& s'eft foutenue depuis ce tems-là. C'eft la Demoiselle guérie qui a fait elle-même la rélation dont je viens de donner ici l'extrait, & qu'elle a fignée.

Une feconde guérifon arriva le 17. Janvier 1662. La Sœur fainte Gertrude Dupré, huit jours après la mort de la Mere, fut attaquée d'une diffenterie qu'on croyoit devoir l'emporter. A ee mal fuccédérent des abfcès au côté qui la firent beaucoup fouffrir. Il lui prit en même tems de grandes peines d'efprit fur quelques péchés qu'elle croyoit avoir commis. Dans cet état il lui vint en penfée de faire une neuvaine à la chere Mere, pour demander à Dieu par fon interceffion une véritable converfion, & auffi pour la prier de lui obtenir de Dieu un peu de repos d'efprit & la grace de connoître en quoi elle avoit péché, & d'en faire pénitence. Elle commença la neuvaine le 16. Janvier, & le lendemain 17. comme elle prioit devant un Tableau de la Mere Angélique, elle eut la penfée de demander feulement pour trois mois le foulagement de fes maux ; & que ce feroit une marque qu'elle n'auroit pas offenfé Dieu dans le cas qai l'inquiétoit. Elle prit une petite croix rouge qui étoit faite de celle que la Mere avoit portée, en fit trois fignes de croix fur le côté malade, & demanda à Dieu de pouvoir être trois mois, non pas fans douleur, mais du moins en liberté de fuivre les obfervances, & de ne point faire de remédes. Dans le même tems elle fut quitte de toutes fes infirmités auffi bien que de fes peines d'efprit; & chaque jour de la neuvaine elle rentroit dans quelqu'obfervance, en forte que le dernier jour elle étoit dans tous les exercices de la Communauté, même le jeûne. Elle n'eut plus

befoin des remédès dont elle avoit ufé continuellement jufques-là ; & quoique au bout de trois mois d'une parfaite fanté elle ait eu plufieurs incommodités, elle n'a cependant manqué à aucune observance depuis le 17. Janvier 1662. jufqu'en Mars 1663. qu'elle écrivoit la rélation de fa présente guérifon. Elle l'a auffi fignée de la main.

Voici la troifiéme guérifon opérée par les reliques de la Mere Angélique. Une Poftulante Converfe qui avoit une perte de fang, fe trouva après quelques mois dans un affoibliffement & un épuisement total. A ce premier mal fe joignit une colique violente; enfin il furvine un affoupiffement qui étoit interrompu par des convulfions violentes; car elle fe reveilloit. fréquemment, ayant dans l'efprit des idées de précipice où il lui fembloit qu'elle alloit tomber. Elle fe traîna à l'Eglife le jour de Noël pour aller communier ; & en revenant elle eut dévotion de faire une neuvaine fur le tombeau de la Mere Angélique. Elle la commença fur le champ, & revint fe coucher. Le lendemain elle ne voulut point continuer les remédes des Médecins: elle prit en cachette un peu de fang de la Mere qu'elle avoit, le délaya dans de l'eau & l'avala. Sur le champ elle fe fentit guérie, & reprit trois jours après tous les exercices de la maifon, où elle feroit rentrée dès le jourmême fi on avoit voulu le lui permettre.

On trouvera encore dans tout le cours de cette Hiftoire de P. R. autant dans ce qui a précédé que dans ce qui va fuivre, plufieurs beaux traits d'une Providence attentive à rele-, ver la gloire & à récompenfer la foi de cette Vierge chrétienne d'une maniére toute finguliére, notamment en 1664. fur la four Fran,

1.

çoife-Julie, & en 1690. fur la Sœur Gertrude du Valois on le verra en fon lieu. Au reste parmi toutes ces merveilles, celle qui tient peut-être le premier rang, c'eft ce courage & cette magnanimité que nous allons admirer dans les Religieufes, & dont la fource n'eft autre que les inftructions les exemples, & fans doute la protection de la vertueule Mere qui les avoit toutes formées, & qui intercédoit pour elles après fa morr.

LIVRE VI.

Ce qui s'eft paffé à P. R. en 1664. Procédés de M. de Péréfixe, & enlèvement de 16. Religieufes exilées dans des Couvens étrangers. Gouvernement de la Mere Eugénie fille de Sainte Marie.

כב.

Entretien de M. Lancelot avec M. de Péréfixe fur les Religieu-3 fes de P. R. & fur la fi

gnature.Mort de M. Singlin.

ככ

difoit Paris eft maintenant un an e une perfonne écrivant à un ami en 1664. où l'on doit accourir du bout du monde, non pour y fervir de quelque chofe aux perfonnes que vous fçavez, mais pour y voir de près le plus grand & le plus rare fpectacle qu'il foit poffible d'imaginer : le combat de la plus grande, de la plus violente & de la plus déraisonnable injuftice contre la plus généreufe & la plus abandonnée innocence qui fut jamais.

M. de Marca, nommé à l'Archevêché de Paris à la place du Cardinal de Retz, n'ayant fur vécu que quelques jours à l'arrivée de fes Bulles, le Roi lui donna pour Succeffeur M. de Péréfixe Evêque de Rhodez fon Précepteur. 11

étoit fils du Maître d'hôtel du Cardinal de Richelieu à Luçon, qui mourut en allant à Rome folliciter le Chapeau de l'Evêque de Luçon. Celui-ci eut foin du fils, & le fit fon maître de Chambre, & enfin il lui procura F'emploi de précepteur du Roi. Ayant été nommé à l'Archevêché de Paris, il fut obligé d'attendre du tems. Il ne reçut fes Bulles que le 10. Avril 1664. Il prit poffeffion quelques jours après. Dans l'intervalle les Religieufes de P. R. envoyérent complimenter le nouvel Archevêque. Elles chargérent de la commiffion M. Lancelot qui étoit un peu connu de M. de Péréfixe. Je ferai un petit détail de la conversation de M. Lancelot avec le Prélat, & je continue rai de même pour les converfations que les Religieufes auront avec lui, fuivant ce qu'en rapportent ces Rélations, afin qu'on voie quels raisonnemens on employoit de part & d'autre dans toute cette conteftation. Cela formera une petite Théologie abregée qui mettra le Lecteur au fait des matiéres.

L'Archevêque après avoir écouté le premier compliment, mit tout d'un coup la converfation fur l'affaire du Formulaire, & dit réfolument qu'il falloit que les Religieufes avifaffent à quelque moyen de fatisfaire le Roi & de figner; qu'on ne fouffriroit pas qu'une maifon de filles refufât de fe foumettre à un Jugement du Pape & des Evêques, qui étoit accepté par tout le monde, par les Docteurs, les Eccléfiaftiques & toutes les Communautés Religieufes: que le Souverain Pontife avoit au moins le jugement provifionnel, & qu'on ne pouvoit fans une étrange préfomption s'y oppofer que le Roi perfuadé, comme il étoit, qu'il y avoit une nouvelle héréfie qui avoit pris naiflance

dans fon Royaume, ne fe relâcheroit point de la fignature, parce qu'il ne trouvoit que ce moyen d'y remédier. Comme M. Lancelot vouloit quelquefois répliquer, l'Archevêque lui impofoit filence; Attendez, difoit-il, attendez, laiffez-moi dire: c'étoit comme un refrain qu'il eut toujours dans la bouche dans la fuite de ces contestations, à chaque occafion où il cragnoit quelque bonne réponse. M. Lancelot cependant eut fon tour: il commença par lui repréfenter que ces filles n'étoient accufées d'aucune erreur, qu'elles avoient figné la condamnation des cinq Propofitions, & que c'étoit par pure délicateffe de confcience qu'elles ne pouvoient le réfoudre à condamner les cinq Propofitions dans le fens de Janfénius dont elles n'avoient aucune connoiffance. Mais, dit le Prélat, fi on vous commandoit aujourd'hui la condamnation des héréfies condamnées par le Concile de Trente, & de les condamner au sens de Calvin, le refuferiez-vous ? Non, répondit M. Lancelot, parce que ces héréfies font vifiblement dans Calvin, qui n'a jamais nié les avoir enfeignées, & que fes difciples-même en demeurent d'accord: & ainfi ce feroit plutôt être fou qu'hérétique, de vouloir en douter, Mais d'autre part, Monfeigneur, continuat'il, permettez-moi de vous demander, Si les Huguenots de Charenton venoient fe jetter à vos pieds pour vous demander d'être reçus dans le fein de l'Eglife de Paris en proteftant d'abjurer toutes les héréfies condamnées par le Con→ cile, & faifant feulement difficulté de reconnoître que ces héréfies fuffent de Calvin, furtout quelques-unes qui ne font pas fi faciles à découvrir dans fes Livres, feroit-ce une mauvaise chofe de les recevoir dans l'Eglife ... Le

Concile