Images de page
PDF
ePub

XXXVII.

Confeil de

procurer fecrettement des communications at
dehors, dans le tems qu'elles en étoient pri-
vées. Il l'a fait parfaitement bien jufqu'à l'en-
voi de toutes les Religieufes à P. R. des Champs.
Il portoit leurs lettres & rapportoit les réponses.
Il fit même une action finguliére en ce même
genre. Une jeune Sœur, nommée Louife de
Sainte Fare de la Bonneterie, tomba malade.
Le Médecin ayant averti du danger, M. Cha-
millard lui envoya M. Boifbuiffon pour la
porter à la fignature, & l'adminiftrer fi elle fe
foumettoit. Le pieux Eccléfiaftique apporta
avec lui la fainte Euchariftie fans que cela pa-
ût. Il confirma la malade dans le refus qu'elle
faifoit de la fignature, lui donna l'abfolution
& tout de fuite la communia: & tout cela fe
paffa, fans que M. Chamillard & la foeur Flavie
qui étoient dans la chambre s'en apperçuffent.
Le Supérieur lui demandant enfuite compte des
difpofitions de la malade, il répondit tout fim-
plement qu'il n'avoit pu la réfoudre à figner.
Il fe retira de P. R. lorfque M. de Péréfixe eut
fait transférer toutes les Religieufes à P. R. des
Champs, quitta la Communauté de S. Nicolas,
& alla demeurer avec Meffieurs de Sainte Mar-
the, S. Gille & Pontchâteau au Fauxbourg, S.
Antoine.

Le 23. Septembre l'Archevêque fit fignifier à Evocation P. R. une évocation au Confeil de l'Appel coml'Appel comme d'abus des Religieufes. L'Huiffier s'adreffa me d'abus des à la Mere Eugénie. Elle répondit qu'elle ne pou Religieufes voit pas recevoir cet acte, n'étant ni Abbeffe auParlement. ni Supérieure, mais fimple Commife, & fit ap

peller la four Françoife-Agathe Sous-prieure.
Celle-ci fit quelque difficulté de recevoir cette
fignification. La Mere Eugénie lur dit qu'elle
ne pouvoit pas fe difpenfer de la recevoir;

[ocr errors]

qu'elle-même avoit bien été obligée de recevoir fa fignification que les Religieufes lui avoient fait faire de leur appel comme d'abus. Elle le reçut, & alla fe confulter avec quelques Sœurs Elles revinrent enfemble à la Mere Eugénie, & lui dirent qu'il falloit qu'on leur donnât un parloir pour y conférer autant de fois qu'il feroit néceffaire avec leur Procureur & leur Avocat. La Mere Eugénie ne le refufa pas, mais elle mit une condition, qu'une des filles de fainte Marie y feroit préfente. On lui repréfenta que cela étoit contre toute raifon, qu'elles avoient droit de traiter leurs affaires en liberté, & que les filles Sainte Marie étant leurs parties depuis FAppel, on ne pouvoit pas les obliger de s'ouvrir devant elles. La Mere n'eut toujours que la même réponse, qu'elle avoit des défenfes de M. l'Archevêque de laiffer les Religieufes feules au parloir, & qu'elle étoit fille d'obéiffance: qu'il falloit attendre que M. l'Archevêque vînt, & qu'on lui demanderoit la permiffion. Comme on infiftoit, elle dit qu'elle alloit faire demander à M. Chamillard s'il vouloit permettre ce qu'on demandoit mais les Religieufes lui repréfentérent qu'elles ne pouvoient le reconnoî tre pour juge, puifque par l'appel à lui fignifié il étoit auffi devenu leur partie. La chofe en demeura-là, & les Religieufes furent obligées de confulter für leurs affaires par des voies fecrettes: fi ce n'eft que quelquefois elles réuffiffoient à paffer quelques lettres ou quelques actes au parloir, les jettant adroitement, fans que la Soeur de Sainte Marie préfente s'en apperçut. Auffi dès qu'elle s'en appercevoit, elle faifoit fr grand bruit qu'il falloit que le papier fut repaffe en dedans la grille, dans la crainte que cela a'exposât & ne compromît le tiers à qui le pas

:

"

XXXVIII.
Belle Lettre

pier avoit été remis. Cela eft arrivé entre autres à un Confeiller du Parlement, nommé M. Rancher, à qui une Religieufe fa belte-four avoit fait paffer une lettre par la grille. Il y avoit en core une autre chofe à craindre, c'étoit qu'on n'empêchât abfolument les Religieufes de voir leurs parens au parloir.

Le 24. Septembre l'Archevêque vint de grand des Religieu- matin pour une affaire qui lui tenoit bien au M. de cœur. Il vouloit faire défavouer aux Religieu

fes

Péréfixe.

fes le Procès-verbal qu'elles avoient dressé de la journée de l'enlèvement des douze; auffi bien que la lettre qu'elles lui avoient écrite depuis peu. Il prétendoit que ces deux pièces étoient remplies de fauffetés, qu'on lui faifoit dire beaucoup de chofes qu'il n'avoit pas dites s qu'en un mot c'étoient de vrais libelles dictés par la mauvaise foi, & par un efprit de vengeance. J'ai parlé plus haut de ce procès-verbal qui n'étoit autre chose qu'une relation détaillée & circonftanciée de tout ce qui s'étoit fait & dit dans la fcéne de l'enlèvement des Religieufes. Ce procès-verbal étoit devenu public par l'impreffion; & c'eft ce qui fâchoit fort le Prélat. Quelques perfonnes dans le monde trouvérent à redire à cette piéce, prétendant qu'elle n'étoit pas affez conforme au refpect du aux fupérieurs, & qu'elle ne pouvoit que produire un mauvais effet, en irritant le Prélat. M. Arnaud en prit la défense dans un écrit qui le trouve au neuviéme tome de fes Lettres, où il réfute les mauvai fes raifons des perfonnes mécontentes. Quant à la lettre dont il fe plaignoit, c'étoit une lettre que les Religieufes lui écrivirent le 22. Septembre, deux jours avant la préfente visite; dans laquelle elles fe juftifient de tous les bruits défavantageux qui courent fur leur compte, &

font au Prélat des remontrances humbles & fortes fur la maniére dont il les traite.

La piéce eft vraiment belle. On ne fçait qu'admirer davantage, ou la judicieuse folidité des réflexions qui en font le fond, ou la noble vigueur des représentations qui la terminent. Voici ce qu'elle contient en fubftance. Les Religieufes difent qu'on leur fait un crime de ce que la maifon eft dans le trouble; mais que ce font ceux-là-même qui les accufent, qui font le trouble: qu'on dit qu'il n'y a prefque plus de difcipline dans le monaftére; mais qu'elles tâchent de la garder le mieux qu'il eft poffible ; qu'après tout, c'eft l'abfence des Supérieures vigilantes qu'elles avoient, qui eft caufe de ces petits relâchemens, s'il y en a qu'on fe plaint qu'elles n'ont point de déférence pour leurs Confeffeurs; mais que ceux-ci ne leur parlent jamais que pour mettre leur confcience à la gêne : qu'on les taxe de filles révoltées & défobéiffantes; mais que toute leur faute confifte à refu→ fer une chofe qu'on n'exige point des féculiers, une chofe qu'on avoue n'avoir jamais été exigée des perfonnes de leur condition, une chose qu'on convient n'y avoir aucune néceffité de Fexiger; que d'ailleurs on laiffe tranquilles une infinité de gens qui fignent le Formulaire fans croire le Fait, & qui s'en vantent publiquement, qu'ainfi tout le mal qu'elles font en refufant fa signature, c'est d'être plus fincéres que les autres. Elles obfervent que la fignature qu'on leur demande eft un miférable moyen offert à toutes les Religieufes qui voudront s'élever au-deffus de leurs Sœurs, de fatisfaire leurambition; un piége tendu aux ames foibles qui ne sçachant que devenir dans cette tempête, fe rendront feulement par l'importunité qu'on emploic

XXXIX.

la Commu

auprès d'elles ; une voie ouverte aux mauvaises Religieufes pour ôter le joug de J. C. de deffus leur tête, fous prétexte de fe foumettre à ce nouveau joug qui ne mortifie ni le corps ni l'efprit. Elles concluent de tout ceci combien grand eft le malheur de ceux qui mettent devant leurs pieds ce fcandale pour les faire tomber. Elles remontrent au Prélat que J. C. lui demandera compte de la moindre brebis qui s'écartera du troupeau, ou que les bêtes dévoreront; que le Seigneur condamne les Pasteurs qui traitent leurs ouailles avec empire & dureté. Elles finiffent en le priant de ne pas rejetter leurs priéres, comme elles défirent que le Seigneur ne rejette pas les fiennes; que s'il refufe de leur accorder quelque foulagement, c'eft le coup de la mort qu'il leur donne ; mais que dans la mort même elles fe fouviendront qu'il eft leur Pafteur, & qu'elles demanderont pour lui la miféricorde qu'il leur refufe. Elles finiffent en difant qu'elles fouhaitent que le monde n'ait pas occafion de dire, que leurs Peres font leurs parricides.

L'Archevêque tenant en main cette Lettre & M.de Péré- le procès-verbal déclara à la Communauté fixe veut fai affemblée qu'il va les lire lui-même tout haut, re retracter à pour voir fi les Religieufes oferent foutenir & nauté le proles faits qui y font avancés & les > propos cès verbal de qu'elles y tiennent. Il fe récrioit furtout fur ce l'enlévement que le procès-verbal lui attribuoit des emporte & la préfente mens de colere, comme s'il avoit parlé en fu

Lettre.

rieux; il fe plaignoit des injures qu'on lui mettoit dans la bouche parlant à la Mere Abbeffe, & l'appellant fotte, ignorante, painbêche, ne fachant feulement pas ce que veut dire ce mot. Il protesta qu'il étoit aussi vrai qu'il n'avoit jamais connu ce terme comme il étoit vrai qu'il venoit de dire la Messe. I

« PrécédentContinuer »