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votre voisinage qu'il me plaira le plus de lire vos prochaines publications; je souhaite pouvoir longtemps encore jouir du privilége précieux qui me permet d'assister à vos séances mensuelles et de m'instruire au milieu de vous.

Poursuivez, Messieurs, vos recherches et vos études, et disputez le premier rang aux compagnies provinciales qui ont le plus de renom. Les Académies des départements rendent à l'histoire et aux sciences de précieux services, que récompense la gratitude des esprits éclairés. L'intérêt avec lequel le Gouvernement a toujours suivi leurs travaux, ai-je besoin de le dire? ne peut que s'accroître encore pendant le ministère du membre éminent de l'Institut qui a collaboré à la publication du recueil des Historiens des Croisades et qui a écrit la vie de Jeanne d'Arc et l'Histoire de saint Louis.

Troyes, le 19 mai 1875.

ALLOCUTION

PRONONCÉE

A LA SÉANCE PUBLIQUE

PAR

M. JULIEN GRÉAU

PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ

MESDAMES, MEssieurs,

Le premier magistrat du département ayant consenti à user de la prérogative qui lui est réservée par nos statuts, en prenant la direction de cette séance extraordinaire, le Président d'année pensait n'avoir qu'à s'effacer.

La Société Académique en a décidé autrement et m'a chargé d'une communication spéciale.

Puisque je dois prendre la parole, malgré les nombreuses lectures qui sont à l'ordre du jour, j'en userai d'abord pour remercier M. le Préfet de l'honneur qu'il a bien voulu nous faire, en venant présider cette réunion dans un moment où il doit faire face à des travaux plus multipliés que de coutume, et ensuite, malgré mon inexpérience bien constatée dans l'art oratoire, je vais essayer de m'acquitter de ma mis

sion j'ai besoin de toute l'indulgence de l'assemblée et je la réclame avec instance.

La Société Académique, fondée à la fin du siècle dernier, a été bouleversée, dispersée par les graves événements dont notre ville a été le théâtre en 1814: pendant quatre années, elle n'eut plus alors qu'une existence nominale; enfin, en 1818, ses débris parvinrent à se réunir; elle se réorganisa et voici la vingt-deuxième fois, depuis cette époque, qu'elle se présente publiquement devant la population au milieu de laquelle elle vit, dont elle émane et au sein de laquelle elle puise ses inspirations.

Et cependant, il y a longtemps déjà qu'a eu lieu la dernière réunion depuis plusieurs années, notre Société vient de garder un silence contraire à sa volonté, contraire à son règlement; car au lieu d'espacer la tenue des séances publiques, elle a cherché, par diverses mesures, à en rendre le renouvellement plus fréquent.

Nous avons toujours saisi avec plaisir les occasions de nous produire au grand jour ; lorsque nous vous avons conviés à nos fètes de famille, les hommes d'intelligence, les amis de l'histoire, des sciences et des arts ont toujours répondu à notre appel avec un courtois empressement; de gracieuses dames, comme j'en vois beaucoup aujourd'hui encore, bravant l'aridité de certains de nos travaux, n'ont jamais craint de les accompagner: nous croyons donc devoir vous donner quelques explications, car si la Société Académique s'est résignée à agir ainsi, c'est parce qu'elle subissait la pression de cette impérieuse nécessité à laquelle 'il est souvent impossible de se soustraire.

Les motifs de ce long mutisme sont multiples quelquesuns se sont produits déjà à d'autres époques; mais il est inutile de les rappeler ici, parce que, depuis notre dernière réunion, une cause dominante, commandant le silence, s'est imposée à toutes les volontés, comme elle est présente en

core à toutes les mémoires. Cette cause, c'est la guerre, avec ses désastres, avec les agitations morales et matérielles qui en ont été la suite.

Si la Société n'a pas vu, comme en 1814, ses collections détruites, si elle n'a pas été forcée de se dissoudre, si elle n'a pas interrompu ses réunions intimes où l'on pouvait encore, à huis-clos, faire échange de ses pensées, de ses sentiments, de ses craintes, de ses espérances, est-ce, lorsque l'alarme était partout, que nous aurions pu songer à vous appeler à une assemblée qui n'aurait pas eu sa raison d'être, si ceux qui y auraient pris la parole n'avaient pu être communicatifs, expansifs mème?

Lorsque l'angoisse étreignait tous les cœurs, lorsque chacun tremblait pour quelqu'un des siens, craintes trop souvent réalisées, scriez-vous venus dans cette salle, gardée alors par un poste-prussien, écouter de douces et gracieuses poésies comme celles que deux de nos collègues vous liront dans quelques instants?

Bientôt, un autre de nos collègues va détacher d'une époque déjà lointaine quelques pages d'histoire intime, où il fera revivre la Société la plus élégante et la plus lettrée qui ait existé en France. Seriez-vous venus l'écouter, alors que l'histoire contemporaine s'écrivait dans la moitié de la France, à la lueur des incendies, au bruit de la poudre, avec notre sang le plus cher?

Nous avons cru devoir nous abstenir alors; et plus tard, quand un calme relatif est arrivé, enfin, après ce long orage; quand il redevenait possible, pour ceux qui n'avaient pas été trop rudement éprouvés, de songer à se rassembler de nouveau, quand nous agitions de décider à quelle époque seraient décernés les prix aux lauréats de nos concours, nous avons vu poindre à l'horizon le retour périodique de la grande manifestation régionale qui se déroule en ce moment dans nos jardins, sur nos promenades : nous avons dû

choisir ce moment et attendre encore, pour rehausser, par la présence, les suffrages et les applaudissements d'une assemblée d'élite, la valeur des prix que nos modestes ressources ne nous permettent pas toujours de mettre en rapport avec le mérite des concurrents.

Dans quelques moments, nos rapporteurs vous les feront connaître, et je ne voudrais pas attarder l'accueil sympathique que vous leur ferez, lorsque leurs noms seront proclamés.

J'ai cependant à remplir un autre devoir dont la Société Académique m'a encore spécialement chargé : notre Compagnie, modifiant ses anciens usages, a décidé qu'à la place du secrétaire, ce serait à l'avenir le Président d'année qui entretiendrait l'assemblée des changements survenus dans son personnel depuis la dernière séance publique; c'est à moi qu'incombe, pour la première fois, le devoir d'obéir à cette prescription.

Ce n'est pas sans émotion et sans tristesse que je me vois ainsi amené à réveiller bien certainement de douloureux souvenirs dans cet auditoire : je sens cependant que je ne dois pas hésiter. Quoi de plus légitime, en effet, que cette dernière pensée, ce dernier témoignage public d'estime et d'affection, adressé par ceux qui restent à ceux qui, après avoir donné la vie et le mouvement à notre Société, ont été séparés de nous par la mort, ou éloignés par les circonstances?

Ce sera ensuite pour moi une tâche facile et douce de vous faire connaître les noms des membres nouveaux dont l'adjonction promet encore de beaux jours à notre Compagnie.

La mort a été cruelle, impitoyable pour nous : elle a fait dans nos rangs de larges trouées, surtout en 1871. Nous avons perdu trente-huit membres attachés à la Société à divers titres; sur ce nombre, trois seulement ont cessé d'être

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