Images de page
PDF
ePub

Le lendemain de S. Laurent, on mit fur l'autel pendant la Meffe une Requête au nom de toute la Communauté & fignée d'une partie adreffée à J. C. couronné d'épines; parce qu'on faisoit à l'Eglise ce jour-là l'Office de la fainte couronne d'épines. On y parle à J. C. devenu Roi des cours par fon couronnement; on implore fa vigilance de bon Pafteur fur fes foibles brebis; on le remercie du préfent qu'il a fait à P. R. d'une des épines qui ont tiré le fang de fon divin chef, & du gage fingulier de fa protection qu'il leur a donné par les guérifons miraculeufes opérées par ce facré dépôt ; enfin on protefte au Seigneur que s'il veut être glorifié par la deftruction de la maifon, on l'accepte dans un efprit d'immolation, & on s'offre comme victimes à l'Agneau victime de nos péchés.

La Fête de l'Affomption qui fuivit de près, produifit un acte pareil adreffé par la Communauté à la très-fainte Mere de Dieu, dans lequel elles s'animent à marcher fur les traces de celle qu'elles prennent pour leur modéle, à fouf. frir comme elle la peine de la fuite & du banniffement, fi c'est la volonté de Dieu; ne souhaitant autre confolation que d'avoir Jefus & Marie dans leur compagnie; à fuivre le Fils de Dieu par tout où il lui plaîra de les condui re, de même qu'elle l'a fuivi durant qu'il a vécu fur la terre par tout où il a été jufque fur le calvaire, où elle eft demeurée ferme aux pieds de fa croix. Elles lui témoignent la confiance qu'elles ont dans fa protection pour le tems du combat, fondées fur ce que c'eft elle qui a brisé la tête du ferpent, qu'elle eft la femme forte en qui l'Epoux célefte a mis toute fa complaifance, & cette puiffante Reine qui a droit de conduire plufieurs filles après elle pour rendre leurs hom

IX.

fes de P. R.

mages au Roi immortel, & fe loger dans fes plaies facrées, azile affuré contre les traits en

flammés du démon.

Enfin S. Bernard eut fa fupplique le jour, de fa Fête qui tombe dans l'Octave de l'Affomption. Elles le regardent comme leur protecteur,& en cette qualité elles prient ce Saint qui a fervi dans fon tems de bouclier à l'Eglife au défaut de ceux qui auroient du l'être, de les foutenir par fon interceffion dans l'épreuve à laquelle les expofe l'obligation où elles font, quoique fragiles par leur fexe & leur peu de vertu, de réparer l'affoiblissement où ceux devoient être des colomnes, font tombés ; de leur obtenir les feules armes qu'il leur a dit être capables de repouffer l'ennemi du falut, fçavoir les larmes d'un cœur humilié, & qui ne met fa confiance que dans la toute-puiffance du Seigneur.

qui

Ces extraits que je mets fous les yeux du Lettre de la Lecteur, des pieufes Requêtes de ces vertueuMere Agnès fes filles, lui feront connoître ce qui fe pafaux Religieu- foit dans le cœur de ces vierges, en même des Champs. tems qu'il lit le récit de ce qui leur arrivoit au dehors, Il faut auffi lui donner un échantillon des régles fages de conduite qu'on leur fuggéroit dans la maifon. C'eft ce qu'on voit dans une Lettre de la Mere Agnès écrite le 18. Juillet à la Communauté de. P. R. des Champs. Gémiffant d'abord fur la fituation préfente où elles font, menacées d'être féparées les unes des autres, & enlevées de leur cloître, elle les confole fur le champ par noble vue que leur vœu de ftabilité fe terminera à une inftabilité fainte qui les rendra plus fermes & plus ftables dans l'amour & la fidélité qu'elles doivent avoir pour Dieu. Rien de plus judicieux & de plus falutaire que l'avis

cette

qu'elle leur donne enfuite; que comme la vue de l'état fâcheux où elles feront peut-être réduites, eft capable de faire trembler, auffi ne faut-il pas beaucoup s'y arrêter, de peur de tomber foi-même; mais plûtôt confidérer l'obligation qu'on a de s'abandonner à Dieu, & d'efpérer en fa protection, Elle leur fait ob ferver avec grand foin que d'aimer la vérité, ce qui confifte à ne rien croire & à ne rien embraffer qui ne lui foit conforme, n'eft pas le principal; que ce n'eft encore rien, fi on n'étend cet amour de la vérité à une autre vér

rité, qui eft celle des mœurs, fans quoi la premiére feroit comme une lampe qui s'étein droit bientôt, parce qu'il n'y auroit pas affez d'huile. Elle entend qu'il faut s'efforcer par un avancement continuel dans la vertu, d'obtenir la

grace de la pratiquer dans un dégré extraordinaire, lorfque le tems fera venu. Les rencontres, dit-elle, qu'on trouve à préfent de fe mortifier & de fe renoncer foi-même, ne font que des peintures, en comparaifon des gran des difficultés où nous nous trouverons enga gées. Dieu nous demande les premiéres, & il nous promet qu'il nous donnera les fecondes. Ne penfons donc point au lendemain, en craignant trop de manquer de la grace qui nous fera néceffaire; mais employons bien celle qu'il nous donne aujourd'hui, & ce fera une femence qui produira cent fois autant. Il y faut ajouter les priéres continuelles, &c. J'aurai occafion plus bas de faire un détail des avis par ticuliers que cette fage Mere avoit mis par écrit, pour régler la conduite qu'il faudroit. tenir dans tous les cas nouveaux & finguliers où l'on pourroit fe trouver. Elle y pourvoit à tout. Des ames foutenues par de i belles ex

tulaire desRe

la défense

la vérité.

hortations, animées par tant de priéres & tant de pratiques de Religion, enflammées par la haute idée qu'elles avoient de la caufe qu'el les foutenoient, étoient fans doute bien préparées à la grande tentation qui étoit proche, 'X Dans l'attente donc de ce que la Providence A&te capi- leur faifoit envisager comme prochain, les Religieufes, fait ligieufes de P. R. jugérent à propos de faire avec grande encore un Acte capitulaire pour fe lier enfemfolemnité, ble, & s'unir plus étroitement dans la défense pour fe lier à de leur confcience, pour rendre compte de leur conftante de conduite au public, & pour faire d'avance des proteftations communes contre les violences qu'on pourroit exercer contre elles. Ce font les trois motifs qu'elles fe propofent dans cette démarche. L'Acte fut paffé avec une folemnité édifiante. Elles étoient toutes rangées à leur place dans le chapitre ; le livre des Evangiles étoit au milieu fur une table. La Mere Agnès ouvrit le livre avant qu'on le mît fur la ta ble, & elle trouva à l'ouverture les chap. 16. & 17, de S. Jean, où on lut ces paroles: dans le premier endroit, En vérité, en vérité je vous le dis, vous pleurerez, & vous gémirez vous au& le monde fera dans la joie.... Je ne vous dis point que je prierai mon Pere pour vous; car mon Pere vous aime lui-même, parce que vous m'avez aimé... Le tems va venir, & il eft déja venu, que vous ferez difperfés chacun de fon côté.... Vous aurez des afflictions dans le monde: mais ayez confiance; j'ai vaincu le monde. Et dans le fecond endroit on lut la priére que J. C. fait à fon Pere, qu'il uniffe en lui tous ceux qu'il lui a donnés, & qu'aucun d'eux ne périffe.

tres,

La rencontre parut une efpèce de prophétie que l'événement vérifia. L'usage s'étoit létabli

depuis

I

depuis long-tems parmi ces Religieufes de chercher ainfi dans l'Ecriture fainte à livre ou→ vert, ce qu'il plairoit à Dieu de leur faire rencontrer dans les occafions où elles fouhaitoient de connoître ce que Dieu demandoit d'elles. Nous en verrons encore plufieurs traits dans la fuite, comme nous en avons déja vus. Communément elles rencontroient affez jufte ce qui convenoit à la conjoncture préfente. Peut-être quelqu'un trouvera à redire à cette conduite: N'eft-ce pas, dira-t'on, tenter Dieu en quelque forte, que de lui demander qu'il s'explique par des rencontres fortuites? Pour moi je penfe que la fimplicité & la foi de ces faintes filles leur mérite quelque indulgence, fuppofé qu'on prétendit abfolument qu'il y eût en cela quelque faute. Si elles avoient voulu abfolu ment dépendre de ces rencontres pour se déci der fur la volonté de Dieu, fans l'avoir confulté par les voies ordinaires, elles mériteroient affurément des reproches férieux & un blâme. confidérable. Mais ayant d'ailleurs la loi de Dieu & les confeils de la prudence chrétienne pour régles, elles ne cherchoient qu'à édifier leur piété par ces paffages pris au hazard dans l'Ecriture fainte. Revenons.

[ocr errors]

Le Livre donc ayant été placé fur la table une Religieufe lut tout haut la profeffion de foi du Concile de Trente, toutes étant à genoux dans leurs rangs. Enfuite elles fe levérent les unes après les autres pour approcher de la table, & mettre la main fur les faints Evangiles, & baifer le Livre, en figne qu'elles embraffoient & juroient tous les articles de foi dont elles venoient de faire profeffion. On fit enfuite la lecture de l'acte qui étoit tout dreffé, lequel fut figné l'après-midi de toutes Tome I. Y

« PrécédentContinuer »