Lamentations avoit aflemblé la Communauté. Il ne fit pas de la maifon. grand préambule, & vint tout d'un coup au fait. Il nomma celles qui alloient être conduites dans des maisons étrangères : fçavoir la Mere Abbeffe, Madeleine de Ste Agnès de Ligny; la Mere Agnès de S. Paul Arnaud, la fœur Angélique Thérèle d'Andilli, qu'il donna pour compagne à la Mere Agnès fa tante à caufe de fon âge & de fes infirmités ; la Mere Dororothée de l'Incarnation, Prieure, la fœur Marguerite de Ste Gertrude Dupré, la fœur Marie de Ste Claire d'Andilli, la four Françoise-Louife de Ste Claire, la fœur Angélique de S. Jean Arnaud, la four Agnès de la Mere de Dieu, la fœur Madeleine de Ste Candide, la fœur Anne de Ste Eugénie Madame de S. Ange, la fœur Héléne de Ste Agnès, douze filles en tout. La Mere Abbeffe lui dit qu'elle fe croyoit obligée en confcience d'appeller de cette violence & de protefter contre. Toute la Communauté fe joignit à elle. L'Archevêque fe mocqua de leur appel. »>Quoi, dit-il, vous appellerez de Votre Archevêque voyez, prenez garde à vous: vous n'en faites que pires vos affaires. →Je me mocque de cela: proteftez, appellez, »faites ce que vous voudrez; mais vous m'o» béirez.» Les Religieufes étonnées de cette hauteur, fe jettérent à fes pieds pour le fléchir & lui demander miféricorde, lui représentant qu'il les rendoit orphelines en leur ôtant leurs Meres; qu'il donnoit le coup de la mort à la Mere Agnès âgée de 73. ans, & qui depuis 2. ans avoit eu trois attaques d'apoplexie; que Dieu jugeroit au jour de fon jugement celui qu'il portoit contre elles. » Oui, oui, repliquat'il, nous verrons quand nous y ferons, qui » aura raison de vous ou de moi. » Puis il fit mine d'envoyer chercher les Officiers qui étoient reftés dehors. Mais on lui fit entendre que cela étoit inutile, qu'on ne prétendoit pas faire de rebellion, & que nonobftant l'appel on obéiroit. Comme toutes les Religieufes fe jettoient au cou de leurs cheres Meres pour leur dire adieu, verfant fur elles des torrens de larmes, & les embraffant pour ne les revoir peut-être jamais; toutes ces tendreffes déplurent au Prélat, & il fit fortir brufquement du Chapitre les 12. profcrites, & les fit entrer feules dans le Chœur. Ces pieufes victimes allérent s'offrir à Dieu devant fon faint Autel, & la Communauté demeura dehors. Enfin le moment de la fortie étant venu, la fœur Angélique lui demanda s'il ne leur donnoit pas leurs obédiences par écrit.11 répondit que fon commandement fuffifoit. Il fe mit enfuite à la porte pour faire paffer les douze. Comme il en nomma une qui n'avoit pas été nommée dans le chapitre, on le lui fit obferver. Il ne fçut que répondre, & dit qu'il éclairciroit la chofe. Sur le champ on le fupplia de mettre pour la douzième la fœur AnneCécile qui accompagneroit la Mere Abbeffe & qui continueroit de la fervir dans l'exil, comme elle faifoit dans le Couvent. Il y confentit, afin que fon nombre de douze fut rempli, parce qu'il avoit pour principe, comme il le difoit aflez fouvent, de n'avoir jamais le démenti en quoique ce foit. La Mere Abbeffe lui demanda où il l'envoyoit: mais au lieu de répondre à fa demande, illa prit par l'épaule, & la mit dehors: Allez, lui dit-il, fortez, il fuffit que je le fçache. XVII. M. d'Andilli qui étoit à la porte de la clôture dans l'Eglife, s'approcha de la Mere Agnès geufe de M. d'Andilli. XVIII. qui pouvoit à peine marcher, & lui fit fes adieux. Il reçut auffi fes trois filles, qui fortirent l'une après l'autre ; lefquelles s'étant jettées à fes pieds pour lui demander fa derniére bénédition, il la leur donna avec toute la tendreffe d'un bon pere, & toute la conftance d'un Chrétien plein de foi. Puis il les conduifit l'une après l'autre, les tenant par la main, fur les marches du baluftre, pour les offrir à Dieu une feconde fois, dans le lieu même où lui & elles avoient fait leur premier facrifice. Au fortir de l'Eglife il les accompagna toujours jusqu'au caroffe, & les aida même à monter. Il rendit le même fervice à toutes les Meres & Sœurs, qu'il ne quitta point jusqu'à ce qu'elles fuffent toutes parties. On aura peine à comprendre comment l'Archevêque aura pu trouver matiére de blâme dans un trait auffi fimple, auffi naturel', & auffi innocent. Il accufa M. d'Andilli auprès du Roi d'avoir voulu exciter une fédition, le jour qu'il fit fortir de P. R. douze Religieufes. La Reine Mere répliqua judicieufement qu'affurément cela n'étoit pas, par ce que cela n'étoit point du tout dans le caraétére de M. d'Andilli. On conduifit la Mere Abbeffe aux UrfuliNoms des nes du fauxbourg S. Jacques pour quelques 12. profcrites jours feulement, parce qu'elle devoit être en& des Cou- fuite transférée aux filles Ste Marie de Meaux, dont M. fon frere étoit Evêque. vens où on les exile. La Mere Agnès & la fœur Marie-Thérèse furent conduites aux filles Ste Marie du fauxbourg S. Jacques. La Mere Prieure, Dorothée de l'Incarnation le Comte, à la Vifitation de la rue Montorgueil. La four Agnès de la Mere de Dieu, à la Créche, fauxbourg S. Marceau, qui eft mainte nant la Communauté de S. François de Sales. La four Candide & la four Gertrude, à la Madeleine de Trefnel, fauxbourg S. Antoine; pour être enfuite transférées à S. Denis, l'une aux Annonciades, & l'autre à la Visitation. La four Marie-Claire, aux Filles S. Thomas rue Vivienne. La fœur Anne-Cécile, à Montmartre, puis à Meaux avec la Mere Abbeffe. La fœur Héléne de Ste Agnès, chez les Religieufes du Calvaire. La fœur Anne-Eugénie,à Ste Marie de Chaillot. La fœur Françoife-Louife de Ste Claire Soulain ne partit pas fur le champ, parce qu'elle étoit Célériére, & qu'il falloit qu'elle mît ordre à fes comptes. Dans la fuite nous en verrons quatre autres exilées, qu'il faudra ajouter à ces douze. Une Religieufe voyant fortir la Mere Agnès, dit en pleurant à M. l'Archevêque: Monfeigneur, notre Mere en mourra, Nous ne la verrons plus. Il fe retourna vers elle & lui dit : Elle reviendra. La Religieufe redoublant fes larmes, lui répliqua : Elle en mourra, Monfeigneur, nous ne la reverrons jamais ; mais au moins promettez-nous de nous rendre fon corps après fa mort. Il parut touché, & on a cru lui voir les larmes aux yeux, & qu'il fe faifoit violence pour le diffimuler. Après le départ des bannies, l'Archevêque ordonna qu'on rentrât dans le Chapitre; il y vint: & après avoir dit trois mots, on l'avertit que le Lieutenant Civil le demandoit. Il alla à la porte des Sacremens où ce Magiftrat l'attendoit: il resta avec lui quelque tems dans l'Eglife, & rentra fuivi du Lieutenant Civil, du Chevalier du Guet & du Prevôt de l'Ife. Il s'agiffoit de faire la vifite des jardins, pour voir s'il n'y avoit point quelque porte dérobée Il rencontra le jardinier, l'arrêta, & lui dit de ne pas coucher le lendemain à la maison. II y a apparence qu'il avoit été informé de ce qu'étoit ce jardinier. C'étoit un Gentilhomme Anglois qui avoit été obligé de quitter fon pays pour la Religion, & s'étoit confacré depuis 22. ans au fervice de P. R. Le jardinier recevant ainfi fon congé, dit à M. l'Archevêque: » Il y a vingt ans que je n'ai rien reçu pour mes » fervices; fi on me congédie, il eft jufte de me payer. » L'Archevêque le payad'une turlupinade; il lui dit qu'il étoit de taille à servir le Roi, & qu'une épée lui fiéroit mieux qu'une bêche. Après la vifite faite de tous les lieux réguliers, où ces Meffieurs trouvérent tout en régle, on reprit le chemin du Chapitre, & fur fa remontrance de quelques Religieufes, les Officiers laïques n'y accompagnérent pas l'Archevêque. Il fit même l'aveu à une Religieufe qu'il n'avoit amené & fait entrer ces Officiers, que parce qu'on l'avoit affuré qu'il y avoit 2000. perfonnes difpofées à fauver les Religieufes qu'il voudroit enlever. Les Officiers de leur côté fe retirérent de très-bonne grace, & on entendit fe Chevalier du Guet, qui dit : » Non non, nous n'entrerons pas Hélas ! il n'étoit pas befoin de nous, ce font des agneaux.. L'Archevêque demeura dans l'avant-choeur, Arrivée de fe tenant de bout avec fes Eccléfiaftiques fans YaMere Eugé vouloir s'affcoir. Ayant apperçu deux foursconnie, fille de la verfes qui pleuroient,il leur dit d'un certain airs Vifitation, & 35 de cinq au- Taifez-vous,ne pleurez pas, vous n'en n'avez pas de fujet : On ne vous a ôté vos Meres, que parce qu'elles étoient des défobéiffantes & des rebelles on vous en domera d'autres XIX. tres, pour gouverner la mailon. ود |