avec refpect & foumiffion les Conftitutions, & qu'on fera ce que fa Sainteté désirera de plus. Les Janféniftes y confentirent, excepté quelques-uns, comme M. Arnaud qui défavoua par une Lettre les députés de la Conférence. Le Pape & le Roi demandent toute foumiffion aux Janféniftes: ceux-ci font une déclaration qui ne fatisfait point la Cour; & une Affemblée du Clergé la condamne. Enfin on s'adresse à Rome en 1664. comme je l'ai dit, pour avoir une nouvelle Bulle & un nouveau Formulaire. Nous verrons ce qui en arrivera à P. R. après que nous aurons parlé d'une mort qu'il n'eft' pas permis de paffer fous filence, & dont il n'eft pas poffible de différer plus long-tems le récit. C'eft la mort de la M. Marie Angélique, Réfor- XXXVII. matrice & premiere Abbeffe régulière de P. R. Derniére maladie & moit Elle mourut en 1661. dans les commencemens de la Mere de cette crife violente qui s'ouvrit alors, & Angélique qui va continuer jufqu'en 1669. Le détail des Arnaud en derniéres circonftances de fa vie & de celles de 1661. fa mort, eft affez important pour le faire dans une jufte étendue. Dans le dernier féjour qu'el le fit à P. R. des Champs, il fembloit qu'elle cût un preffentiment qu'elle n'y reviendroit plus, & qu'elle étoit à la fin de fa carrière. On appercevoit en elle un redoublement de ferveur très-fenfible.Sa conduite étoit toute élevée au deffus des fens. Ses paroles étoient toutes de feu elle exhortoit fes filles à une plus haute perfection que jamais ; & l'on a fçu que les fautes qu'on commettoit dans la maison, lui étoient tout autrement fenfibles que par le paflé. Elle paffa tout l'hyver à P. R. des Champs fort languiffante, ne s'étant pas bien rétablie d'une grande maladie qu'elle avoit eue l'été précédent. La femaine de Pâques ayant appris l'ordre qu'a : voient reçu les Grands-Vicaires de deftituer le Supérieur (M. Singlin) & de renvoyer les Penfionnaires, elle fe réfolut de venir à Paris, pour fervir la maison en ce qu'elle pourroit. Après avoir dit adieu à fes filles, & les avoir encouragées, elle fortit & trouva dans la cour M. d'Andilli fon frere, à qui elle dit: » Bon coura ge, mon frere, quoiqu'il arrive. Celui-ci lui >> ayant répondu : Ma fœur, ne craignez rien ; → je l'ai tout entier : elle répliqua, mon frere >mon frere, foyons humbles : fouvenons-nous que l'humilité fans fermeté eft lâcheté ; & que le courage fans humilité eft préfomp≫tion. >> Lorfqu'elle arriva à Paris, elle trouva toutes les fœurs en larmes. » Quoi, dit» elle, d'un air ouvert & raffuré, je pense qu'on pleure ici! N'avez vous donc point » de foi, mes enfans? Quoi ! les hommes »fe remuent, & vous en avez peur ? Ce font des mouches. Croyez-moi › ne crai"gnons que Dieu, & tout ira bien.» Les premiers jours fe pafférent à voir l'expédition vraiment trifte du renvoi de 33. Pensionnaires, & de plufieurs Novices. Les larmes & les cris de ces enfans augmentoient encore le déchirement des entrailles que la chofe en elle-même caufoit. à cette tendre Mere. Quoiqu'elle furmontât sa douleur avec une générofité admirable, cependant fon corps en fouffrit beaucoup. Elle perdit entiérement le fommeil, & ne pouvant dormir, elle paffoit une partie des nuits à écrire. Ces veilles achevérent de ruiner le peu de forces qui lui reftoit. Elle fentit alors fon état, & dès-lors la penfée de la mort commença à l'occuper uniquement. Elle ne laiffoit pas d'agir, de parler, & d'aller par tout où les affaires la demandoient; mais elle ne vouloit pas qu'on lui on or parlât du tout de chofes indifférentes. derniére ma Son ame n'étoit pas non plus fans grande xxxvIII. fouffrance. La penfée de la mort qui avoit faifi Ses fentifon efprit, la tenoit dans un tel abbattement mens & fes & un tel tremblement, qu'elle faifoit auffi trem- vertus dans fa bler les afliftans dans ce qu'elle difoit. Pareil- ladie. le chofe étoit arrivée en 1645. dans une grande maladie qu'elle cut. » Croyez-moi, mes enfans, difoit-elle dans cette derniére, on ne පා fait ce que c'est que la mort, & on n'y pen »fe point. Pour moi je l'ai appréhendée toute ma vie; j'y ai toujours penfé: mais tout ce que » j'en ai imaginé eft moins que rien en compa» raifon de ce que c'eft, de ce que je fens, de >> ce que je comprends à cette heure. >> On peut dire qu'elle fe perdoit dans l'idée de la grande Sainteté de Dieu & de fa propre indignité ; & elle ne demandoit autre chofe aux perfonnes qui étoient auprès d'elle, finon qu'on lui dît quelques paroles pour foutenir fon espérance, & qu'on priât Dieu de lui pardonner fes péchés, Sa grande foi cependant fubfiftoit au milieu de fes frayeurs, & ne s'affoiblifloit point. » Ef» pérez en Dieu, dit-elle à une de fes filles qui » étoit auprès de fon lit; quand vous feriez » dans le ventre de la baleine, il fçaura bien » vous en tirer. J'y entrerai donc, ma Mere, répondit cette Religieufe. Non, vous n'y en»trerez pas, répliqua la Mere, il n'y aura que moi feule: mais tirez-moi d'ici, & je travaillerai, comme il faut, à vos affaires. 39 Dieu l'ayant éprouvée dans ces derniers momens par l'endroit le plus fenfible à la piété, qui étoit la privation de toutes les perfonnes en qui elle avoit confiance pour fon ame, & entre autres de M. Singlin qui fut obligé de fe cacher pour éviter la prifon, elle porta cette épreuve avec fa fermeté ordinaire.» Dieų le veut ainfi, dit-elle; c'eft affez pour moi; »je crois M. Singlin auffi préfent auprès de po moi par fa charité, que fi je le voyois de mes » yeux. J'ai fort eftimé fa conduite, & je l'ef >> time encore: mais je n'ai jamais mis l'hom» me à la place de Dieu. Il ne peut avoir que ce p que Dieu lui donne ; & il ne lui donné rien pour nous, que lorsqu'il eft dans on ordre que nous le recevrons par lui. Allons droit à » la fource qui eft Dieu, il ne manque jamais » à ceux qui mettent leur confiance en lui. Mon » neveu, difoit-elle en parlant de M. de Saci » qui s'étoit auffi caché, mon neveu fans Dieu » ne pourroit de rien fervir; & Dieu fans mon » neveu me fera toutes choses. 33 M. Singlin trouva moyen de lui écrire une lettre elle : y fit une réponse dont voici le poft fcriptum. Ce m'eft une très-grande fatisfa 20tion de vous écrire ; la malheureuse complai » fance s'en mêle. Ne ferois-je pas mieux de » m'en priver, puifqu'il n'y a point de néceffité, vous ayant affez préfent pour mon fou» tien. Faites le retranchement en toute liber» té, fi Dieu vous l'infpire. » C'eft dans ces occafions-là qu'elle fe rappelloit volontiers, & qu'elle débitoit avec complaifance fa fublime Théologie de la pauvreté. Il faut, difoit-elle, mourir pauvre, même des fecours fpirituels, aufquels on pourroit être trop attaché. Il «eut été dangereux pour nous, de demeurer trop » long-tems dans notre abondance. Dieu fait >>tout avec une admirable fageffe: mourir à » tout, & attendre tout; voilà ce que nous » avons à faire. ›› ככ Toutes les fois qu'elle parloit aux fours, el le n'avoit que les mêmes chofes dans la bouche, » de ne point s'amufer ni à murmurer contre les perfécuteurs, ni à faire des pronostics sur l'avenir; de ne regarder que Dieu en tout, pour » fe foumettre humblement à fes volontés, & » de prier beaucoup pour obtenir la perfévérance dans l'union de la charité, dans le dé→ tachement de toutes chofes, dans l'efprit de >> pénitence. » Sa patience dans fon état étoit égale à toutes fes |