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effet que ce qu'on penfoit foi-même.

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Elle cftimoit tant cette abnégation, qu'elle ne faifoit point difficulté dans les entretiens qu'elle avoit avec les Solitaires de P. R. ou dans les billets qu'elle leur écrivoit, de les exhorter » à une obéiffance auffi entiére envers » leurs Directeurs, que celle que les Religieu>>fes doivent pratiquer envers leurs Supérieures, perfuadée que la vraie pénitence emporte ce » facrifice entier de fa propre volonté. » Elle menoit encore plus loin cette abnégation. Voici comment s'explique une de fes Religieufes à ce fujet » J'étois fi ignorante & fi groffiere: » que je mettois l'efprit de la religion aux cho»fes extérieures, croyant qu'il fuffifoit d'être » bien mortifiée, bien modefte & dévote » obéiffante, & de fouffrir beaucoup de chofes » pénibles au corps: mais la Mere me détrompoit, me difant qu'il confiftoit véritablement » dans la mortification intérieure, & dans le >> facrifice que nous devions faire continuelle>> ment de notre propre volonté. » C'est pourquoi elle regardoit comme un défaut & une faute d'amour propre la fenfibilité qu'on avoit fur la perte qu'on faifoit d'une perfonne de confiance, Directeur ou autre, dont on avoit befoin pour fon falut. Elle vouloit que l'on en fût auffi détaché que, de tout le refte; » parce que fi les créatures meurent, Dieu vit éter»nellement, en qui l'on trouve toutes cho» fes.» Voyant un jour des Sœurs qui pleuroient dans une pareille occafion : » Ne voila-t'il pas, dit-elle, l'amour propre qui fe fourre partout. C'eft en cela qu'il faut fouffrir avec paix & avec joie. Vous craignez que la privation de ces perfonnes ne soit un juste châtiment du peu d'usage que vous en ayez

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fait je le veux. Mais c'eft à cause de cela → qu'il n'y a rien à dire : nous avons besoin de châtiment, he bien! Dieu eft fi bon qu'il » nous le fait fouffrir pour nous corriger, & nous rendre meilleures. C'eft ainfi qu'elle » favoit mettre en œuvre la Religion, & la → retourner par toutes fes vues. J'en oubliois » encore une autre : c'eft que ces privations, » dit-elle, que Dieu nous fait porter par l'ordre de fa Providence, doivent être tenues ဘ pour des bénédictions, parce qu'elles nous » aident à faire plus purement, pour Dieu feul » les actions les plus importantes de notre vie qui font les fpirituelles. Ne vous fouvientpas de ce qu'on nous prêcha l'autre jour, que nous devions tenir pour perdu le jour auquel nous n'avions pas renoncé à nous-mêmes. » L'Ecriture fainte ne dit-elle pas: Maudit celui qui fe confie en l'homme, &c. Il faut être pauvre de tout, pauvre de bien , pauvre de » connoiffance, pauvre de nouvelles du monde pauvre d'eftime, pauvre de fecours fpirituels, »temporels, &c.

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Elle avoit pour principe de prier plutôt que de tant corriger, de prier plutôt que de tant inftruire, de prier plutôt que de délibérer fi vîte.

Elle vouloit que l'on priât peu & fouvent ; » qu'on interrompît fans ceffe fes occupations pour faire des priéres plus ou moins longues. » Elle difoit qu'il ne falloit pas fe fatiguer » pour avoir en priant beaucoup de penfées diftinctes; que pourvu qu'on s'humiliât devant Dieu & qu'on fe tînt anéantie en fa préfence, on prioit bien. Elle fe plaint dans une de fes Lettres à la Reine de Pologne, de ce » que dans les calamités, au lieu de faire faire fur le champ des griéres publiques, des exerci

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XIMI,

Suites

Let. 709.

ces publics de piété, pour attirer la prote »ction du ciel, on différe le plus qu'on peut, » cette falutaire pratique dans un Etat, par une politique toute humaine, qui eft la » crainte, dit-on, de jetter l'allarme dans de >> peuple.

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Soit dans les fouffrances, foit dans la perfécution, elle n'avoit que deux mots qui faifoient toute fa reffource pour elle-même & pour les autre, humilité & confiance. >> On nous en,, leve notre bien, c'est que nous en avons abufé. On nous perfécute pour la vérité, c'est ,, que nou n'avons pas fait le profit que nous devions de la vérité connue. On nous calomnie, c'eft que nous avons eu de la complai ,fance dans nos bonnes œuvres. Conformément à ces humbles fentimens, elle recommandoit fort de ne jamais s'indigner contre les auteurs de l'injuftice, de n'en jamais dire de mal, de leur fouhaiter toute forte de biens. Voilà l'humilité. Quant à la pour confiance, elle la fondoit fur ces vérités ; » Si Dieu eft pour nous, qui fera contre nous ? On ne nous ôte rien, dès qu'on ne peut pas nous ôter Dieu : Dominus in cœlo, Dieu eft dans le Ciel : il ne nous manquera point dans les plus grandes extrémités, fi nous ne ,, lui demandons que l'accompliffement de fa fainte volonté. Rien n'eft comparable au bonheur qu'il y a à fouffrir: on eft trop heureux, quand Dieu nous fait entrer par la fouffrance dans le chemin fùr du Paradis. Une des maximes les plus familiéres à la Mere Angélique étoit celle-ci :» Lorsqu'on a une fois entrepris une bonne œuvre pour Dieux & qu'on croit l'avoir entreprife par fon efil faut la continuer jufqu'au bout., &

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»ne point fe rebuter ni des obftacles qui fe pré» fentent, ni des délais que la Providence ap、 » porte aux fuccès. » Elle vouloit encore qu'on tâchât de faire ces œuvres le plus parfaitement qu'il étoit poffible, & qu'on ne les trai tât pas comme fi c'étoient des œuvres de furérogation; parce qu'en effet elles ne font pas » telles, dès qu'elles font entreprises par une » vocation spéciale de Dieu & après avoir » connu que c'est la volonté, & qu'il les deman

» de de nous. »

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Nombre

Elle ne pouvoit pas fupporter qu'on parlât mal des autres Couvens; qu'on préférât fon Ordre a un autre Inftitut; qu'on fe glorifiât dans fes Conftitutions comme étant plus parfaites que celles des autres. Nous en avons eu une preuve plus haut dans une Lettre d'une de ses Novices, qui furent congédiées par ordre de la Cour. El-xxIII le vouloit en même tems qu'on fût pénétré de la plus vive reconnoiffance pour la grace que Dieu nous faifoit de nous placer dans une maifon où il y a tant de moyens de fainteté & de falut..

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Sa grande dévotion pour recevoir des filles. fans dot, étoit fondée non feulement fur le refpect religieux qui eft dû aux faintes régles canoniques, mais encore fur les vues particuliéres qui fuivent: »Je trouve, dit-elle, ce point important, ayant reçu entr'autres quatre filles » qui ont été fi extrêmement utiles à la maison, » qu'elles euffent dû non feulement être reçues pour rien, mais achetées. Au refte il s'en trouve peu de telles, que outre qu'elles ne peuvent charger, il ne faut pas en craindre le grand » nombre... Or s'il étoit notoire que jamais on »ne reçût une fille, fi elle n'a du bien; jamais

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ces bonnes ne fé préfenteroient, croyant im

Let. 3

» possible d'être reçues. » On remarquera facilement dans ces réflexions auffi-bien que dans beaucoup d'autres un fens admirable, un esprit extrêmement judicieux. C'est ce qui paroît encore dans cet autre principe de conduite qu'avoit la M. Angélique, de ne jamais induire une jeune fille à être Religieufe; mais d'écar→ter d'elle feulement ce qui pourroit l'en détourner,lorfqu'elle en a conçu le défir, & d'ap» plaudir au pieux deffein que le Seigneur lui »aura mis dans le cœur, fans l'homme y » ait d'abord influé. » La justesse de cette régle de conduite fe prend de cette grande vérité enfeignée par J. Ġ. que tous n'en ont pas le don : d'où il s'enfuit qu'il faut donc attendre que Dieu faffe ce don fans le prévenir, & enfuite le cultiver avec une refpectueufe attention quand on voit que Dieu l'a accordé.

que

Sa difcrétion paroiffoit auffi dans le refus qu'elle faifoit de recevoir des filles qu'elle croyoir n'avoir pas befoin de la vie de Couvent, & qu'elle voyoit néceffaires dans le monde pour y faire du bien. Une Demoiselle de Champagne nommée Mademoiselle de Dampierre, vint à P. R. & entra poftulante. Au bout de deux mois la Mere la renvoya, parce qu'elle reconnut en elle une vertu éminente jointe à un talent admirable pour procurer aux pauvres tous les feCours & du corps & de l'ame. L'événement juftifia les vues de la Mere. La Demoiselle s'en retourna chez elle. Elle y vécut, comme elle avoit fait dès la plus tendre enfance, ne fortant point de la Chapelle de fon Château que pour les bonnes œuvres; ne voyant d'autre compagnie que celle des Eccléfiaftiques, avec qui elle parloit des chofes de Dieu. Elle vint enfuite demeurer à Châlons pour y exercer la charité

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