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jours pendant un certain tems, jufqu'à ce qu'enfuite on s'apperçut qu'il y avoit de l'inconvé nient à donner trop d'autorité à l'Intrufe; & alors on ceffa de pratiquer cette cérémonie, Comme cette four étoit exacte à tout, depuis fon élévation en dignité, au lieu qu'auparavant elle n'affiftoit à rien fous prétexte de mauvaife fanté, les Religieufes appelloient cela des miracles de la fignature. Une autre difoit que jufqu'ici la maifon avoit eu des Supérieures qui étoient vertueufes avant que de l'être, mais que par un ordre nouveau on lui donnoit maintenant des Supérieures qui deviennent vertueuLes parce qu'elles font Supérieures. La même fœur Flavie voulut auffi, pour mieux s'établir dans fa charge, tenir le Chapitre des coulpes en l'absence de la Mere Eugénie. Mais pour cette fois elle ne trouva pas la maison docile. On lui refufa la fatisfaction qu'elle vouloit fe procurer; & perfonne ne fe préfenta devant elle pour s'accufer. Le lendemain de la précédente fcène, M. Chamillard fit appeller la Communauté pour une Conférence qu'il fit fur la calomnic & la médifance, à l'occafion du procès-verbal. La féance dura quatre heures, parce que la controverfe s'engagea, & que toutes les fœurs l'une après l'autre, lui foutinrent la vérité des faits & la néceffité qu'il y avoit eu de les rapporter pour la défenfe de la caufe.

M. l'Archevêque attentif à tout ne voulut point laiffer au Monaftére un Agent qu'elles avoient depuis long-tems, qui faifoit toutes leurs affaires avec un foin & un zéle d'autant plus eftimable qu'il n'y trouvoit d'autre inté rêt que la fatisfaction de fervir des Religieufes dont il refpectoit la vertu. Il fe nommoit M, Akakia. Comme on le foupçonnoit d'aider les

Sœurs

fours

DE PORT-ROYAL. I. Part. Liv. VI. 577 en beaucoup de chofes qui n'étcient pas du goût de l'Archevêque, & qu'il avoit même été dénoncé au Prélat par les faux-freres comme étant celui qui étoit chargé de la procuration des Religieufes dans leurs actes d'appel le Prélat voulut le féparer d'elles. Un Exempt & des Archers munis des ordres de la Cour l'enlevérent & le conduifirent à la Baftille. On fit. auffi une vifite chez des Meffieurs connus pour être amis de P. K. M. le Jeune, M. Meufnier, M. Hamelin. On vifita tous leurs papiers. Pareille vifite fut faite chez des Libraires, pour trouver les exemplaires du procèsverbal qui avoit été imprimé, & répandu dans le public. Pour couronner l'œuvre, l'Archevêque fit déclarer aux Religieufes par la M. Eugénie & par M. Chamillard, qu'il leur interdifoit les Sacremens: & depuis ce tems-là elles n'ont point communié jusqu'à l'époque de leur rétablissement en 1669. On voit par toutes les lettres & billets que ces filles écrivoient -fécretement aux amis de la maifon › que de toutes les épreuves qu'elles eurentà fouffrir dans toute la fuite de cette étrange perfécution, aucune ne leur a été plus fenfible que celle-là. Mais on voit auffi que Dieu vint à leur fecours, & que fuppléant par l'onction intérieu-re de fa grace à celle du Sacrement, il les tem pliffoit de confolation, à la vue du bonheur qu'elles avoient de fouffrir pour la vérité, & -faifoit croître en elles en même-tems la forçe & le courage pour fe foutenir contre les enne mis vifibles & invifibles de leurs ames, » Nous » nous estimons néanmoins heureuses, dit une Jd'entre elles, écrivant à la Mere Prieure des Champs,puifque fi on nous ôte le pain des Anges, Dieu nous donne celui dont J. C. meme Tome I. Bb

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XLI.

s'eft nourri, puisqu'il s'est engraiffé des vo»luptés de la patience, & qu'il a dit: Meus cibus eft ut faciam voluntatem Patris mei ; Ma nourriture eft de faire la volonté de mon Pere, On a vu dans cette conjoncture de l'interdiComment ction perpétuelle des Sacremens combien ces lesReligieufes Vierges chrétiennes étoient attachées à l'ordre ont porté la de la difcipline eccléfiaftique, & refpectueufes Sacremens pour les régles communes, dont elles ne fe depuis 1664. font jamais écartées en aucune rencontre. Elles

privation des

jufqu'en

1669.

auroient pu, fi elles l'avoient voulu, avoir chez elles une provifion d'Hofties, confacrées pour fe communier elles-mêmes. Il n'étoit pas plus impoffible de leur en paffer par des voies fecretes que de leur faire tenir des billets & des écrits. On ne peut pas même dire qu'elles enflent été blâmables en fe communiant elles-mêmes, vu le cas de néceffité où elles fe trouvoient. Mais parmi tout ce qu'on lit dans leurs Rélations & dans leurs Lettres, on ne voit point d'indice qu'elles l'aient fait. Elles aimérent mieux apparemment fe foumettre aux ordres de la Providence qui s'expliquoit par les événemens, & refpecter fur cet article la difcipline présente de l'Eglife, que de donner lieu au scandale, que le public ou une partie du public auroit pris d'une conduite contraire, fi elle étoit venu à fe découvrir par quelque hazard, ou par la délation de quelque four à qui le fcrupule auroit pris. C'eft cette même raison d'obvier au scandale, qui les avoit portées auparavant à s'abftenir de la Communion, foit lorfque M, Chamillard leur refufoit l'abfolution, foit quand la Mere Eugénie de fa propre autorité les rayoit du tableau des Communjantes, ou même lorfqu'elles avoient pris le parti de n'aller plus à confeffe à caufe des propos révoltans

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du Confeffeur. Ceci montre combien ces filles fe conduifoient en tout par raifon & par difcrétion; & c'est auffi ce qui fait l'éloge des grands hommes dont on fçait qu'elles prenoient confeil en tout & qui fans doute inAuoient dans cette œconomie pleine de fageffe & d'égards. M. Hamon, cet homme qu'on peut appeller en ufant des termes de faint Auguftin, Scienter pius & piè fciens, un homme plein d'un pieux fçavoir, & d'une pieté savante, compofa dans cet efprit pour les Religieufes de P. R. fes petits Traités fur l'excommunication, la privation des Sacremens, l'interdiction de l'Eglife & des Offices, la privation de la sépulture eccléfiaftique. Elles y trouvoient & lumiére & confolation. Mais auffi lorfque quelquefois elles pouvoient par quelque pieufe adreffe fe procurer la participation aux Saints mystéres fans s'écarter des règles & fans courir le rifque d'aucun fcandale, elles ne négligeoient point l'occafion. Voici un de ces petits artifices innocens. Dans le tems que les Sœurs Converses ayoient l'u fage libre des Sacremens, les Religieufes de Choeur interdites prioient ces Converses de leur ceder un jour de Communion: La Sœur de Chœur fe traveftifloit en Converse, & alloit à la fainte Table fans être reconnue. Cet expédient cependant ne fervit pas beaucoup. Les yeux vigilans des ennemis de la maison ne manquoient pas de s'en appercevoir de tems en tems, & l'empêchoient autant qu'ils le pouvoient.

XLII

LesReligieu

fes ne manquent à rien

En même tems que les Religieufes de P. R. régloient ainfi toute leur conduite par des vues de fageffe & de modération, elles conservoient toute la fermeté & la réfolution que deman- de ce qui eft doit d'elles le fervice de leur caufe. Ayant ap- néceffaire pris que M. Chamillard faifoit courir le bruit pour leur cau

rie pour leur

défense.

580

HISTOIRE

,

fe. Elles a- dans le public, que trente d'entre elles avoient voient obte-défavoué le procès verbal, & en avoient denu des Lettres mandé pardon à M. l'Archevêque, elles n'héde Chancelle-fitérent pas à démentir cette faufleté déshonorante pour la cause de la vérité & scandaleufe pour l'Eglife. Elles firent un nouvel acte pour confirmer le procès verbal, & l'acte fut figné de 45. Elles y renouvellent les Appels qu'elles ont faits de tems à autre à chaque nouvelle vexation qu'on a exercée, & notamment au fujet de la derniére lorfqu'on leur a ôté les clefs du coffre-fort où font les titres de la maison pour les mettre entre les mains de Religieuses étrangéres. Elles déclarent qu'elles fe pourvoiront par toutes les voies qu'elles pourront contre le Seigneur Archevêqué auteur de cette entreprife ; qu'elles entendent requerir de la Cour de Parlement, que deux Confeillers faffent defcente dans le 'Monaftére pour informer; qu'il leur foit donné un parloir & un Confeil pour en ufer librement dans la pourfuite de leurs affaires enfin elles nomment un Procureur N. chargé de procuration pour plaider, opposer, appeller & faire tout ce qu'il appartiendra.

La Soeur Elizabeth-Agnès le Féron ayant de mandé à voir M. fon pere, elle lui jetta un double de l'acté par la grille, fans que laSœur-écoute s'en apperçut, parce qu'alors elle avoit le dos tourné & fermoit la porte du parloir. Ce bon M. le Féron fe prêtoit volontiers au fervice des Religieufes, quoiqu'il eût fouhaité qu'elles puffent figner, fi la confcience le leur permettoit. C'étoit pour rendre l'acte public qu'on en faifoit paffer un double au dehors.

Dès le 10. Septembre les Religieufes avoient obtenu des Lettres de Chancellerie › par lefquelles il leur étoit permis de faire assigner M,

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