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de Caen. Elle y déposa son titre funèbre à côté de ceux de Saint-Pierre de Troyes, de Saint-Loup, de Montier-laCelle, de Notre-Dame-aux-Nonnains et du Saint-Sépulcre (1).

La réputation de sainteté de Guillaume le fit choisir pour réformer l'abbaye de Saint-Loup. Ces religieux s'étaient sensiblement relâchés et menaient une vie presque séculière. Le comte Thibaut 1°, d'après le conseil d'Hatton, évêque de Troyes, d'Hugues, évêque d'Auxerre, et de saint Bernard, leur proposa d'embrasser une vie plus régulière. C'était prévenir les désirs de la plupart. Thibaut ne crut pas mieux faire que de confier à Guillaume cette importante entreprise. L'abbé de Saint-Martin-ès-Aires porta donc la réforme parmi les chanoines de Saint-Loup, et trouva dans ses nouveaux disciples la plus consolante obéissance (2). Ce fut le 29 novembre 1135 que la règle de Saint-Augustin fut introduite à Saint-Loup. Le nom du religieux de Saint-Martin, choisi par Guillaume pour donner aux religieux de Saint-Loup un exemple vivant de la discipline nouvelle, nous a été conservé. Il s'appelait Angelger (3).

Le premier qui se soumit à ce joug salutaire fut Everard, alors chantre et plus tard abbé, après la mort de Gérard. Pour donner à cette réforme des résultats plus prompts et plus certains, Guillaume avait choisi les plus exemplaires des religieux de Saint-Martin et les avait donnés pour compagnons aux chanoines de Saint-Loup. On cite parmi ces fervents serviteurs de Dieu, Pierre de Castro Witone, dont le décès est marqué au 15 des calendes d'avril (18 mars), dans le Livre des Obits: il y est appelé prêtre et chanoine de Saint-Martin et de Saint-Loup.

Comme il n'y avait point alors d'abbé à Saint-Loup,

(1) Bibl. nation. F. latin n° 12652, fol. 87, 132.
(2) Memoralia Guitheri, Bibl. de Troyes, mss. 2275.
(3) Mss. Morel, Recherches chronol., etc., p. 197.

Guillaume fut chargé d'administrer à la fois les deux abbayes. Cette situation fut régularisée par une bulle du pape Innocent II, datée de l'an de grâce 1136. Elle fut obtenue par l'entremise d'Hugues, abbé de Pontigny, et d'André de Baudement, sénéchal de Thibaut (1).

En vertu des pouvoirs conférés par le pape, Guillaume continua d'administrer l'abbaye de Saint-Loup. Il resta à sa tête depuis le 29 novembre 1135, époque de l'introduction de la réforme, jusqu'au 12 juin 1137, c'est-à-dire l'espace d'un an, six mois et douze jours. Il résigna alors ses fonctions et les confia à Gérard, prieur de Saint-Loup, qu'il établit abbé à sa place. Gérard accepta par obéissance, mais au bout de quatre ans, cinq mois et douze jours, il résigna à son tour et se retira à Saint-Martin-ès-Aires, sous la direction de son ancien maître, 24 octobre 1141. Le nécrologe de Saint-Loup en parle en ces termes : « Le 3 des calendes d'août mourut le seigneur Gérard, de bonne mémoire, chanoine et prêtre de Saint-Martin, qui pendant plusieurs jours fut aussi abbé de cette église, au commencement de la réforme canonique (2).

Malgré la bonne intelligence qui existait entre les deux maisons de Saint-Loup et de Saint-Martin, certains différends s'étaient élevés au sujet de quelques anciennes donations. Les évêques de Troyes et d'Auxerre interposèrent leur autorité et les mirent facilement d'accord (3).

Guillaume gouverna encore plusieurs années la communauté de Saint-Martin-ès-Aires. Il assista, en 1148, à la première ouverture de la châsse de saint Loup, depuis sa translation dans l'enceinte de la ville. L'abbé Everard gouvernait alors la jeune abbaye. Il fit faire à ses frais une châsse nouvelle, et en présence de l'évêque Henri et des abbés de la

(1) Camusat, Prompt., fol. 305.

(2) Gallia Christ., t. XII, col. 586.

(3) Cousinet, Op. cit., vol. III, fol. 43. Voir pièce justificative I.

banlieue, on montra au peuple le corps du bienheureux évêque. On peut s'imaginer la joie commune à ce pieux spectacle. Il devait bientôt être suivi d'une cérémonie plus triste, l'inhumation de ce même Everard, qui mérita les larmes de Guillaume et des autres abbés et religieux (1).

Avant sa mort, arrivée en 1153, Thibaut Ier avait donné à l'abbaye de Saint-Martin la pêche du moulin de SainteMaure. Cette donation fut confirmée en 1161 et 1181. C'était le prieur de Sainte-Maure qui en jouissait jusqu'en 1551, époque où elle passa à l'abbaye de Notre-Dame-auxNonnains pour retourner aux prieurs de Sainte-Maure en 1595 (2).

Bien que les religieux fussent assez nombreux déjà, sous l'abbé Guillaume, les annales de Saint-Martin-ès-Aires ne nous font connaître que deux noms : ce sont Helbert, qui signa comme témoin la donation de cent sous de rente annuelle par le comte Hugues à la léproserie des Deux-Eaux, en 1123, et Odon, plus tard abbé, qui, en 1138, fut témoin dans la charte pour le partage du hameau de FontaineAubron.

Un autre religieux fut envoyé à la communauté de SaintMartin-ès-Aires par saint Bernard lui-même, qui connaissait Guillaume, au moins pour sa réputation de sainteté. L'illustre abbé de Clairvaux lui adressa ce moine cistercien parce que la délicatesse de sa santé ne lui permettait pas de suivre les exercices et les austérités de la règle. Voici la lettre écrite à ce sujet par saint Bernard :

<< A son ami et confrère, le seigneur Guillaume, abbé des chanoines-clercs de Troyes, frère Bernard, serviteur inutile de l'église de Clairvaux, salut dans le Seigneur.

» J'ai conseillé à ce clerc, qui a quitté le siècle et désire

(1) Camusat, Prompt., fol. 297 v° et 298 r.

(2) Audra, Mémoire sur le prieuré-cure de Sainte-Maure, p. 138, Bibl. de Troyes, mss. n. 2297.

T. XXXIX.

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rester avec nous, d'embrasser plutôt votre règle, car je crains qu'il ne succombe à la sévérité de la nôtre. C'est pourquoi nous vous le recommandons, parce qu'il est parfaitement connu de nous, que ses mœurs sont honnêtes, qu'il est versé dans les lettres, et enfin parce que ce serviteur de Dieu sera pour vous, je le crois, avec la grâce du Seigneur, un sujet qui méritera votre confiance et vous donnera de la consolation. Nous vous l'envoyons donc moins pour lui-même que pour vous, que nous chérissons comme nous-même. Nous le garderions bien volontiers avec nous, à cause de son mérite; mais nous redoutons d'accepter un clerc si délicat et si peu accoutumé au travail. Adieu (1). »

Guillaume mourut le 6 des ides de novembre (8 novembre) 1160, selon Cousinet, ou de décembre, d'après le Gallia Christiana. Il fut inhumé dans le chœur, au-dessous de la lampe (2).

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Jacques I succéda à Guillaume Ier. Il hérita sans doute de la confiance accordée à son prédécesseur. Dès 1161, il est cité comme témoin dans la charte d'Henri de Carinthie, évêque de Troyes, en faveur de Basse-Fontaine, et dans plusieurs autres chartes en faveur de Pontigny.

La même année, le comte Henri-le-Libéral faisait creuser les canaux qui devaient assainir la ville, favoriser son industrie et procurer une eau salubre aux habitants. L'un de ces canaux devait traverser la propriété de Saint-Martin-èsAires. Pour indemniser les religieux, Henri leur donna les eaux du canal qui commence au-dessous des ondes de

(1) Migne, Patrol. lat., t. CLXXXII, col. 617.

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(2) Camusat, Prompt., fol. 314. Gallia Christ., XII, 580, 581. - Cousinet, Op. cit., vol. III, fol. 37.

Jaillard, passe devant l'ancien abattoir, puis au pied des murs de l'ancienne abbaye sous le pont des Cailles, se réunit au canal de Meldançon dans l'enceinte de la ville et va de là aux biefs supérieurs des moulins de Chaillouet, et audessous de ces moulins jusqu'à la Pointe-Doriot, autrement dit aux Eaux-Chaudes.

La même année, le même comte Henri renonça au service féodal, dû par l'abbaye de Saint-Martin-ès-Aires pour la moitié de l'eau de la Seine, entre le moulin de SainteMaure et le gué de Saint-Benoît. En échange, les religieux promirent de se rendre, chaque année, en procession, à l'église Sainte-Etienne de Troyes, le jour de la fête de l'Invention du corps du saint Martyr, et d'assister aux obsèques des chanoines de la collégiale (1).

Nous avons déjà fait observer, p. 18, que cette donation fut encore confirmée en 1181.

En 1162, Jacques fut encore appelé comme témoin pour la restitution faite à Basse-Fontaine par le comte Erard de Brienne (2). Sa signature se trouve aussi, en 1166, au bas d'une charte en faveur de la même abbaye.

En 1169, Saint-Martin-ès-Aires vend au chambrier du comte Henri, nommé Artaud, un four sis à Troyes, près de la porte du Comte (3).

Telle était l'estime qu'on portait à l'abbé Jacques, qu'en 1171 il remplaça l'évêque de Troyes, Mathieu, pour mettre d'accord Gauthier d'Eclance et Larrivour (4).

La même année 1171, l'abbaye de Saint-Martin-ès-Aires fut encore l'objet de la libéralité du comte Henri. Elle en reçut la dîme et la pêche des deux moulins Ursariorum (au

(1) Archives de l'Aube, Original. F. de Saint-Martin-ès-Aires. Pièce justificative J.

(2) Des Guerrois, Saincteté chrest., fol. 298.

(3) Archives de l'Aube, F. de l'Hôtel-Dieu, copie, 1er cart. de l'Hôtel-Dieu, fol. 20 v°, et pièce justificative K. (4) Voir pièce justificative L.

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