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toujours à part une portion de cette aumône, pour en afsister de pauvres familles, & fur tout de pauvres Communautés Religieufes. M. du Foffé rapporte dans fes Mémoires, que quand l'aînée de fes Soeurs Religieufes à P. R. fut reçue pour faire ses vœux, la M. Angélique envoya avertir la famille qu'on pouvoit prendre jour pour la Cérémonie. M. du Foffé le pere voulut parler de dot ou de penfion; mais la Mere rejetta bien loin cette propofition. Auffi après la Profeffion, M. du Foffé apporta mille écus à la maifon, s'engagea par un contrat pour une penfion de 100. écus, & Madame du Foffé, la mere de la nouvelle Profeffe, envoya pour 1000. liv. de toile. C'est ainfi que le défintéreffement édifiant des filles de P. R. étoit recompenfé quelquefois par la générofité également édifiante des parens chrétiens.

La Mere Angélique non feulement ne fçavoit ce que c'étoit qu'exiger des dots, mais elle n'étoit jamais plus contente, que quand il fe préfentoit une fille qui n'avoit rien à donner, pour raifon d'entiére pauvreté. Je ne puis mieux faire que de copier par extrait une rélation écrite par une Religieufe qui étoit dans ce cas. >>Quoique je fuffe, dit la Sr Marguerite-Angé

lique, pauvre des biens de ce monde, pauvre d'efprit, & encore plus pauvre de vertu, > il femble que tout cela redoubloit la joie de » la Mere, en me recevant purement pour l'a>mour de Dieu. Elle s'appliqua donc à moi → avec une charité toute extraordinaire. Elle » prit la peine de venir prefque tous les jours >> au Noviciat durant quelques mois, pour me. » faire lire en latin. La Maîtrefle des Novices » la fupplia de fe foulager de ce travail, lui » promettant qu'elle me feroit lire elle-même.

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» La Mere lui répondit que cela ne lui faifoir » point de peine, & elle ajouta : C'est ma pau»vre enfant ; je la veux entreprendre; vous poù» vez le faire auffi : & affurez-vous, ma fille, » que nous ne perdrons point notre tems,quoiqu'elle apprenne peu. La charité ne perd jamais ni fa peine ni fon tems. J'étois très» difficile pour la nourriture: notre Mere m'en» couragea à la mortification par fon exemple, » me faisant mettre à table auprès d'elle, & » mangeant mes reftes. Elle voulut me recevoir » comme pauvre, & ayant appris que ma mere » m'avoit envoyé un coffre, dans lequel il y » avoit du linge affez beau, elle le renvoya » tout pour ma fœur au pays. Elle renvoya un petit collier de perles, & une petite bourse ou » il y avoit deux pistoles, afin de la donner à > mon frere... Elle ne voulut point permettre à »mon pere & à ma mere de continuer à lui en→ voyer de fois à autre de petits préfens par re» connoiffance de fa grande charité... Elle leur

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manda qu'elle ne doutoit point de leur bonné » volonté, mais qu'ils fe fouvinffent que Dieu »ne nous a faits pauvres que pour nous rendre » humbles; qu'il y a de la gloire à donner, & 5ɔ que les vraiment pauvres ne peuvent faire de préfens. Elle affifta mon frere plufieurs fois, lorfqu'il alloit faire la campagne, jusqu'à lui » envoyer un paquet de fort beau linge qu'on > lui avoit donné,.. difant que cela lui pourroit » fervir en quelque rencontre; que s'il arrivoit qu'il demeurât malade en quelque lieu, cela feroit juger, en lui voyant de beau linge, » qu'il eft de condition, & que cela porteroit » à le folliciter avec plus de foin.... Quand je >> reçus l'habit, mon pere envoya fix pistoles » pour les frais des habits; elle les renvoya, &

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» ne voulut pas même qu'il me donnât un Bré» viaire. »

La Mere a reçu avec une grande satisfaction une jeune Profeffe de Beauvais, qui avoit fait profeffion au moyen d'une dot ftipulée entre lo Couvent & le pere, & qui ne pouvant plus la payer, parce que fon pere étoit mort dans l'intervalle, & que les affaires de la maison étoient toutes dérangées, avoit été amenée à Paris par l'Abbeffe, & laiffée chez fon tuteur comme à l'abandon. Cette fille fut 18. mois dans cet état, ne fçachant que devenir. Elle entendit parler de la grande charité de l'Abbeffe de P. R. Elle fe préfenta, & elle fut reçue auffitôt. Quelque tems après, la fœur de cette même fille fe hazarda auffi de demander place dans la maison, & quoiqu'elle n'eût pas même de quoi se donner un habit, elle fut également reçue, même pour Sœur de Choeur, parce que Dieu ne lui avoit pas mis dans l'efprit de demander à être Converse feulement.

Suite.

Plus nous avancerons, plus la charité dé- XXIV. fintéreffée de la Mere fe montrera admirable. Une jeune veuve de 18. ans, s'étant présentée à elle pour lui témoigner le défir qu'elle avoit de fe faire Religieufe, la Mere lui fit espérer qu'elle la recevroit. Elle fe retira fort contente. Elle gardoit fon petit bien en argent comptant, pour lui fervir quand elle entreroit au Couvent. Un jour étant au fermon dans une Eglife, elle fut volée dans fa maison, & perdit tout fon petit tréfor. Comme elle avoit beaucoup de vertu, elle prit cet événement comme une marque que Dieu ne la vouloit point Religieufe, puifqu'il lui avoit ôté les moyens de l'être. Cinq ans fe pafférent, pendant lequel tems, ni la Mere ne penfoit plus à elle, ni elle ne pensoit plus

au Couvent. Madame Arnaud Catherine de Ste Félicité, mere de la Mere Angélique, s'avifa un jour de lui demander ce qu'étoit devenue cette jeune veuve, dont elle lui avoit autrefois parlé. Il n'en fallut pas davantage pour réveiller la tendre charité de la Mere Angélique. Elle fait faire des enquêtes, elle a des nouvelles de fa veuve, & la fait avertir de venir à P. R. La veuve bien joyeuse se met en chemin, mais penfant au milieu de la route à fa pauvreté, elle fut tentée de s'en retourner, n'ofant pas se préfenter, n'ayant rien à donner. Une Dame qui l'accompagnoit, la raffura. Elle vint donc, & conta à la Mere l'infortune de fon vol. La Mere l'embraffant, lui dit: » Entrez, ma fœur, → la maison n'a pas besoin de vos biens, mais » de bonnes Religieufes. Si vous êtes telle; » c'est le plus grand avantage que vous puiffiez

nous faire. Elle a répondu aux vœux de la Mere: elle a été une excellente Religieufe sous

le nom de Sœur Suzanne de S. Paul: elle a exercé 16. ans l'office de Célériére dans des tems très-difficiles. Elle a toujours fatisfait les créanciers auffitôt qu'elle avoit de quoi, fans fe rien réferver. Son recours étoit l'oraifon & la confiance en la Providence.

Je ne puis me difpenfer de rapporter encore ce dernier trait de la dévotion de la Mere, à recevoir des filles fans dot. Une fille de Province, qui étoit à Paris pour un procès, entendit par hazard un fermon de M. Singlin à P. R. dont elle fut touchée. Elle étoit connue de la Marquife d'Aumont, qui étoit à P. R. Elle fouhaita de voir par fon moyen la Mere Angélique. La converfation touchante de la Mere, lui fit naître un grand défir de fe retirer à P. R. Si elle avoit voulu, la Mere l'auroit fait entrer fur le

que tout

champ. Mais elle demanda du tems, foit parce qu'elle n'avoit pas affez de réfolution pour prendre ainfi fon parti en un moment, foit parce qu'elle avoit à partager un petit bien au pays avec un frere. Elle s'en retourna pour exécuter ce partage. Mais le frere qui étoit dans le fervice, ne revenant point, rien ne se faifoit. La Mere cependant lui écrivoit, & l'exhortoit fortement à tout laisser là, & à venir se rendre à fa vocation. Elle vint en effet, & vit d'abord Madame d'Aumont, à qui elle déclara ce qu'elle pouvoit attendre après le partage, n'iroit pas plus loin que 3000. liv. & une penfion viagére de 100. liv. que lui faifoit une tante. La Dame lui dit de fe bien garder de dire cela à la Mere, que cela lui déplairoit très-fort; qu'elle ne demandoit qu'une bonne vocation; que fa joie étoit de recevoir des filles pauvres, parce qu'elle dit qu'elles ont toutes bien réuffi. Il faudra excepter ce cas-ci: car celle dont il s'agit, eft la fœur Dorotée Perdreau, cette fille fi célébre par fes intrigues, & qui a été à la tête des fchifmatiques dans les troubles du Formulaire, & eft enfin parvenue à être la premiére Abbeffe intrufe de P. R.) Elle entra donc, & prit l'habit; fon noviciat fini, elle fut reçue à profeffion. Mais elle voulut attendre que fes affaires Suffent finies dans fon pays. Autre incident. Ce frere avec qui elie devoit partager, revint de l'armée, & trouvant à fe marier affez avantageufement, il écrit à fa fœur que cette bonne fortune lui manquera, fi elle ne confent à lui céder tout le bien. La Mere reçut la lettre, & fans la montrer à la fœur, fit réponse au frere fuivant fon défir, en lui renvoyant le contrat tout déchiré, par lequel la four faifoit don au Couvent de fa part à revenir. Ensuite elle décla

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