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feroit porter la tolérance trop loin que de l'é tendre à des chofes préjudiciables au bon ordre & à la difcipline régulière, & que S. Paul avoit blâmé dans les Corinthiens une telle tolérance, lorfqu'il leur difoit comme par raillerie: Vous êtes vous autres des fages du premier ordrezvous fupportez tranquillement les vexations des fous; vous vous laiffez manger, piller, frapper au vifage, &c. Le résultat fut, après quel ques altercations un peu vives, qu'on confulteroit au dehors. L'avis des Confultés fut plus pour la tolérance que pour la réfistance en ces fortes de chofes, à caufe des inconvéniens qui étoient à craindre fi on irritoit les perfécu

teurs.

difcrétion des

On avoit grande attention dans le cours de XXVIII, la journée à ne pas entrer en difcours avec la Sagelle & Mere Eugénie & fes filles: on fe privoit même Religieufes à pour cela de la récréation, c'eft-à-dire de la cet égard. converfation après le repas. On craignoit d'un côté de fe lier trop avec une Supérieure qu'on ne reconnoiffoit que forcément; & de l'autre on vouloit éviter les piéges que ces étrangères cherchoient à tendre aux Religieufes de la maison pour tirer leurs fecrets, ou pour les féduire. Ces étrangères en effet épioient toutes les occafions de lier converfation. La Mere Eugénie qui ne penfoit qu'à fe procurer des actes de fupériorité, voulut un jour tenir le Chapitre des coulpes, c'est-à-dire, recevoir dans le Chapitre la confeffion des coulpes ou fautes contre la Régle,, que les Religieules ont coutume de faire publiquement pour en recevoir la pénitence impofée par la Supérieure. Elle en fit la propofition à la fous-Prieure qui la rejetta fortement, difant que c'étoit un droit réservé à l'Abbeffe. La vraie raifon étoit qu'on

craignoit de donner à l'Intrufe trop de connoilfance de ce qui fe paffoit, auffi bien que de la qualité des efprits, de la vertu & des défauts des foeurs. On avoit été déja prévenu du deffein qu'elle avoit, & on avoit confulté les amis du dehors à ce fujet. Ils furent d'avis qu'on acquiefçât en ce point à la Mere Eugénie, fur le principe qu'il falloit prudemment lui accorder tout dans les chofes de moindre conféquence, afin d'être plus en droit de refufer & de tenir ferme dans les chofes plus importantes. On confentit donc au Chapitre des coulpes. Au premier qui fut tenu, la fousPrieure dit tout haut à la Communauté affemblée » Mes fœurs, la Mere va tenir Chapitre, mais c'eft fans préjudice de nos Appels & de >> nos proteftations.» Le fpectacle fut très-lugubre. La vue de FIntrufe affife à la place de la refpectable Supérieure qui n'y étoit plus, renouvella toutes les douleurs. Plufieurs avoient perdu la parole & ne pouvoient rien dire. D'au tres commençoient leur coulpe & n'achevoient pas, parce que leurs farmes & leurs foupirs feur étouffoient la voix. Tout au refte se paffa doucement, & la Mere Eugénie ne difoit rien fur les fautes dont on s'accufoit..

:

C'étoit de fa part pure politique, pour ne pas fe rendre odienfe, & pouvoir plus aifément gagner les Religieufes. Car elle étoit naturellement impérieufe, & les propres filles avoient quelquefois à fouffrir de fa roideur, comme les Religieufes de P. R. en furent témoins quelquefois. De plus elle étoit peu fournie de difcrétion dans les commandemens qu'elle fai foit. Deux des filles Ste Marie qu'elle avoit amenées avec elle, avoient à peu près le même caractére de hauteur & d'aigreur. Ce qui joine

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à un zéle fans fcience, qui ne connoît d'autre vertu que Tobéiffance aveugle, donnoit beaucoup à fouffrir aux Religieufes de la maison. Celles-ci ne laiffent pas dans leurs Rélations de rendre justice à l'amour de la régularité qui paroiffoit dans ces trois filles de Ste Marie ; & furtout aux bonnes qualités de deux autres qui étoient d'un caractére différent, & qui n'avoient point de mauvaises maniéres avec les fœurs de la maison.

pour

XXIX.

les Reli

le dehors

C'étoient la Mere de la Sourdiere & la Mere de Maupeou. La premiére avertiffoit fe- Bon cœur de cretement les Religieufes de tout ce qu'elle pou- deux des filles voit apprendre touchant leurs affaires, décla- fainte Marie rant qu'elle n'avoit aucune part aux confeils gieufes de P. & aux deffeins que prenoit la Mere Eugénie R. Communicontre elles. Elle étoit charmée de tout ce qu'el- cations fecre le voyoit dans la maison, en faifoit des tes des Reli com- gieufes avec plimens aux fœurs, ne pouvoit fe laffer d'entendre parler de la Mere Agnès, portoit toujours fur elle fon Livre de la Religieufe parfaite & imparfaite, dont on lui avoit fait préfent comme aux autres. La Mere de Maupeou étoit tante du célébre M. Fouquet Surintendant des Finances. C'étoit une Dame très-édifiante pleine de charité, remplie d'eftime. pour la maifon, difant qu'en comparant fon Ordre avec celui-ci, à peine étoient-elles Religieufes auprès des filles de P. R. Elle cut quelque différend avec la Mere Eugénie par rapport aux Religieufes de la maison: ce qui fut caufe que fous prétexte d'une maladie elle demanda fon renvoi dans fon monaftére, comme nous le verrons plus bas. L'une & l'autre cependant de ces deux bonnes Meres follicitoient fouvent les fœurs à fe foumettre, tant pour L'acquit de leur devoir, que pour l'intérêt &

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la confervation de leur maison. Car quoiqu'el les jugeafsent affez bien quelquefois des choses par leur bon cœur, elles retomboient toujours dans les maximes de l'obéiffance aveugle, à quoi la plupart des perfonnes de cet Inftitut réduifoient prefque toutes les maximes de l'Evangile, fur lefquelles d'ailleurs elles étoient peu inftruites, quoiqu'avec un fond de piété. Une de ces filles de Ste Marie fit l'aveu tout franc à une de P. R. que fi on lui commandoit de figner que leur bienheureux Pere avoit enfeigné des héréfies dans fon Livre de l'Amour de Dieu, elle le figneroit für le champ & le croiroit fermement.

Les Conférences que les fours faifoient en Communauté, comme je l'ai dit, fans la participation de la M. Eugénie, ne purent pas continuer long-tems Celle-ci en fit grand bruis, fe plaignant qu'on s'affembloit pour lire enfemble des Lettres & des Ecrits venus du dehors, qui ne fervoient qu'à entretenir l'efprit de revolte. Il fallut donc prendre un biais;ce fut de fe partager en trois bandes pour faire à des heures différentes la lecture des Ecrits qu'on faifoit tenir à la communauté par des voies fecretes. On eut beaucoup plus de peine à continuer ce commerce avec le dehors, quand à la fin de Septembre la Mere Eugénie fit changer les gardes de toutes les ferrures. Celles de la porte & du tour de la Sacriftie ne furent point changées en ce moment, mais elles le furent enfuite. On eft étonné quand on voit que depuis le 24. Août jufqu'au 15. Décembre, elles ont eu le bonheur de faire paffer 171. Lettres dont les copies exiftent manufcrites. Les Lettres tant de confolation que de confeil qu'elles recevoient en réponse, furent fort utiles à ce pauvre trou

peau délaiffé: & elles ont bien remercié la Di vine Providence qui ne les a pas abandonnées, & qui leur a fourni toujours jusqu'à la fin différens moyens de recevoir ces billets falutaires.

Nous verrons plus bas un des moyens que la Providence leur fourniffoit pour continuer la communication au dehors. C'étoit un Confeffeur, Prêtre de S. Nicolas du Chardonnet nullement fufpeét, qui leur prêtoit fécretement fon miniftére. Ilfe nommoitM. Beaubuiffon. Les noms des perfonnes dont on prenoit avis ne font point dans les manufcrits de P. R. mais il est bien certain que M. Arnaud en étoit du nombre. Dans le neuviéme volume de fes Lettres on trouve plufieurs Ecrits qu'il leur adreffoit pour diriger leur conduite dans les diffé

rentes rencontres.

XXX.

Soeurs de P

Elles eurent bientôt après un autre embarras au fujet de ces Conférences & de ces com- Trahifon de munications. Elles s'apperçurent qu'il y en quelques avoit d'entr'elles qui les trahiffoient, comme R. on leur en avoit déja donné avis du dehors; de forte qu'elles ne fçavoient plus comment faire pour ces lectures & ces petites délibérations en commun; ne connoiffant point celles qui trahiffoient le fecret. Elles affurent dans leurs Rélations qu'elles n'ont point eu de peine plus fenfible que celle-là. » Nous étions, di» fent-elles, obligées de nous affembler pour dé» libérer für ce qu'il falloit faire; & nous étions » contraintes de dire toutes nos affaires en pré» fence de toute la compagnie, fçachant qu'il y en avoit qui ne nous écoutoient que pour » rapporter tout à M. Chamillard & à M. l'Archevêque, & ne pouvant difcerner qui c'étoit : de forte que nous étions réduites à ne pouvoir communiquer de nos affaires en com

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