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Elle remarque en effet que la plupart de ces entrées avoient affez bien reuffi. On voit par-là quel zéle elle avoit pour le falut des ames. Hy parut encore, lorfqu'elle fit faire les bâtimens de fa maifon. Il y avoit bien 60. ouvriers qui travailloient : & c'étoit dans le tems du Carême. Elle penfa à leur être utile pour leur confcience, & tâcha de les mettre en état de paffer des faints jours dans la piété. Elle fit venir plufieurs bons Eccléfiaftiques pour les confeffer, & inftruire ; & afin que ces pauvres gens s'y prêtaffent de bon cœur, elle voulut qu'on leur payât leur journée, comme s'ils avoient travaillé. Cela dura trois jours.

Elle a eu plufieurs fois occafion de prêter fon fecours à des pauvres filles qui avoient eu le malheur de tomber en faute. Une mere vint un jour la trouver très-affligée de l'état où étoit fa fille,qui étoit en condition, & qui étoit devenue groffe: elle ne fçavoit comment faire pour éviter le fcandale & fauver l'honneur de fa fille. La M. Angélique la confola, & fe chargea de la bonne œuvre. Elle trouva une Dame qui eut la charité de la prendre chez elle; puis comme le mal ne pouvoit plus demeurer caché chez cette Dame, la M. Angélique la fit venir, la plaça dans un lieu fort fecret, jufqu'à ce qu'elle fût accouchée. La Dame enfuite la reprit, & lui ménagea un Couvent où elle fe fit Religieufe; la Mere Angélique donna de quoi lui acheter des habits de Religieufe & les meubles de la Cellule. Une autre fille qui étoit dans le même cas, vint à Paris trouver une de fes parentes, Religieufe de P. R. pour lui expofer fon trifte état. La Religieufe reçut cette fille très-durement, lui fit de grands reproches, & lui dit qu'elle ne vou loit point fe mêler d'elle. La Mere fçut auflitôt

ce qui s'étoit pafflé. Elle fit rappeler la fille fur le champ, & après quelques paroles de confolation, elle la mit en depôt chez une bonne veuve pour y faire fes couches, & fit élever fon enfant à fes dépens, jufqu'à lui faire apprendre un métier,lorfqu'il fut en âge. La converfion de la fille fut telle, que fi la mere avoit cru que cela convint, elle étoit difpofée à fouffrir la confufion de fa faute en la rendant publique, La Merc ayant fçu qu'une jeune fille de 13. ans, parfaitement belle étoit dans un état de perdition, fa propre mere l'y précipitant, & que plufieurs gens de bien n'ofoient fe mêler de la tirer du précipice, parce que fa perte venoit d'une perfonne de grande qualité, elle dit: » Qu'on me l'amene; il n'y a rien à craindre que le péché : »je faurai bien fauver cet enfant. Elle la tint pendant quelque tems cachée dans un parloir, où elle lui donna une perfonne pour lui tenir compagnie, y allant elle-même fouvent pour la divertir & la gagner par amitié. Enfin voyant que ni chez elleni dans maifon de campagne où elle l'avoit fait tranfporter, on n'avoit pu lui infpirer l'amour de la verty, & qu'elle cherchoit à s'échapper, elle la fit placer aux Filles pénitentes où, elle eft devenue une bonne Religieufe.

une

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Au commencement de la réforme, la Mere reçut une Sœur Converfe qui promettoit beaucoup. Elle la mità la Cuifine, où elle faifoit fon devoir parfaitement. Pendant le féjour de la Mere à Maubuiffon, cette fille fe dérangea fur l'article de la foumiffion. La Mere fit ce qu'elle put pour la ramener à fon devoir, mais inutile ment. Enfin le jour des Morts pendant la nuit, cette Soeur prit un Reliquaire dans le chœur, alla s'habiller en féculiére, & fauta par deffus

les murs du jardin, qui étoient alors fort bas. Elle vint à Paris trouver une fœur qu'elle avoit, laquelle fort indignée contre elle, la conduifit aux Bernardins pour fe reconnoître, & rentrer dans fon devoir entre les mains des PP. de l'Ordre, qui alors gouvernoient P. R. Ceux-ci écrivirent à la Mere, pour l'avertir de ce qui fe paffoit. Pendant ce tems-là, la Mere faifoit faire des priéres pour la Religieufe qui avoit disparu ; le S. Sacrement étoit expofé; toute la Communauté étoit en pénitence avec une ferveur toute extraordinaire. Lorfque la Mere eut reçu l'avis des Bernardins, elle envoya fur le champ chercher la fille ; & lorfqu'elle fut arrivée, laMere fe jetta à son cou & l'embrassa avec toute la tendreffe imaginable. Elle la mit en lieu de fureté, & tâcha de lui infpirer des fentimens de pénitence convenables à lon état. Mais, comme on s'apperçut qu'elle tâchoit encore à s'enfuir, on l'envoya à l'Abbaye des Clairets છે où elle eft morte.

On ne finiroit pas fi on vouloit rapporter tous les témoignages qu'elle a donnés de fon zélo pour le falut des ames. Souvent elle a logé proche le Couvent, & entretenu pendant plufieurs années des Dames Angloifes, fugitives pour la Religion. On lui dit un jour que la fille d'un Artifan, qui étoit de la Religion prétendue Réformée, avoit quelque mouvement de fe faire Catholique, mais que fon pere la menaçoit de la laiffer mourir de faim, fi elle le faifoit. La Mere n'hésite point, elle envoie enlever la fille, & la garde à P. R. Le Pere ayant eu vent qu'elle étoit à P. R. & difant qu'il auroit fa fille à quelque prix que ce fût, la mere Angélique la cacha dans une maifon du dehors, où elle la fit inftuire & abjurer l'héréfie; elle l'y nourrit,

XXI.

Sa charité pour toute

forte de befoigs.

lui fit apprendre un métier, & lui donna enfuite de quoi fe marier.

Ce n'étoit pas feulement dans les occafions où le falut étoit intéreffé, que fe manifeftoit fa charité compatiffante: toutes les miféres humai. nes en étoient l'objet. Une jeune Sœur peu de tems après fa profeffion,eut une maladie dans laquelle elle perdit l'efprit : elle avoit été reçue par charité. Cette fille devint très-difgracieufe par fa mauvaise humeur & par fa falete. La mere Angélique bien loin d'avoir la moindre peine de l'avoir reque, encourageoit toutes fes filles à recevoir de bon cœur cette occafion d'exercer la charité; difant » qu'il n'y avoit que le péché dont il fallut fe chagriner, & qu'il n'y avoit point de péché » dans toute la peine que donnoit cette fille à la

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a maison. ဘ

Une Converse, nommée la Sœur Marie de S. Jofeph, a fait une longue relation que j'abrégerai, de la trifte aventure où elle s'étoit trouvée, & de l'infigne charité que la Mere eut pour elle, C'étoit une Religieufe de Retel. La veille du Siége que mirent les ennemis devant cette place, toutes les Religieufes prirent la fuite, & fe retirérent où elles purent. Celle-ci fe plaça à Reims chez un oncle : elle vint enfuite à Paris fe jetter entre les bras de Mde de Miramion, qui étoit en réputation d'une grande charité pour les filles qui étoient dans la peine; elle comptoit par fon moyen pouvoit être placée dans quelque Cou vent.En effet cette vertueule Dame l'envoya dans un Couvent à S. Calais avec une dot de 800. livrés. La Superieure de ce Monaftére diffipa les 800. livres en peu de tems, & ne voulut plus garder la fille. Elle vint à Paris, & amena avec elle la Religieufe. Pour s'eii débaraffer, elle lui dit: »Viens avec moi, je m'en vais te mener chez

les Janféniftes, tu y feras bien. » Elle la conduifit dans la cour de P. R. où fans lui rien dire, elle la laissa adroitement. La Touriere fit avertit la Mere qu'il y avoit une Religieufe fur le pavé, dont on venoit de lui faire préfent. La Mere vint, écouta parler cette fille, & n'hésita point à fe charger d'elle: elle la plaça dans une maifon voifine avec une autre compagne ; & après l'avoir tenue là pendant un an, elle l'admit dans la maifon, quoique chargée d'une infirmité qui la rendoit incapable de rien faire, & qui la tint au lit pendant fix mois. La Mere étoit da premiére à la confoler, & à la raffurer. » Dieu n'a que » faire, lui difoit-elle, de votre travail; il fe → contente que vous fouffricz & que vous foyez

foumise à fes volontés, & moi je ne vous en » demande pas davantage. Il faut avouer qu'il y a dans cette charité bien de l'héroïque. En voici d'autres traits. La Sour Marguerite de Ste Gertrude, profeffe d'un autre Couvent. croyant ne pouvoir pas faire fon falut où elle étoit, cherchoit à fe mettre ailleurs. La Provi dence lui procura l'occafion de faire parler d'elle à la Mere Angélique,qui confentit à la recevoir. Or il falloit qu'elle obtint une obédience pour changer, & comme elle ne l'auroit jamais pu obtenir étant dans fa maifon de profeffion, à caufe des préjugés qu'on y avoit contre P. R. il étoit néceffaire de la depayfer, & de lui faire paffer quelque tems ailleurs. La Mere se prê ta à tout, lui paya fa penfion dans un Couvent pendant fix mois, pour obtenir là fon obedience, & la prit enfuite. Peu de jours après fon entrée, la Sœur tomba dans des infirmités confidérables qui lui ont duré onze ans, & dont elle fur gué rie après la mort de la Mere, par une neuvaine faite à fon tombeau, dont la relation eft plus bas. XLVA

a

Liv. v. nombr

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