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qui fut depuis la Sour Anne-Eugénie de l'Incarnation, avoit été élevée à S. Cir avec fa foeur Agnès. Elle avoit déja quelque goût pour la piété, & elle fit fa premiére Communion avec affez de dévotion, quoique peu inftruite. A l'âge de 14. ans en 1605. M. Arnaud la retira pour l'avoir auprès de lui. Alors elle prit goût pour les vanités & les divertissemens du monde, oubliant entiérement fa dévotion. Une apoplexie qui lui furyint, ne la convertit point, La compagnie de quelques Dames, & même de quelques parentes qui étoient de la Religion Prétendue-Réformée, & d'ailleurs plus édifiantes dans leur conduite que la plupart des Catholiques, jetta des doutes dans fon efprit. Elle héfitoit entre les deux Religions, ne fachant quelle étoit la meilleure ; & elle s'occupoit déja dans fon efprit des voies qu'elle prendroit, fi elle fe déterminoit à changer. En 1613. elle eut la petite vérole. Pendant fa maladie elle fut frappée de la crainte de mourir, & promit à Dieu de le fervir dans la meilleure des deux Religions.

Lorfqu'elle fut en fanté, elle fe mit à communier plus fouvent, fans favoir bien ni ce qu'el le faifoit, ni quelles difpofitions il falloit y apporter. Cependant l'amour du monde, la vie de diffipation, la lecture des Romans alloient toujours leur train. Comme elle avoit beaucoup d'amitié pour fa Soeur Angélique, elle lui ouvroit aflez volontiers fon cœur : & la Mere profitant de cette confiance, lui donnoit des avis falutaires, & tâchoit fur tout de lui faire quitter fes lectures prophanes, mais fans beaucoup. de fuccès. En 1614. Anne fit un voyage à P. R. pour la cérémonie de la prife d'habit de fa petie Sour Marie-Claire. La Mere Angélique lui

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parla fortement, & la détermina à faire une Confeffion générale au P. Euftache Feuillant. Elle y penfa très-férieufement lorfqu'elle fut de retour à Paris. Dans l'intervalle il se présenta un parti pour elle & M. Arnaud fon pere avança l'affaire le plus qu'il put. Elle ne laiffa pas de faire fa confeffion générale, qu'elle regardoit comme une préparation à l'engagement du mariage qu'elle alloit contracter. "Elle la fit avec de grands fentimens de piété. Comme les Occupations de M. fon pere apportérent quelque retardement à la conclufion, la Demoiselle profita de ce tems de délai pour s'affermir dans J'amour du bien. Elle fe rendit affidue à entendre les prédications du P. Suffren Jéfuite pendant le Carême. On renoua les négociations après Pâques; mais la répugnance qu'elle témoigna à M. d'Andilli fon frere pour s'enga ger fitôt, lui obtint un délai de M. fon pere.

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Cette année 1615. fut très-trifte par la guerre des Princes. Le Prince de Condé mécontent de n'avoir pas le principal crédit dans la Régence pendant la minorité de Louis XIII. s'étoit mis à la tête des Huguenots. L'effroi & le trouble que jetta par tout cette fâcheufe conjoncture donna occafion à la Demoiselle de faire des réflexions fur la vanité des chofes du monde, & fur la fituation miférable des peres & des meres de famille qui étoient chargés du foin d'une maifon dans ces fàcheufes rencontres. Ces pensées -la dégoûtérent entiérement du mariage, & lui firens naître quelque foible défir de la vie Religieufe. Cette volonté crût en peu de tems par des entretiens qu'elle eut avec de bonnes Religieufes de Paris, par la lecture des Lettres de S. Jerôme à Démétriade & à Euftochie fur la virginité, & par la direction du P. Eustache,

à qui elle avoit fait fa confeflion générale. Son deflein demeura fecret dans sa famille ; & afin que fes parens n'euffent aucune défiance à ce fujet, elle prenoit plus de peine que jamais à s'ajufter felon la mode. A la fin M. Arnaud en fçut quelque chofe, & chargea sa fille aînée, Madame LeMaître, de déclarer à fa fœur Anne qu'il ne confentiroit jamais qu'elle fe fît Religieufe; mais qu'il la laiffoit libre d'ailleurs, & ne prétendoit pas la forcer pour le mariage. La Demoiselle alla confulter le P. Archange aux Capucins: il lui confeilla de demeurer une année fans prendre de parti, afin de contenter M. fon pere. Elle le fit, continuant toujours dans la même curiofité de s'ajuster, mais fréquentant en même-tems les Eglifes, & les compagnies des Dames de piété.

Lorfqu'il fut queftion de faire choix d'un Couvent, malgré l'eftime qu'elle faifoit de P. R. & l'amitié qu'elle avoit pour fes fœurs, elle prit prefque la réfolution de n'y point aller, dans la crainte que le motif ne fût trop humain, & qu'il n'y eût que cette affection naturelle qui la conduisît. Le P. Archange lui parla des Capucines. Elle s'y préfenta. Mais une bonne Mere lui dit qu'elle ne devoit point entrer chez elles, à moins que Dieu ne lui en don nât autant de défir, qu'elle en avoit d'être avec fes fœurs. Le P. Archange, le P. Eustache & M. Arnaud formérent la conclufion, & déci dérent pour P. R. La guerre des Princes continuoit en 1616. Les chemins n'étoient pas sûrs. C'eft ce qui fut caufe qu'elle ne pût pas entrer à P. R. le jour qu'elle auroit fouhaité, qui étoit celui de la profeffion de fa cadette, la Sœur Ma rie-Claire. Enfin au commencement d'Octobre on reconnut que le voyage pouvoit fe faire

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XXX.

recteurs

P. R.

fans rifque. M. Arnaud mena fa fille à P. R. où elle fut reçue par fes Sœurs avec une grande fatisfaction. Le foir du premier jour elle dreffa fa toilette dans fa chambre, telle qu'elle l'avoit dans le monde. La Mere Angélique, fans lui en rien dire, la fit ôter le lendemain. La Poftulante voulut y suppléer en étendant un mouchoir blanc fur la table. Mais la Mere lui fit un petit fermon fur le myftére de la pauvreté de J. C. qui la détacha entiérement de tout ce refte des façons du fiécle. Elle paffa fa poftulance & fon noviciat dans une grande ferveur, & fur tout dans un grand amour pour les offices les plus humilians. Elle fit profeffion en 1618. entre les mains de l'Abbé de Cîteaux qui ne s'oppofa point au nouvel ufage que la Mere Angélique avoit établi, de ne plus faire la cérémonie de la Profeffion au-dehors, comme on l'avoit pratiqué jusque-là.

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La réforme marchoit donc à P. R. allant touAutres Di- jours en croiffant, & profpérant entre les mains de la fainte Réformatrice. Elle ne perdoit pas vue fon œuvre : elle embraffoit, elle faififfoit de tout fon cœur ce qui lui paroiffoit appartenir à l'efprit de fon inftitut. Elle confultoit tout ce qu'elle pouvoit connoître de bons Religieux & de perfonnes renommées par leur piété & leur doctrine, pour apprendre d'eux ce qui lui restoit à faire. Jufqu'en 1612. c'étoit le Pere Archange de Pembrok, qu'elle avoit eu pour Directeur. L'Abbé de la Charmoie Religieux de Citeaux vint à P. R. où le Pere Archange ayant connu fon mérite, confeilla à la Mere de prendre confiance en lui. En 1614. ce fut au P. Suffren, Jéfuite qu'elle s'adreffa pour fa confçience. Il venoit fouvent à P. R. faire des retraites, entendre des confeffions extraordinai

res : & c'étoit avec tant de fruit que la maifon paroiffoit toute renouvellée depuis qu'il y avoir cu entrée. C'eft l'Abbé de la Charmoie qui en 1612. fuggéra à la Mere Angélique de tâcher d'établir l'entiére abftinence de viande qui manquoit encore. Elle n'avoit d'abord été établie que pour trois fois la femaine. La Mere s'y prit doucement, parce qu'elle trouva quelque répugnance dans les Religieufes. Elle commença par en faire l'effai fur elle-même. Pendant un mois elle vécut d'un morceau d'omelette à tous fes repas: elle ufoit de petites fineffes pour cacher la chofe à fa Prieure. Après cet effai & cet exemple donné dans fa perfonne, elle trouva les efprits dociles, & route fa Communauté fe rendit à l'abstinence. On a remarqué que Dieu donnoit toujours fa bénédiction à tout ce qu'elle entreprenoit, & que l'attention qu'elle avoit à ménager les tems & les efprits, étoit récompensée par la facilité & la plénitude de cœur avec laquelle fes filles acquiefçoient aux nouveaux établissemens.

Ce fut en 1618. que la M. Angélique reçut XXXI. un ordre de l'Abbé de Cîteaux, d'aller à l'Ab- La Mere Anbaye de Maubuiffon, pour établir la Réforme, gélique enaprès qu'il en eut fait enlever l'Abbeffe Madavoyée à Maubuiffon pour me d'Eftrées. Ce qui arriva de la maniére que réformer la je vais dire. Madame d'Eftrées, d'abord Abbef- maison. Cafe de Bertaucourt, Diocèfe d'Amiens, étoit de-ractére_de l'Abbeffe qui venue Abbeffe de Maubuiffon par la faveur de Henri IV. en confidération de fa fœur MarieGabrielle d'Eftrées, qui avoit grand crédit auprès de ce Monarque, pour la raifon que tout le monde fçait. La conduite qu'elle tint dans Maubuiffon pendant 25. ans qu'elle y réfida', répondit à la maniére dont elle y étoit entrée'; Je fcandale des défordres de cette maison étoit

y étoit.

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