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d'une maniére plus étendue. Elle ne fortoit pas de l'Hôpital toute la journée. Elle étoit d'ailleurs très-pénitente. Elle ne mangoit qu'au foir en Carême, & fon repas unique étoit un pota ge à l'huile. En 1674. l'Hôpital fe trouva rempli de Soldats prifonniers & malades. Elle eut tant de fatigue auprès d'eux, qu'elle en mourut ayant pris la diflenterie des malades qu'el le fervoit.

Cette fageffe & cette difcrétion de la Mere Angélique lui avoit infpiré un principe qu'elle avoit fur l'établiffement de nouveaux Monaftéres. Elle penfoit qu'on ne devoit pas facilement entreprendre de nouveaux établissemens ; qu'il valoit mieux s'appliquer à réformer ceux qui fubfiftent; qu'on voit par expérience que les nouvelles Religions ne tardent guéres à tomber dans le relâchement, plus à la vérité à l'égard des hommes qu'à l'égard des filles: mais que cela n'arrive encore que trop à celles-ci. Voici la raison qu'elle en apportoit. » Elle voyoit » difoit-elle, même dans fes Religieufes, que la plûpart d'entr'eiles fuivoient la bonne conduite où Dieu les avoit appellées, qu'elles ai» moient Dieu, mais que c'étoit fans beaucoup » difcerner la conduite de la grace fur elles-mê»mes: qu'elles fuivoient ceux que Dieu leur avoit » donnés pour les conduire, comme des brebis » fuivent leur Pasteur ; mais que fi Dieu venoit » à les leur ôter, elle ne répondoit pas que la plûpart ne fuffent capables de fuivre infenfi»blement une conduite tout oppofée à celle » dans laquelle elles font maintenant. » Par le même principe elle fe propofoit toujours de re-cevoir fort peu de Religieufes ; & lorsqu'on la voyoit en recevoir cependant un fi grand nombre, & qu'on s'en étonnoit, elle difoit pour le

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XLIV. Suite

ver la contradiction apparente qui frappoit darts La conduite, que par un autre principe elle fe croyoit obligée de recevoir toutes celles que Dieu lui préfentoit avec une bonne vocation.

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Le même efprit de prudence & de difcernement la guidoit dans la conduite des ames qu'elle gouvernoit. Car elle étoit perfuadée que pour le bien d'une maison il faut que les Religieufes prennent confiance dans les Meres Supérieures pour leur avancement fpirituel. Elle penfoit que le fecours des bons Directeurs, outre qu'on ne peut point fe le promettre pour toujours, ne produifoit pas un bien folide, s'il n'étoit accompagné de la direction plus immédiate & plus fuivie des Meres. Or une des preuves les plus fenfibles de fa grande prudence & de fon extrême fageffe en cette partie, c'eft la patience avec laquelle elle fçavoit attendre les momens de Dieu, fans fe rebuter ni fe laffer des retardemens qu'apportoit une perfonne à fon changement. Elle ne celloit à la vérité de prefler, de folliciter mis elle étoit patiente & perfévérante; & quand elle appercevoit que fes paroles n'ébranloient pas, elle le défiftoit fe fur le champ de fa pourfuite, fuivant l'avis de l'Ecriture: Où vous n'tes point écouté, n'y perdez pas en vain vos difcours.

Je rapporterai ii en deux mots l'hiftoire d'u ne four Antoinette de fainte Foi, qui fuffira toute feule parmi beaucoup d'autres pour prouver ce que j'avance. C'étoit une niéce d'une bonne Religieufe de P. R. que la. Mere avoit reçue par charité dans la maison. Cette fille étoit d'un caractére hautain & indifciplinable. Elle fut pendant dix ans la croix de la Communauté, & furtout de la Mere. Elle fut für le point cinq ou fix fois d'être renvoyée. On fut

obligé après lui avoir donné l'habit de Novi ce, dele lui ôter. L'unique bonne chose qu'il y avoit en elle, c'eft qu'elle convenoit de fon tort quand on vouloit la chaffer, fupplioit, demandoit miféricorde. La Mere ne pouvoit fe réfoudre à paffer outre; espérant à chaque fois, quoique fans fuccès, qu'elle s'amande roit. Enfin au bout de dix ans elle fut touchée ; elle demanda en grace qu'on la gardât comme poftulante Converfe. La Mere lui offrit d'être Novice Converfe: mais fon humilité l'empêcha d'accepter cet état, aimant mieux être fimplement fervante dans la maison fans aucune affurance pour l'avenir. Elle fe mit entre les mains de M. Arnaud pour faire une confession générale. Elle a vécu pendant un an avec tant d'édification, qu'après la mort qui arriva au bout de l'année, la Mere lui accorda une miféricorde, c'est-à-dire, fit fon éloge en la recommandant aux prières. La raifon que la Mere donnoit de cette conduite patiente à l'égard des ames, eft tout-à-fait folide & lumineufe.

Vouloir faire connoître & goûter la vérité à » des cœurs qui y font fermés, difoit-elle, & » ne pas attendre les momens du Seigneur qui » ne dépendent pas de nous, c'eft comme fi au » milieu de la nuit qui n'eft pas le tems deftiné » pour le jour, quelqu'un s'obtinoit à vouloir » que le foleil luit. Tous les Princes & tous les plus puiffans Rois de la terre joints enfem»ble n'ont pas le pouvoir de faire lever le fo» leil une heure plus matin qu'il ne doit : &, > tous les hommes enfemble avec toute l'éloquence & toutes les perfuafions qu'on fe peutimaginer, ne fauroient faire voir la vérité » à une perfonne qui n'eft pas encore éclairée de Dieu..

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' XLV.

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J'en demeureræi-là. C'est en substance tout ce qu'on trouve répandu dans la longue fuite des Rélations & dans les trois Volumes de Lettres de cette excellente fille, & qui réuni à ces grands traits rapportés plus haut à l'endroit de la Réforme qu'elle fit de fa maison, son amour extrême pour la pauvreté, pour l'aumône, pour la mortification, &c. compofe le tableau de la piété la plus fublime & la plus mâle au milieu de la plus grande fimplicité apparente. Ne pourroit-on pas s'écrier ici avec le Sage: Mulierem fortem quis inveniet? Ou trouvera-t'on une femme forte pareille à celle-là? J'ai prévenu dans l'endroit cité ce qui doit faire le couronnement de cette belle vie, je veux dire les événemens merveilleux & qui tiennent du miracle dont Dieu a voulu glorifier fa fervante de tems en tems aux yeux des hommes. On y trouvera les deux plus marqués, & qui ont été les plus célébres dans P. R. favoir ceTui des piéces de cinq fous converties en demilouis & celui du bled gâté changé en bon bled: à quoi il faut joindre la guérifon de la Sœur de Druys, fa coufine germaine, qui fut vraiment merveilleufe. J'ajouterar ici quelques autres guérifons, l'une du vivant de la Mere, & plufieurs autres qui ne font arrivées qu'après fa mort.

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La Sœur Marie des Anges Feu, ayant été Guérifon mi- frappée à la tête par la chute d'une groffe bûraculeufe par che, fut une demi-heure fans connoiffance. la foi de laM. Elle revint à elle, & crut que ce ne feroit rien. Angélique de fon vivant. Au bout de quatre jours il lui prend un mal de tête fi fort qu'elle ne peut pas fouffrir le moindre bruit, non pas même entendre parler. Elle fut faignée quatre fois en 24. heures. Le Iendemain matin la Mere Angélique enue dans

l'Infirmerie & lui dit : » Levez-vous & venez avec moi au Choeur pour chanter Tierces. » Elle fe leve & marche. LesSoeurs qui la rencontrent, veulent l'arrêter & la faire retourner à fa chambre. Elle ne les écoute pas, poursuit fon chemin, & dès ce moment-là elle eft parfaitement guérie, reprend fur le champ toutes les obfervances, le jeûne, l'abftinence, &c. Nous avons vu ailleurs une guérison toute pareille opérée par la Mere fur fa coufine Madeleine des Anges de Druys.

XLVI.

fa mort.

Peu de tems après la mort de la Mere Angé- Trois autres Fique en 1662. une Demoifelle, voifine & > guérifons oamie de P. R. nommée Mademoiselle Garnier, pérées par fes fut guérie par la confiance qu'elle eut à quel- reliques aprè ques Reliques de la Mere. Dès le mois de Mars 1661. elle avoit commencé à fouffrir à la che ville du pied, où il y avoit inflammation & dureté. Au mois de Septembre le mal gagna toute la jambe, qui devint fi entreprife que la perfonne ne marchoit qu'avec beaucoup de peine. Le Chirurgien lui ordonna de fe mettre au lit, lui fit deux faignées, & lui mit fur la jambe des linges trempés dans du gros vin. L'inflammation augmenta confidérablement & devint toute noirâtre. Dans le mois de Décembre il lui vint en penfée d'ôter tous les cata. plâmes, & d'appliquer à la place la croix rouge du Scapulaire de la défunte Mere Angélique. Elle ne regarda point à fon mal pendant quatre jours: mais elle fentoit la douleur diminuer, & elle marchoit plus facilement. Elle découvre la jambe, & n'y trouve plus qu'une petite rougeur. Elle ôte la croix, & les douleurs recommencent plus fortes qu'auparavant. On lui confeille de remettre la croix, & au bout de fix jours la guérifon fe trouve parfaite,

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