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XLVII.

feil fur la maniére de procéder dans leurs triftes affaires. La Sœur Euffoquie pria Madame Hebert fa grand-mere de fe charger de préfenter cette Requête. La Soeur-écoute s'y oppofa! ainfi la piéce fut mise entre les mains de la Mere Eugénie qui l'envoya à M. l'Archevêque. Le Prélat dit qu'il en feroit lui-même le porteur.

Dieu fit naître dans le mois de Novembre Guérifon deux fujets de confolation pour la Commud'une sœur au nauté affligée, dans deux événemens fort inté tombeau de reffans pour elle. Le premier eft une guérifon la Mere An- miraculeufe qui arriva le jour de S. Martin. gélique.

Une des Religieufes, nommée Françoife-Julie, avoit depuis quatre jours une maladie que les Médecins déclarérent très-confidérable, & même dangereuse pour la vie. C'étoit une fiévre double-tierce-continue avec un friffon de fix heures chaque jour, un grand mal de tête, & un point au côté. Elle avoit été faignée cinq fois, & les Médecins avoient ordonné pour le lendemain une fixiéme faignée. La Mere Eugénie n'eut pas plûtôt fçu la maladie, qu'elle accourut auprès de la malade, pour faire, pour ainfi dire, le fiége de la place. Elle fatigua la pauvre Soeur par fes exhortations à rentrer en elle-même, par fes remontrances fur fon opiniâtreté, par des menaces de refus de Sacremens & de Sépulture, &c. Après une longue attaque faite fans fuccès, elle fait appeller la Sœur Flavie pour la remplacer ; & celle-ci ne défempare point, & a grand foin de même de le faire remplacer par fes femblables, lorf→ qu'elle eft obligée de s'abfenter. On conçoit aifément quelle trifte fituation c'étoit pour de pauvres malades. Une des Religieufes de la Communauté,touchée de voir la Sœur ainfi ob

fédée par les figneufes, & expofée à éprouver quelqu'affoibliffement dans l'amour de la vé rité, eut la penfée de faire une neuvaine pour la malade à la Mere Angélique de pieuse mémoire. Elle le propofa à la malade qui y en tra de tout fon cœur. Celle-ci même fe trou va à l'instant comme pleinement afsurée du fuccès, & parla fur ce ton à la Sœur Flavie, Infirmiére, qui l'obfédoit. La neuvaine ayant été commencée fur le champ, le redoublement ne vint point du tout l'après-midi. La Sour Flavie cependant tâtoit le pouls à la malade de tems en tems, & vouloit lui faire croire qu'elle avoit la fiévre bien fort. En conféquence elle ne laif foit approcher perfonne. La malade qui n'avoit point dormi depuis qu'elle étoit au lit, dormit toute la nuit, fans s'éveiller qu'une feule fois pour un petit inftant. La Sour Flavie voyant cela, ne voulut point qu'on fit entrer le Méde cin, de crainte qu'il ne trouvât & ne déclarâr quelque chofe d'extraordinaire dans un fi promt changement. Le prétexte étoit 1°. que la mala de fe difant guérie, elle n'avoit pas befoin de Médecin ; 2°. qu'elle avoit trouvé la malade riant dans fon lit, autre preuve qu'elle n'é toit plus malade. Or voici de quoi elle rioit. Une des compagnes de la Sœur Flavie lui racontoit un prétendu miracle qu'elle avoit fait avec fon chapelet. On lui demanda si c'étoit depuis qu'elle avoit figné : elle dit qu'elle en avoit fait un devant & un après, & que fon chapelet avoit touché à quelque chofe qu'elle ne vouloit pas nommer. Sur quoi une perfonne lui demanda fi c'étoit au Formulaire; elle dit qu'oui, mais qu'avant cela il avoit auffi touché à la fainte Epine: ce qui prêta beaucoup à rire à toutes les affiftantes, & même à la mar

XLVIII.

lade. Ce fut dans ce moment que la Sour Flavie entra & fit ce que j'ai dit, de défendre qu'on fît entrer le Médecin. Cependant elle continua de traiter la Sœur en malade, afin de cacher fa guérison: elle défendit de lui donner à manger; ce qu'on fit en cachette nonobstant sa défenfe. Elle l'empêcha de fortir du lit & de la chambre, & d'aller, comme elle le souhaitoit, fur la tombe de la Mere Angélique remercier Dieu elle lui fit prendre médecine le quatriéme jour, & ne lui laissa la liberté de fortir que le cinquième. Cette bonne Sœur avoit reçu dou ble grace, parce que outre la guérifon de fon corps, elle fe trouva fortifiée intérieurement contre les pourfuites féduifantes des filles Sainte Marie, qui avoient déja produit en elle quelque commencement d'affoibliffement.

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L'autre événement confolant fut la rétracta

Rétractation tion que la Sœur Melthide fit de fa fignature, de la Sœur Le 22. Novembre cette Sœur écrivit le matin Melthide. à M. l'Archevêque, pour lui déclarer qu'elle fe

repentoit de fa fignature, & la révoquoit : & le même jour pendant le dîner, eile fe mit à genoux au milieu du réfectoire; & lut un papier dans lequel elle demandoit pardon à Dieu & » à la Communauté de la faute qu'elle avoit > commife en fignant le Formulaire ; proteftant » qu'elle fe rétracte de tout fon cœur, & dé

clarant à la Mere Eugénie préfente, qu'eile » fait cette démarche par le feul mouvement de >> fa confcience, fans induction d'aucune de fes » Sœurs, n'en ayant parlé à perfonne. » La Mere Eugénie fit ce qu'elle put pour interromla lecture que faifoit la Sœur de fon papier, Mais celle-ci élevoit fa voix à mesure que la Mere tâchoit de l'étouffer par fes clameurs. Après le dîner on alla fuivant l'ufage à l'Egli

pre

>

fe, où les graces étant achevées, la même Sœur entonna l'Antienne Te Deum Patrem, qui esț une Antienne d'actions de graces. La Mere Eu génie frappa plufieurs fois des mains pour faire ceffer le chant: mais les Religieufes continuérent jufqu'au bout, pendant que les filles fainte Marie & les Sœurs figneufes s'enfuyoient & fe preffoient de fortir pour ne prendre point de part à cette cérémonie. La Communauté se profterna après l'Antienne devant le S. Sacrement qui étoit exposé pour la maladie de la Reine, pour adorer Dieu en filence pendant quelque tems: enfuite de quoi on alla au Chapitre pour faire une feconde fois la lecture du papier de la Sœur Melthide. En y allant, elles entendoient les lardons que lâchoient les figneules: Voilà, difoit une d'entre elles, comment font les Démons: quand ils ont attrapé quelqu'un, ils font fête enfemble. La Mere Eugénie entra dans le Chapitre, & empêcha qu'on ne pourfuivit ce qu'on vouloit faire. Elle voulut même obliger la Sœur Melthide de lui remet tre en main fon papier; mais elle ne fut pas obéie. Pour éviter le trouble, les Religieufes fortirent du Chapitre : mais peu après elles fe retrouvérent affemblées dans un autre lieu, & elles firent ce qu'elles fouhaitoient. Elles drefférent un procès-verbal de l'événement, & le fignérent. M. l'Archevêque étant informé de la chofe, en fut irrité au point qu'on peut s'imaginer, & interdit abfolument le parloir à toute la Communauté, craignant fans doute les entretiens qu'on auroit fur cet événement.

La Sœur Euftoquie avoit reçu vers ce tems-ci_XLIX. une vifite de Madame Hebert fa grand-mere, Entretien de & avoit eu avec elle un entretien qui mérite l'Archevêque avec la grand d'être rapporté. Cette Dame lui dit qu'elle avoit mere de la

Beur Eufto- été au Louvre toute la matinée; que la Reine
quie chez la Mere lui avoit dit que M. l'Archevêque l'alloit
Reine.
mettre à P. R. des Champs; que la Sœur Bri
quet y feroit mife auffi; que l'on y rameneroit
la Sœur Angélique de S. Jean ; & qu'elle croyoit
auffi que les Sœurs Le Féron & Françoise-Claire
feroient de la bande; que le bruit commun étoit
que ce feroit la maifon des entêtées, & de
celles dont on désespére. Elle fit entendre ce-
pendant qu'on y feroit fort refferré, & qu'on fe
roit défense aux parens d'y venir. Elle ajouta que
cela avoit donné l'allarme à M. fon pere, qui
lui avoit mandé qu'il alloit revenir de la cam-
pagne dans l'intention de parler comme il faut,
& d'apprendre à ceux qui nous traitent de la for
te, que le monde eft las de leur injustice, &
de mener beau bruit, fi on lui refuse de voir
fa fille autant qu'il voudra. La Sœur Euftoquie
lui demanda fi elles partiroient bientôt.La grand-
mere lui répondit tour bas: Oui, & peut-être
dès Lundi. Elle prophétifa jufte pour le départ,
mais non pas pour
le refte: car nous allons voir
la Sœur enlevée & conduite dans un endroit
bien différent,

Elle raconta enfuite à fa petite-fille que M,
de Paris l'ayant rencontrée chez la Reine Me-
re, lui avoit fait de grands reproches, lui difant
qu'elle gâtoit fa fille; qu'elle lui avoit répon-
đu : » Jamais je ne l'ai gâtée, Monfieur, fi ce

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n'eft peut-être que lorfqu'elle étoit petite, en
» lui donnant des confitures je l'aurai bar-
»bouillée» que cette plaifanterie n'empêcha
pas l'Archevêque de continuer, & de lui repro-
cher
que la mere de la Seur N. étoit bien au-
& lui difoit fort bien fes vérités; qu'elle
avoit répondu à cela, qu'elle ne pouvoit tour
menter une fille qui n'agiffoit que par conf

tre,

cience,

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