doyen revint à la fin de Janvier 1662. Année 1662. pour s'informer plus en détail du miracle dont XXXIV. je viens de parler, & pour apporter un modéle Thèse des de fignature que la Cour fouhaitoit qu'on fui- Jésuites con vit. Il étoit pire que la fignature pure & fim- damnées, que le Pape eft inple, & le Doyen fut le premier à fe déclarer faillible, mêcontre. On fçut par l'Evêque de Meaux qui vint me dans les quelques jours après, que ce modéle étrange

faits.

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