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autres vertus. Lorfqu'on ne pouvoit pas lui don ou lui trouver fur le champ quelque chofe qu'elle demandoit, elle ne pouvoit diffimuler le contentement fecret qu'elle en avoit, parce que c'étoit une occafion pour elle de fouffrir un peu la pauvreté : & fi elle confentit volontiers à ce qu'on lui fit faire une chaife d'une nouvelle invention, & des oreillers d'une certaine façon pour la mettre plus commodément ; fa raifon étoit que cela ferviroit après elle à d'autres malades, pour qui on ne fe feroit point avifé de faire cette dépenfe. Du refte elle rejettoit avec force tous les accommodemens qu'on lui propofoit; elles les traitoit de curiofités, d'afféteries; comme de mettre un tour de futaine à un fecond lit pour la changer. Elle ne voulut jamais fouffrir autre chofe qu'un drap tendu, encore d'un feul côté, parce que le lit de l'autre côté étoit proche la muraille. Elle aimoit beaucoup, quand elle étoit dans fon lit, à avoir les rideaux baiffés, & à demeurer folitaire. Quelquefois lorfqu'on approchoit pour lui parler, elle prioit qu'on la laissât feule avec Dieu, difant fouvent cette belle parole: Il est tems ma foeur, de fabbatifer.

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Sur la fin de fa maladie, l'oppreffion ceffa, & elle tomba dans un grand affoupiffement qui dura quelques jours. Il paffa, & une hydropific fuccéda. L'enflure alla en augmentant pendant trois semaines; elle s'écorcha en beaucoup d'endroits, & le dévoiement fe joignit à tout le refte. Elle reçut trois femaines avant sa mort la vifite de M. de Contes Grand-Vicaire, qui venoit faire l'ouverture d'une vifite du Couvent ordonnée par la Cour. Comme il parut furpris du fang froid de la malade qui ne s'étonnoit pas de fon état ; elle lui dit: »Je fuis cent fois

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3 plus étonnée de ce qui arrive à la maison : car » enfin je fuis venue ici pour mourir : mais je » n'y fuis pas venue pour voir tout ce que je » vois préfentement. » Elle fut adminiftrée pour la troifiéme fois l'avant-veille de fa mort : le lendemain elle tomba dans un fommeil de létargie, & mourut le 6. Août, âgée de 70. ans. Le concours du peuple fut grand à la grille lorfque fon corps fut expofé: chacun apportoit quelque chofe pour lui faire toucher, chapelets, images, medailles, livres, bagues, mouchoirs. Tous la pleuroient, difant que c'étoit la mere des pauvres. Elle fut enterrée le huit.

Cette fainte fille en mourant regarda com

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XXXIX.

me une Providence de miféricorde für elle, que Eloge raDieu l'appellât à lui dans cette conjoncture fâ- courci de la cheuse, & la délivrât par la mort des embar- Mere Angéliras & des tortures accablantes que lui caufoit que. cette malheureuse affaire. Elle étoit confolée d'ailleurs en voyant les grandes bénédictions que Dieu avoit répandues par elle fur sa maifon, & dont elle lui rapportoit toute la gloire. Elle mourut donc pleine de foi comme elle avoit vécu, envisageant, fans fe troubler toute la fureur des hommes & des démons qui s'efforçoient de détruire l'œuvre de Dieu. Une humilité profonde avec un génie fublime; un fens merveilleux qui remplaçoit la culture de l'efprit qu'elle n'avoit point reçue de l'éducation; une noble générofité avec une fimplicité furprenante; une grandeur d'ame au deffus de fon fexe; une fermeté inébranlable au milieu des dangers les plus preffans, & des contradictions les plus accablantes; une foi & une confiance au Seigneur digne des tems Apoftoliques; une fenfibilité extrême pour les Tome I.

V

LX.

biens & les maux de l'Eglife; un zéle ardent pour le falut du prochain; une tendreffe de mere pour fes Religieufes; un mépris fouverain des biens de la terre; une magnifique libéralité envers tous les indigens: toutes ces vertus raffemblées en elle dans un dégré éminent, & jointes à une fupériorité de fumiéres furnaturelles, dont Dieu la gratifioit dans toute fa conduite, forment le caractére de cette incomparable fille, vraie heroine chrétienne.

Avant que de mourir, elle avoit écrit une Lettre de la lettre à la Reine mere dattée du 25. Mai Mere Angélique à laReine 1661. peu de jours après avoir reçu fes der avant que de piers Sacremens. Elle y parle comme allant inmourir. ceffamment paroître devant Dieu, & elle jufti fie fa Communauté de toutes les imputations odieufes dont on la charge aux yeux de fa Ma jefté. Elle lui repréfente que depuis 55. ans qu'elle eft entrée à P. R. avec la qualité d'Abbeffe, elle n'a fuivi d'autre conduite & d'autre efprit que celui que le bienheureux François de Sales lui avoit infpiré : que feuë Ma » dame de Chantal qu'on Tçait avoir fi bien connu les fentimens de ce faint Evêque, a toujours affectionné P. R. à cause de la conformité parfaite qu'elle trouvoit entre l'ef prit de P. R. & celui de fon bienheureux Pere: que quand au foupçon d'erreur, il ne peut être plus mal placé que fur P. R. puif que jamais leurs Directeurs ne leur ont parlé des difputes nées dans l'Eglife, qu'on ne leur a jamais rien fait lire à ce fujet, non pas même le Livre de la Fréquente Communion. Elle fait entrer ici fort à propos le trait de la perfécution fufcitée à fainte Thérèse pour de pareils prétextes, & la protection que cette Sainte trouva dans Philippe II. Roi d'Ěf

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pagne, aïeul de la Reine, lequel voulut bien ne pas ajouter foi aux calomnies : » qu'elle s'eftime bien honorée, & qu'elle eft fort con» folée de la reffemblance qu'elle a avec cette illuftre Sainte; & qu'elle ofe demander à fa Majefté la même grace que fainte Thérèse » demanda à fon augufte aïeul, qu'elle daigne * fufpendre fon jugement, & ne pas écouter • les délateurs, tels qu'un Pere Brilacier & un Pere Meynier, qui oférent il y a neuf ou dix ans noircir la maison par d'horribles libelles que M. l'Archevêque flétrit alors par un . Mandement, déclarant les Religieuses entié»rement innocentes & exemptes de tout reproche. » C'eft ce que contenoit cette lettre pleine d'ailleurs de foi & de religion.

XLI. Divers élo

S. A. R. Mademoiselle.

Cette lettre jointe à plufieurs autres qui furent écrites à fon fujet après la mort feront ges de la Mere mieux fon éloge, que le portrait que j'ai effayé Angélique d'en faire, & justifieront la haute idée qu'on a par la Mere toujours eue de cette grande ame, aufli bien Angélique de faint Jean,par que des perfonnes de la famille qui la pleuré- M. Arnaud, rent. Voici comment s'explique la Mere Angé- par M. Herlique de faint Jean fa niéce, en annonçant à mant, par M. M. Arnaud l'agonie de fa tante. » Que nous d'Andilli, par > direz-vous, mon pere, & que vous dirons>> nous dans une occafion où toute notre force s eft dans le filence & dans l'adoration de l'ordre de Dieu..... Notre malade, qui ne doit prefque plus avoir ce nom, tant elle approche de la fanté parfaite, eft depuis midi dans une véritable agonie fans connoiffance..... » L'état où elle eft, n'eft proprement que le fommeil de ces Vierges de l'Evangile qui attendent le cri qui doit les avertir de l'arrivée » de l'Epoux. » Ecoutons maintenant M. Armaud à qui on avoit mandé fa mort. » Elle eft

» morte, dit-il dans fa lettre à M. Hermant » après avoir achevé fon œuvre ; puifqu'elle ne

pouvoit pas défirer un plus grand fruit de fes » travaux, que de laiffer la maison qu'on peut » dire qu'elle a fondée, dans une paix, une → union, & une charité admirables au milieu » de la plus grande tempête qui puiffe agiter un» Monaftére. C'est la derniére prière que Jefus» Chrift a fait pour les fiens, en fe disposant à » fortir de ce monde, qu'ils fuffent un, comme » il étoit un avec fon Pere. Cette bonne Mere a vu ce fouhait accompli dans fes chéres filles » avant que de fortir de cette vie. » M. Hermant fit réponse à M. Arnaud pour fe confoler avec lui de la perte commune. » Il faut, dit-il, » bénir Dieu pour une conduite fi adorable, & croire que cette grande ame qu'il a exercée » par les fouffrances d'un fi long calvaire, fera » montée fur le Thabor le jour de la Transfigu»ration..... A peine notre fiécle a-t'il vu une » vertu fi éprouvée, & une charité fi féconde.

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Elle a caché un efprit d'Ange dans un corps » humain; un cœur de Martyr dans les mem»bres d'une Vierge.... Combien de Prêtres & de » Docteurs, pour ne pas dire d'Evêques & de Prélats, ne couvrira-t'elle pas de confufion? Et la force d'une fille fi foible par fon fexe ne fera-t'elle pas la honte éternelle de plufieurs. » qu'on avoit confidérés comme les braves d'lf sraël ? Je tremble & je frémis pour moi-même, &c. Et dans fa lettre à la Mere Angélique de » faint Jean : » Sa mort arrivée dans les circon◄ »ftances de votre derniére affliction ( les vexa>>tions commencées contre P. R.) eft le fujet » de mon admiration. Il ne manquoit plus que » ce fleuron pour former la couronne d'une des >> plus pures & des plus faintes vies de notre fié >>cle.

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