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Là, vos pères, vos mères, vos épouses, vos sœurs, vos amantes, se réjouissent de vos succès, et se vantent avec orgueil de vous appartenir. Oui, soldats, vous avez beaucoup fait..... mais ne vous reste-t-il donc plus rien à faire?9.... Dira-t-on de nous que nous avons su vaincre, mais que nous n'avons pas su profiter de la victoire? La postérité vous reprochera-t-elle d'avoir trouvé Capoue " dans la Lombardie! Mais je vous vois 12 déjà courir aux armes.... Eh bien! partons! Nous avons

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encore des marches forcées à faire, des ennemis à soumettre, des lauriers à cueillir, des injures à venger. Que ceux qui ont aiguisé les poignards de la guerre civile en France, qui ont lâchement assassiné nos ministres, incendié nos vaisseaux à Toulon, tremblent! l'heure de la vengeance a sonné; mais que les peuples soient sans inquiétude; nous sommes amis de tous les peuples, et plus particulièrement des descendants des Brutus, des Scipions, et des grands hommes que nous avons pris pour modèles. Rétablir le capitole, y placer 14 avec honneur les statues des héros qui le rendirent célèbre; réveiller le peuple romain engourdi par plusieurs siècles d'esclavage, tel sera le fruit de nos victoires. Elles feront époque dans la postérité! vous aurez la gloire immortelle de changer la face de la plus belle partie de l'Europe. Le peuple français, libre, respecté du monde entier, donnera à l'Europe une paix glorieuse, qui l'indemnisera des sacrifices de toute espèce qu'il a faits 16 depuis six ans. Vous rentrerez alors dans vos foyers, 17 et vos concitoyens diront en vous montrant: Il était de l'armée d'Italie.

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NAPOLÉON I. (1769-1821).

LE 23 juillet, 1798, Bonaparte, plein d'enthousiasme, parcourut au galop le front de son armée, et, montrant les pyra mides: "Soldats! dit-il, vous allez combattre les dominateurs de l'Égypte; songez que du haut de ces monuments quarante siècles vous contemplent."

III. LA PETITE MENDIANTE.

C'EST la petite mendiante

Qui vous demande un peu de pain ;
Donnez à la pauvre innocente,
Donnez, donnez, car elle a faim.1
Ne rejetez point ma prière;
Votre cœur vous dira pourquoi:
J'ai six ans,2 je n'ai plus de mère,
J'ai faim, ayez pitié de moi.

Hier, c'était fête au village,3
A moi personne n'a songé.
Chacun dansait sous le feuillage,
Hélas! et je n'ai pas mangé.
Pardonnez-moi, si je demande,
Je ne demande que du pain,
Du pain, je ne suis pas gourmande,
Ah! ne me grondez pas, j'ai faim.

N'allez pas croire que j'ignore 5
Que dans ce monde il faut souffrir ;
Mais je suis si petite encore,
Ah! ne me laissez pas mourir.
Donnez à la pauvre petite,

Et pour vous comme elle priera !
Elle a faim; donnez, donnez vite,
Donnez, quelqu'un vous le rendra.

Si ma plainte vous importune,
Eh bien! je vais rire et chanter:
De l'aspect de mon infortune
Je ne dois pas vous attrister.

Quand je pleure, l'on me rejette,
Chacun me dit: Éloigne-toi.
Écoutez donc ma chansonnette,

Je chante, ayez pitié de moi.

BOUCHER DE PERTHES (1788-1868).

IV. LES HOMMES DOIVENT S'AIDER.1

LORSQU'UN arbre est seul, il est battu des vents et dépouillé de ses feuilles; et ses branches, au lieu de s'élever, s'abaissent comme si elles cherchaient la terre.

Lorsqu'une plante est seule, ne trouvant point d'abri contre l'ardeur du soleil, elle languit et se dessèche, et meurt.2

Lorsque l'homme est seul, le vent de la puissance le courbe vers la terre, et l'ardeur de la convoitise absorbe la sève qui le nourrit.

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Tant que vous serez désunis, et que chacun ne songera qu'à soi, vous n'aurez rien à espérer que souffrance, et malheur, et oppression.

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Qu'y a-t-il de plus faible que le passereau, et de plus désarmé que l'hirondelle? Cependant quand paraît l'oiseau de proie, les hirondelles et les passereaux parviennent à le chasser, en se rassemblant autour de lui, et le poursuivant tous ensemble.

Prenez exemple sur le passereau et sur l'hirondelle.

Celui qui se sépare de ses frères, la crainte le suit quand il marche, s'assied près de lui quand il repose, et ne le quitte pas même durant son sommeil.

"Nous

Donc, si l'on vous demande: "Combien êtes-vous ?" sommes un, car nos frères, c'est nous, et nous, c'est nos frères."

Dieu n'a fait ni petits ni grands, ni maîtres ni esclaves : il a fait tous les hommes égaux.

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Mais, entre les hommes, quelques-uns ont plus de force ou de corps, ou d'esprit, ou de volonté, et ce sont ceux-là qui cherchent à assujettir les autres, lorsque l'orgueil ou la convoitise étouffe en eux l'amour de leurs frères.

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Et Dieu savait qu'il en serait ainsi, et c'est pourquoi il a commandé aux hommes de s'aimer, afin qu'ils fussent 10 unis, et que les faibles ne tombassent point sous l'oppression des forts.

Car celui qui est plus fort qu'un seul, sera moins fort que deux, et celui qui est plus fort que deux sera moins fort que quatre; et ainsi les faibles ne craindront rien lorsque, s'aimant les uns les autres, ils seront unis véritablement.

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LAMENNAIS (1782-1854).

V. ÉLOGE FUNEBRE DE FRANKLIN.

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A l'Assemblée Constituante (Séance du 11 juin, 1790). MESSIEURS, Franklin est mort!... Il est retourné au sein de la Divinité, le génie qui affranchit l'Amérique, et versa sur l'Europe des torrents de lumière.

Le sage que deux mondes réclament, l'homme que se disputent l'histoire des sciences et l'histoire des empires,1 tenait sans doute un rang élevé dans l'espèce humaine.

Assez longtemps les cabinets politiques ont notifié la mort de ceux qui ne furent grands que dans leur éloge funèbre. Assez longtemps l'étiquette des cours a proclamé des deuils hypocrites. Les nations ne doivent porter que le deuil de leurs bienfaiteurs. Les représentants des nations ne doivent recommander à leur hommage que les héros de l'humanité.

Le Congrès a ordonné dans les quatorze États de la Con fédération un deuil de deux mois pour la mort de Franklin, et l'Amérique acquitte en ce moment ce tribut de vénération pour l'un des pères de sa constitution.

Ne serait-il pas digne de nous, messieurs, de nous unir à cet acte religieux, de participer à cet hommage rendu, à la face de l'univers, et aux droits de l'homme, et au philosophe qui a le plus contribué à en propager la conquête sur toute la terre? L'antiquité eût élevé des autels à ce vaste et puissant génie qui, au profit des mortels, embrassant dans sa pensée le ciel et la terre, sut dompter la foudre et les tyrans. La France, éclairée et libre, doit du moins un témoignage de souvenir et de regret à l'un des plus grands hommes qui aient jamais servi la philosophie et la liberté.

Je propose qu'il soit décrété que l'Assemblée nationale portera pendant trois jours le deuil de Benjamin Franklin.

MIRABEAU (1749-1791).

VI. INDÉPENDANCE DE DUCIS,'

UN trait distinctif du caractère de Ducis, c'était quelque chose de fier, de libre, d'indomptable. Jamais il ne porta, ne subit aucun joug, pas même celui de son siècle; car dans son siècle il fut constamment 2 très-religieux.

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Quand l'ordre social se rétablit avec pompe, lorsqu'on fit l'empire, l'homme qui voulait être la gloire publique de la France et s'occupait d'attirer, d'absorber dans l'abîme de sa renommée toutes les célébrités secondaires, tourna les yeux vers Ducis ; il voulait le faire sénateur, Ducis n'en avait nulle envie. Le maître de la France le chercha donc, et voulut l'honorer, le récompenser, l'avoir enfin. En général, il séduisait si facilement, qu'il était tout étonné de trouver quelqu'un qui osât résister, ou même échapper à ses bienfaits.

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Un jour, dans une réunion brillante, il l'aborda comme on aborde un poète, par des compliments sur son génie; ses louanges n'obtiennent rien en retour; il va plus loin, il parle plus nette

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