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La Mere Agnès, foeur de la défunte, nous a confervé un des plus grands traits de fa foi héroïque. C'eft dans une lettre à M. Hermant. "Une de fes paroles, dit-elle, étoit fuffifante » pour donner du courage aux plus foibles............... » Elle difoit: La dignité de notre affliction eft fi "grande qu'elle me fait trembler de ce que Dieu sonous ait choifies pour fouffrir pour fa vérité :

il n'y a point de grace pareille. Vous fçavez » que cette chére Mere a été entiérement pri»vée de ceux en qui elle avoit mis toute fa » confiance; de quoi je penfois qu'elle reffentoit beaucoup de peine. Mais elle répondoit : Je n'ai point de peine de n'être point affiftée de M. Singlin: je fçais qu'il prie pour moi, cela » me fuffit. Je l'honore beaucoup; mais je ne mets » pas un homme à la place de Dieu. »

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Qu'il me foit permis d'ajouter encore ici quelques extraits de deux lettres de M. d'Andilli très-digne frere d'une auffi digne fœur ; l'une écrite à M. le premier Préfident de Lamoignon, & l'autre à S. A. R. Mademoifelle; ces deux perfonnes refpectables lui avoient écrit une lettre de condoléance. » Il faut avouer, » dit-il à M. de Lamoignon, qu'en jugeant des chofes plutôt par la lumière de la foi, que par celle du raifonnement humain, Dieu a traité fa fervante d'une manière bien favorable; en couronnant, comme il a fait, les travaux » d'une austérité de tant d'années, non feulement par les douleurs d'une grande maladie mais par les plus grandes fouffrances qui puiffent déchirer les entrailles d'une mere, en fe voyant arracher d'entre les bras, contre toute forte de raison & de juftice, tant de » filles qu'elle avoit élevées avec un foin & » une charité qui ne font connus que de Dieu

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feul..... La conduite de Dieu eft impénétrable, puifqu'il permet qu'on traite de la maniére qu'on fait, des Vierges confacrées à fon » fervice dont le feul crime eft d'avoir pour » ennemis des perfonnes qui ne pardonnent jamais, non pas les injures qu'ils ont reçues (car ils n'en ont jamais reçues de ces bonnes » Religieufes,) mais celles qu'eux-mêmes leur » ont faites. »

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S. A. R. Mademoifelle, coufine germaine du Roi, qui étoit aux Eaux de Forges, avoit auffi écrit, comme je l'ai dit, une lettre de condoléance à M. d'Andilli. » Un autre homme » que vous, Monfieur, dit cette Princeffe, au»roit befoin de confolation, d'avoir perdu une Sœur telle que la Mere Angélique ; mais la vie qu'elle a menée & fa mort, font deux chofes plus propres à vous réjouir qu'à vous » affliger. » M. d'Andilli dans la réponse qu'il fe donna l'honneur de faire à S. A. R. après l'avoir remerciée de l'intérêt qu'elle veut bien prendre à ce qui le touche, & avoir fait un petit mot d'éloge de fa chere fœur, prend occafion de gémir fur le malheur des Grands, qui fur le rapporr de gens qui les trompent, font tout le contraire de ce qu'ils feroient, s'ils connoiffoient les chofes par eux-mêmes. Il en apporte pour exemple la furprife que l'on fait au Roi & à la Reine mere, que l'on irrite fans ceffe contre les faintes filles de P. R. puis il continue » V. A. R. eft fans doute trop per» fuadée des vérités de notre fainte Religion » pour ne pas trembler quand elle penfe que perfonnes de fa naiffance font les plus expolées à de femblables furprises : car enfin un petit nombre d'années égalera toutes les conditions; & les feules bonnes œuvres fubfifte

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ront devant le divin Juge. Comme j'ai fujet de croire, Mademoiselle, qu'il ne rejettera pas celles de la Mere Angélique, je ne faurois >ne point croire que vous ayant tant honorée pendant fa vie, elle ne prie Dieu à préfent pour vous, & ne lui demande de vous combler de fes graces, &c.

Le Lecteur n'improuvera pas que je me fois un peu étendu fur la mort & les éloges d'une perfonne d'un tel mérite. Je ne vois rien qui foit plus propre à édifier la piété que ces différens récits d'une fi belle mort, & ces fentimens pleins de lumiére & de religion qui reluifent dans les perfonnes dont nous venons d'entendre les réflexions, furtout dans les Religieufes. Nous verrons dans la fuite les effets répondre aux fentimens durant l'éclatante perfécution de P. R. fous M. de Péréfixe Archevêque de Paris. Il me refte, avant que d'en commencer la narration, à achever le tableau de cette incomparable Mere.Il étoit plus d'a moitié fait par la longue defcription que j'ai donnée de ses différentes vertus à l'endroit où j'ai fait le récit de la réforme de P. R. Il s'agit maintenant, pour le parfaire, de donner une idée de ce qu'on peut appeller fon efprit, je veux dire, des fentimens, des vues, des maximes qui étoient dominantes en elle. Je les réduirai à un petit nombre que j'ai recueillies des trois volumes de fes Lettres, & des différentes Relations de P. R. On fçait que c'eft dans les Lettres que le cœur de l'homme fe peint. Je propoferai les articles l'un après l'autre, comme ils fe préfenteront.

XLIT.

La Mere Angélique n'étoit point portée à Efprit de la Meie Angélifaire pratiquer de grandes auftérités, parce que que, extrait la fingularité de ces pratiques peut être un pié- de fes Lettres ge pour l'amour propre ; & que d'ailleurs il

convient de ménager la fanté du corps qui n'eft pas à nous, mais à Dieu; pour pouvoir d'un côté remplir les obligations de notre état, & de l'autre ne point nous expofer à tomber dans un état d'infirmité habituelle qui felon elle, eft toujours une tentation.

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La deftruction de l'orgueil, & le renoncement à fon propre fens étoit le grand objet de tout ce que faifoit la Mere Angélique pour fon avancement fpirituel, & de ce qu'elle faifoit faire aux autres. Sa Lettre troifiéme fait voir combien elle étoit zélée & intelligente fur l'article de l'orgueil. Elle eft perfuadée que c'eft le plus grand des maux, puifque nonfeulement il ne produit que du mal, mais » qu'il a cela de particulier qu'il rend le bien >> mal en fe l'attribuant que toutes les mauvaises habitudes & les imperfections d'une >> ame peu fervente viennent de la racine mal» heureufe de l'orgueil. Elle obferve que quoique tout le monde avoue qu'il a de l'orgueil, » il y a beaucoup de perfonnes qui ne veulent pas reconnoître que leurs imperfections vien» nent de la fuperbe ; parce qu'elles n'ofe

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roient plus les défendre & les excufer >> fi elles faifoient cet aveu ; qu'on aime mieux » donner fes fautes à la fragilité, & qu'en cela » même on montre qu'on eft dominé par l'orgueil: que ces perfonnes fe troublent & s'inquiétent, lorfqu'on les reprend de leurs fau»tes; & qu'au lieu de rentrer en elles-mêmes pour le condamner, elles en fortent pour fe plaindre des perfonnes qui les ont accufées, » pour comparer leurs fautes avec celles des autres, pour trouver à redire dans la maniére dont on les reprend. Elle appelle écraser le fcorpion fur la plaie, faire crever l'orgueil en avouant franchement tous les artifices

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employés pour éviter l'humiliation. Elle penLe que jufqu'à ce qu'on en foit venu-là, on n'eft point guéri, & que l'ame court rifque de fe perdre tout-à fait, à moins que Dicu par fa miféricorde ne nous laille tomber » dans des fautes frénormes, qu'elles nous cou»vrent la face d'ignominie; & que par ces hen»reux malheurs il nous fafle chercher fa

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divine miféricorde dans l'abîme de notre » mifére. Elle conclut qu'il faut non feulement » avouer tous ces retours d'orgueil, mais en» core tâcher de les faire fentir & comprendre » à fon Directeur, l'en perfuader, trouver bon » qu'il veille fur nous & qu'il obferve tout qu'il ne nous préfére à perfonne. Elle regar» doit comme une action d'orgueil de s'impa»tienter contre foi-même, de fe fâcher contre » fes propres imperfections, de s'en chagriner beaucoup ; & elle penfoit qu'une ame vrai» ment humble ne se rebutoit jamais pour ce » qu'elle voyoit en elle de miféres ; mais qu'elle "en gémiffoit patiemment devant Dieu, & fe » renouvelloit fans ceffe dans le deffein & le défir de fe corriger.

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Quant à l'abnégation & au renoncement à Lettre 126– fon propre fens, elle penfe que quelque dé» vote & vigilante à l'office, active au travail, » fobre au manger, filencieuse & modelte que »foit une perfonne, toutes ces cinq; vertus font fauffes, & ne ferviront qu'à la tromper » fi elle conferve l'attache à fon propre efprit : d'où vient qu'elle avoit grand foin de repréfenter que l'obéiffance n'étoit pas parfaite,. fi on fe contentoit d'obéir contre la proprs » volonté qu'il falloit aller jufqu'à penfer que ce que les Supérieurs commandent, & qu'on fait par foumillion, eft. meilleur en

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