Je ne vous parle point, pour devoir en distraire, Délivrez-moi, Monsieur, de la criaillerie; Et daignez accomplir votre ordre, je vous prie. Oui, c'est trop demeurer, sans doute, à l'accomplir; Et, pour l'exécuter, suivez-moi tout à l'heure Dans la prison qu'on doit vous donner pour demeure Ce n'est pas vous à qui j'en veux rendre raison. (A Orgon.) Remettez-vous, Monsieur, d'une alarme si chaude. Et l'amour pour les vrais ne ferme point son cœur Sa lâche ingratitude et sa déloyauté. A ses autres horreurs il a joint cette suite, Que pour voir l'impudence aller jusques au bout, Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maître, Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens, On vous vit témoigner en appuyant ses droits, Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense, D'une bonne action verser la récompense; Que jamais le mérite avec lui ne perd rien; Et que, mieux que du mal, il se souvient du bien. Qui l'aurait osé dire? ORGON, à Tartufe, que l'exempt emmène. Eh bien! te voilà, traître... SCÈNE VIII. MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLEANTE, VALÈRE, DAMIS, DORINE. CLÉANTE. Ah! mon frère, arrêtez, Et ne descendez point à des indignités. A son mauvais destin laissez un misérable, Et ne vous joignez point au remords qui l'accable. ORGON. Oui, c'est bien dit. Allons à ses pieds avec joie IIN DU TARTUFE. La scène est à Thèbes, dans la maison d'Amphitryon. PROLOGUE. MERCURE, sur un nuage; LA NUIT, dans un char traîné dans l'air par deux chevaux. MERCURE. Tout beau! charmante Nuit, daignez vous arrêter. Et j'ai deux mots à vous dire De la part de Jupiter. LA NUIT. Ah! ah! c'est vous, seigneur Mercure! MERCURE. Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir Pour vous attendre venir. LA NUIT. Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas : LA NUIT. Non; mais il faut sans ce se Garder le decorum de la divinité. Il est de certains mots dont l'usage rabaisse Et que, pour leur indignité, Il est bon qu'aux hommes on laisse. MERCURE. A votre aise vous en parlez; Et vous avez, la belle, une chaise roulante Où, par deux bons chevaux, en dame nonchalante, Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal, De leur impertinence extrême, Moi qui suis, comme on sait, en terre et dans les cieux, Et qui, sans rien exagérer, Par tous les emplois qu'il me donne, LA NUIT. Que voulez-vous faire à cela ? Les poètes font à leur guise. Ce n'est pas la seule sottise Qu'on voit faire à ces messieurs-là. Mais contre eux toutefois votre âme à tort s'irrite, MERCURE. Oui; mais, pour aller plus vite, LA NUIT. Laissons cela, seigneur Mercure, MERCURE. C'est Jupiter, comme je vous l'ai dit, Pour certaine douce aventure Qu'un nouvel amour lui fournit. Ses pratiques, je crois, ne vous sont pas nouvelles : |