Images de page
PDF
ePub

qu'elle n'avoit que faire qu'elle fut dans fa maifon; qu'elle fçauroit bien l'en chaffer quand il lui plairoit.

Au bout d'un an on retira l'aînée de S. Cir, & on la mena à Maubuiffon où elle fit profeffion en 1600. comme je l'ai dit. Elle avoit été confirmée à Amiens dans un voyage qu'y fit Madame d'Etrées Abbeffe de Maubuiffon, qui y avoit mené avec elle la jeune Arnaud. Elle demeura 2. ans à Maubuisson, & fut bénite Abbeffe à P. R. en 1602. ( comme je l'ai auffi rapporté,) auffitôt après la mort de la Dame de Boulehart, derniére Abbeffe dont elle étoit Coadjutrice. Le même jour elle fit fa premiére Communion,fans avoir reçu aucune instruction convenable. Il arriva feulement par hazard qu'un pauvre Savetier, voifin du Couvent, lui donna un petit livre de prières qu'elle fe mit à lire tout le tems qui précéda la Communion. Elle le fit avec tant d'attention qu'elle ne remarqua pas même la plus grande partie de ce qui fe paffoit dans l'églife, qui étoit pleine de monde & de mouvement. Elle a dit elle-même qu'elle fentit dans cette premiére Communion une impreffion très-vive de la présence de Dieu, nonobftant qu'elle cut alors fi peu d'instruction.

Avant que la jeune Abbeffe fut bénite, elle avoit déja reçu à Profeffion une Novice, la fœur Catherine de S. Paul Goulas. Tout le mon de qui affifta à la cérémonie, admira la gravité avec laquelle cette petite Abbeffe de onze ans conduifoit une Novice de 17, qui étoit fort grande de corps. Henri IV. vint un jour à P. R.

l'occafion d'une chaffe qu'il faifoit dans ces quartiers, parce qu'il avoit fçu que M. Arnaud, qu'il eftimoit fort, étoit alors dans la maison. S. M. fut très-contente de la réception que lui

fit la petite Abbeffe de onze ans avec toute fa Communauté, la Croix à la tête. Et le lendemain le Roi paffant encore par les hauteurs de P. R. & ayant apperçu des Religieufes aux fenêtres qui donnent fur le Jardin, il cria: » Le » Roi baise les mains à Madame l'Abbeffe. »

III. Comment

Deux ou trois ans fe pafférent pendant lef quels la jeune Abbeffe ne fongeoit qu'à fe divertir comme un enfant de fon âge. C'étoit la Angélique Mere Prieure Du Pont qui gouvernoit la mai- paffe fa jeufon. Cependant Madame Arnaud avoit tou- nelle à. P. R. jours quelqu'inquiétude fur fa fille. Elle craignoit qu'à la fin il n'arrivât quelque dérangement, fuite ordinaire de la trop grande liberté qu'on donne à une jeune perfonne. Sa crainte n'étoit pas fans fondement, vû l'état de cette petite Communauté, qui étoit très-expofée, même pour les mœurs, n'y ayant aucune clôture, & plufieurs Séculiers ne bougeant de la maifon. Madame Arnaud dans le fejour qu'elle y fit, y connut un défordre très-criminel dans la plus ancienne des douze Religieufes dont la maifon étoit compofée. M. & Madame Arnaud obtinrent de l'Abbé de Citeaux que la coupable fut transférée dans une autre mailon. D'ailleurs Madame Arnaud n'ignoroit pas que lesReligieux Bernardins qui fervoient la maifon, n'entretenoient les Religieufes, furtout les jeunes, que de fottifes, & ne leur parloient que des amufemens de Clairvaux & de Câteaux, qu'ils appelloient les bonnes coutumes de l'Ordre. Aufli fa follicitude maternelle & chrétienne faifoit qu'el le venoit fouvent de Paris fans être attendue. Elle a eu la fatisfaction de ne furprendre jamais fa fille en rien qui put lui déplaire. En effet les fentimens d'honneur héréditaires dans fa famille, joints à une certaine crainte de la mort &

IV.

Bonnes qua

des jugemens de Dieu, ont toujours rendu la jeune Abbeffe inacceffible à toute tentation du côté des mœurs. Elle fe rend à elle-même ce témoignage. CependantMadame Arnaud fa mere pour fe mettre plus en repos de ce côté-là, fit venir auprès de fa fille une Religieufe de S. Cir, pour qui elle obtint permiffion des Superieurs pour demeurer à P. R. Le fecours que trouva la jeune Abbeffe dans cette Surveillante, ne s'étendit pas plus loin, que d'écarter d'elle ce qui auroit pû intéreffer groffiérement l'honneur & la modeftie. Car du refte la Mere Angélique lui rend cette juftice qu'elle étoit très-ignorante, & plus qu'on ne peut dire, dans les chofes de Dieu.

La petite Abbeffe quoiqu'affez fage pour fon âge, n'étoit pas fort dévote. Outre la vie d'amufement qu'elle menoit tant dans la maison que dans les dehors où elle alloit fouvent fe promener, elle aimoit un peu les lectures de Romans. Elle n'étoit pas fcrupuleufe pour la récitation du Breviaire. Et comme fa fœur Agnès qui venoit quelquefois de S. Cir avec Anne-Eugenic leur autre fœur,& qui paffoient quelques jours à P. R. pour fe divertir ensemble, lui eut un jour reproché fa négligence en ce point, la jeune Abbefle lui répondit fort réfolument, qu'elle fçavoit bien qu'elle n'étoit pas véritablement Religieufe, & qu'ainfi elle ne fe croyoit point obligée à dire fon office.

On ne laiffoit pas de remarquer en elle de fort bonnes inclinations par quelques traits qui lités d'Angé- échappoient. En voici un : les Sacriftines de la lique com- maifon étoient dans l'ufage de fortir dans l'églibien elle eft fe après la Meffe,pour plier le linge de l'Autel. Il arriva une fois que ces filles rencontrérent unReligieux de la maison, & liérent conversation avec lui dans le dehors. La jeune Angelique en fut

aimée dans fa maiton.

avertie. Elle fut elle-même fermer la porte à la clef, afin qu'elles ne puffent pas rentrer fans qu'elle le fçut ; & ayant été leur ouvrir,lorfqu'elles revinrent, elle leur fit fur l'heure une réprimende d'un ton d'Abbesse. Ce qui faifoit voir qu'elle avoit déja dans le cœur l'eftime & l'amour de l'ordre. Elle le montra encore par un autre trait. Une Religieufe avoit donné quelque chofe à une amie fans permiffion de fes Supérieurs. Son Confeffeur la retint & ne voulut pas lui donner l'abfolution, jufqu'à ce qu'elle eut déclaré à fon Abbeffe ce qu'elle avoit fait. Comme elle ne voulut pas obéir, elle ne fit point fes Pâques. Enfin preffée par les remords de fa confcience, elle alla s'accufer à la petite Abbeffe, qui lui fit une remontrance très-ferieuse ; ne pouvant comprendre, toute jeune qu'elle étoit, comment on pouvoit rifquer fon falut éternel pour des bagatelles, aufquelles on attachoit fon cœur. C'eft d'elle-même qu'on a fçu qu'elle penfoit ainfi dèslors. On a encore remarqué que quoiqu'elle n'eut pas un grand amour pour fon état, & que tout, jufqu'à l'habit, lui en déplût, jamais cependant elle n'a eu aucune recherche de vanité dans fon habillement qu'elle n'avoit que du mépris pour cette fotte curiofité des Religieufes pour l'ajuftement.

[ocr errors]

&

,

A ces bonnes qualités fe joignoit une bonté de cœur qui fe manifeftoit en toute occafion & qui la rendoit très-aimable à toute la Communauté. Elle avoit entre autres beaucoup d'amitié & de confidération pour la Mere Prieure. Car quoique celle-ci lui témoignât toujours de grands égards, qui alloient même jufqu'à la foumiffion, & qu'elle lui fit rendre les mêmes refpects par toutes les Religeufes; la petite Dame ne s'en prévaloit pas : elle n'auroit pas man

A S

V.

tombe dans la

qué un feul jour d'aller fouhaiter le bon foir à Dame Prieure, comme elle l'appelloit : elle s'en fouvenoit au milieu de fes petits jeux, & les interrompoit pour s'acquitter de ce devoir.

Une autre raifon portoit les Religieufes à aimer leur jeune Abbeffe : c'étoit le grand foin que M. & Madame Arnaud prenoient de la maifon, foit pour l'entretien des bâtimens qui étoient en fort mauvais état, furtout depuis les ravages de la Ligue, foit pour la nourriture des filles, qui fous le regne de la vieille Abbeffe avoient été fort maltraitées. Le mal venoit de la déprédation des domeftiques qui faifoient bonne chere, & qui laiffoient mourir de faim les Religieufes. La Mere Angelique rapporte que quatre jours de la femaine la portion étoit de deux œufs en tout, avec un peu de beurre, & qu'on ne donnoit à chaque Religieufe que deux hôtées de fruit pour toute fon année, quoiqu'il y en cut beaucoup dans les jardins; parce que le refte fe vendoit au profit de qui il appartenoit. Dans la maladie elles n'étoient pas mieux que dans la fanté. Comme donc le Réfectoire étoit fur un autre pied depuis l'entrée de la Demoiselle Arnaud, ce changement lui avoit concilié tous les cœurs : en forte qu'à la clôture près, tout étoit en ordre & en paix dans la maifon ; l'Office divin fe faifoit avec une grande exactitude; & dès 1605. le Général ayant fait une wifite, fat fi content du Monaftére, que dans la carte de vifite qu'il en dreffa, il rendit témoignage de la régularité qu'il avoit trouvée.

La jeune Abbeffe tomba malade en 1607. Angélique d'une févre continue. M. fon pere vint la chermélancolie & cher, & l'emmena chez lui pour la faire traiter fe déplaît dans dans fa maladie. Comme elle étoit, ainfi que fon état. je viens de le dire, fort aimée de fa Commu

« PrécédentContinuer »