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RAPPORT

SUR LES

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE

DE L'AUBE

AYANT POUR OBJET L'AGRICULTURE

Depuis la Séance publique du 27 Décembre 1869
jusqu'à celle du 19 Mai 1875

PAR

M. VICTOR DEHEURLE

MEMBRE RÉSIDANT

Avant de commencer une revue sommaire des travaux de la Société dans l'intérêt de l'agriculture, il nous paraît utile de présenter une considération générale qui servira à faire apprécier l'influence de votre Compagnie sur les progrès agricoles dans notre département. Assister à vos séances, analyser les communications qui s'y produisent, énumérer les prix que vous décernez ne suffirait pas pour juger de vos efforts et de vos services; il est juste de se rappeler sans cesse que la Société Académique exerce une action permanente en dehors de son sein par le Comice agricole, institution qui a été organisée sous les auspices de votre Section d'Agriculture, et qui tend aujourd'hui à se manifester et à multiplier ses bienfaits par des modes nouveaux.

Mais en laissant une association d'hommes pratiques tels

que ceux qui dirigent le Comice agricole organiser les concours et les expositions, expérimenter les semences, les races et les instruments nouveaux, la Société Académique s'est réservé plus spécialement les études théoriques et les recherches purement scientifiques.

Ainsi, toutes les expositions, tous les concours ont été étudiés par votre Section d'Agriculture pour les faire servir à l'avancement de la science agricole; ainsi, vous avez formulé une réponse à toutes les questions posées soit dans les grandes enquêtes administratives ou parlementaires, soit par la Société des Agriculteurs de France; vous avez cherché la solution de tous les problèmes que le temps et trop souvent un mal à combattre viennent offrir périodiquement à la sagacité des hommes voués aux études théoriques.

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Peu de temps après votre dernière séance publique, vos travaux avaient été interrompus par les événements terribles de l'année 1870; à cette même époque, nos populations rurales avaient été cruellement foulées par la troisième invasion que l'histoire consignera dans les annales de ce siècle; mais à peine commençaient-elles à respirer qu'elles apprenaient l'approche et les menaces d'un nouveau fléau qui franchissait aussi notre frontière de l'est le typhus de l'espèce bovine. La médecine vétérinaire se déclarait impuissante, l'exemple de l'Angleterre où 240,000 bêtes périrent ou furent abattues prouvait que le danger était grand et qu'il ne fallait pas compter sur l'initiative privée pour le conjurer; conformément aux conclusions du rapport que vous a fourni M. Gustave Huot, l'Administration dut appliquer, sans hésiter, des remèdes héroïques : la suppression complète et immédiate de tout troupeau où un seul cas de typhus était signalé, la destruction des abats et de tous les restes des animaux, l'interdiction de l'entrée à travers nos lignes douanières du gros bétail étranger. Les pertes subies par de telles mesures furent assurément sensibles, mais le mal fut limité et le fléau vaincu dut reculer.

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Des sommes importantes furent attribuées à notre département pour être employées en semences et en bétail destinés à aider les cultivateurs et à atténuer les pertes causées par cette double invasion des armées allemandes et de la peste bovine; la plupart des membres de votre section d'Agriculture furent appelés à faire partie du Comité chargé de répartir les secours.

Une autre conséquence de la guerre attira bientôt votre intervention. Deux provinces étaient arrachées à la France, et le sacrifice était d'autant plus douloureux que nos malheureux et si chers compatriotes de l'Alsace et de la Lorraine comptaient parmi les plus travailleurs et les plus industrieux; aussi cette annexion à l'empire allemand de deux provinces de l'est força alors la France à replier plusieurs industries considérables dans l'intérieur de ses nouvelles frontières. Un moment on eut l'espoir de voir la culture du tabac apporter de nouvelles richesses à nos campagnes. Un de nos plus regrettés collègues, M. Boutiot, fut chargé par vous d'étudier cette question; mais si l'Aube n'a pas encore pu introduire en son sein cette nouvelle culture, si Troyes ne compte pas encore parmi ses grands établissements industriels une manufacture de tabacs, du moins la Société Académique a fait son devoir et nous pouvons justement estimer que question reste ouverte ; un avenir prochain nous apportera la solution attendue. La Société l'a proclamé après un mûr examen que l'Administration lève les entraves et la réussite est certaine; c'est du travail et par conséquent c'est une nouvelle source de richesse que réclament les populations agricoles de l'Aube, si économes et si laborieuses.

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En entendant le dernier rapport général lu dans votre séance publique en 1870, vous aviez applaudi aux efforts tentés par le regretté M. Lefranc, ingénieur à Bar-surSeine, pour créer un établissement de pisciculture. Vous vous étiez vivement intéressés, selon l'expression employée, « à la frêle enfance de ce petit poisson qui devait devenir

grand sans doute protégé, nourri, choyé comme il l'était ou plutôt cultivé (c'est le terme reçu) avec une intelligence, avec un amour si maternel. » Si petit poisson n'est pas devenu grand, ce n'est pas que Dieu ne lui ait pas prêté vie; ici encore, nous retrouvons la main de l'étranger qui dessèche les augets, fait mourir les embryons et ferme le laboratoire institué avec tant de science et de zèle par M. Lefranc. La législation funeste qui régit la pêche a continué d'accélérer la dépopulation de nos rivières; les salmonides, les ombres et les féras n'ont plus été semés dans les eaux de la Seine, et les expériences scientifiques ont été suspendues; aussi, dans la séance du 16 mai 1873, la Société Académique a émis un vou pour l'utilisation nouvelle des appareils et de l'établissement de pisciculture de Bar-sur-Seine. Le vœu paraît n'avoir pas encore été entendu, mais tôt ou tard il ne peut manquer de porter ses fruits : la perte de l'établissement de pisciculture de Huningue donne un intérêt évident à cette question, et ce n'est pas l'alimentation publique seule qui demande une prompte solution, c'est encore la science pure qui a tant à découvrir dans les mystères de la génération et de l'embryogénie.

Pendant que la Société Académique de l'Aube agitait toutes ces questions dans son propre sein, elle était honorée au dehors par les palmes que les membres de sa section d'Agriculture, MM. Gustave Huot, comte de Launay, Drouot et MM. le baron Walkenaër et Jules Benoit, membres associés, allaient cueillir dans les grands Concours régionaux et nationaux; ce sont de tels succès que constatait encore un récent travail de M. Ambroise Drouot sur le Concours des animaux de boucherie tenu à Paris en 1875; et le nom de M. Charles Baltet était proclamé au premier rang jusque dans les expositions ouvertes au-delà de nos frontières.

Nous ne saurions oublier en ce moment la haute distinction qui a été accordée par la Société des Agriculteurs de France à l'un de vos membres associés, M. Charpentier de

Cossigny. Une médaille d'or et un prix de deux mille francs ont été attribués à son traité intitulé: Notions élémentaires, théoriques et pratiques sur les irrigations appliquées aux terres cultivées, aux jardins et aux prairies. Dix concurrents avaient envoyé des mémoires sur ce sujet. Aux termes mêmes du rapporteur de la Commission chargée de les juger, l'ouvrage de M. de Cossigny est un traité complet de l'irrigation : « Le côté scientifique du sujet s'y trouve développé avec cette simplicité et cette clarté qui ont été de tous temps la langue parlée par les véritables vulgarisateurs et le côté pratique s'y trouve démontré avec cette sûreté et cette précision que le praticien seul peut acquérir.

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Il ne m'appartient pas d'énumérer ici les primes d'encouragement que vous-mêmes avez attribuées à l'agriculture sous diverses formes, il me reste à vous entretenir du prix que vous avez décerné à l'auteur qui a si bien répondu à la question formulée par vous en ces termes : « Comment pourraiton exploiter le sol plus avantageusement que par la culture des céréales? >>

Mais je ne saurais mieux traiter un tel sujet qu'en empruntant le texte même du rapport que vous a présenté M. Gustave Huot.

« Le Mémoire adressé à la Société Académique a pour épigraphe :

Si tu veux des blés, fais des prés;

Beaucoup de fourrages, beaucoup de bétail;

Beaucoup de bétail, beaucoup de fumier;
Grande production, grands profits.

« L'auteur établit d'abord la classification agricole du département, qu'il divise :

1° En terres de Champagne éminemment crayeuses;

2o En terres fortes où domine l'argile et qui forment la contrée désignée sous le nom de Bas-Pays;

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