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dans leur cœur alors qu'elles ne l'ouvrent pas; et le jugement que sollicite le sieur Fauche-Borel n'influera en rien sur ce qu'il a droit d'attendre désormais de bonté et d'estime de la part de notre auguste Mo

narque.

Eh! qui a pu, Monsieur, vous porter à croire qu'un arrêt solennel dût être sans autorité sur la conscience des Rois? Non, non, de quelque éclat qu'ils aient brillé d'ail. leurs, les princes n'acquièrent de grandeur durable que par un long respect pour la justice. Être juste, est pour les Rois le secret d'être grand.

Frédéric plantait : une chaumière se trouve à sa convenance. J'achète ta maison, ditil au meûnier.

--Sire, elle n'est pas à vendre.

- J'en ai besoin.

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-Fixe un prix : je te le donne.

-Votre Majesté n'est pas assez riche pour la payer: je la tiens de mes pères. - Tu résistes? Je m'en empare.

-Un moment, Sire, nous avons des juges à Berlin.

Que Frédéric n'eût été que Roi, la chau

:

mière et l'homme disparaissaient le héros sentit tout ce qu'une telle confiance en ses tribunaux jetait de lustre sur son administration, et le moulin tourne encore.

Je ne puis le taire, cependant, il est dans votre discours un passage qui m'a tiré des larmes. Le voici. Qu'il est beau, parce qu'il

est vrai!

Il nous semble que la confiance qu'un Roi veut bien accorder à son sujet, doit lier celui-ci pour la vie ; qu'une mission reçue de la bouche de son prince, élève Phomme au-dessus de lui-même; QUE RIEN DE VIL NE LUI EST PLUS PERMIS; qu'il doit, pour ainsi dire, étre constamment en garde contre lui-même pour ne pas se rendre in digne d'un tel honneur, et que l'idée d'étre le confident d'un Roi malheureux, attache plus étroitement à la vertu.

Oui, sans doute, un Roi dans le malheur a quelque chose de sacré, quelque chose que je ne puis définir, mais qui plus saint que le respect, le recommande davantage à la vénération des hommes. C'est le chêne antique brûlé par le feu du ciel; on dirait que le doigt de Dieu est là. Si rien que l'approcher vous inspire un sentiment religieux,

que sera-ce s'il vous appelle à lui et se communique à vous? Vous êtes à lui tout entier, rien de vil ne vous est plus permis.

Eh bien! ce sentiment sublime, je l'ai senti dans toute sa pureté, dans toute son énergie ! C'est à lui, c'est à ce sentiment héroïque que j'ai dû de pouvoir m'arracher à tout ce que j'avais de précieux sur la terre. Que j'ai dû de surmonter de longs et pénibles travaux.

De mépriser la vie.

De ne point succomber sous le poids des fers.

De ne point succomber à la perte d'un fils unique, moissonné dans sa fleur, parce que j'étais en captivité.

De supporter dans la tour du Temple la mort d'un père qui m'appelait pour lui fermer les yeux, et dont les derniers regards se sont tournés vers ma prison.

Frappé dans mes affections les plus chères, m'attendant chaque jour à périr, une sainte exaltation s'était emparée de moi; je souffre, disais-je, je souffre et je vais mourir: mais c'est pour lui, mais il le saura; il le saura, répétais-je encore, et à ce prix la mort me semblait douce, et plus d'une

fois mes voeux en hâtèrent le moment. Rien de terrestre, rien de vil n'approchait plus de moi.

Qu'ai-je donc fait, grand Dieu ! pour tomber de cette élévation, pour démériter du coeur d'un prince où je comptais de m'être amassé un, trésor inépuisable?

Ce que j'ai fait, Monsieur? c'est vous, hélas ! qui vous êtes chargé de m'apprendre mon crime. Est-il donc si grand que vous ayez cru devoir le rendre si public? A la vérité, vos conclusions ne sont point insérées dans le corps du jugement que je fais imprimer; mais vous les avez prononcées, ainsi que vous le remarquez vous-même, devant un auditoire aussi nombreux qu'imposant. Elles ont été répandues à profusion par la voie des journaux, accueillies avec avidité par la France et l'étranger; et ce que j'en recueille est fidèlement extrait du Moniteur. On y lit:

Une union exorbitante de noms qui ne devaient jamais être rapprochés, a dû, dans ce procès, EXCITER VOTRE INDIGNATION. Ce qu'il y a de plus noble et de plus auguste s'est trouvé en contact, par la parole, avec ce qu'il y a de plus vil et de plus dé

grade: le nom du Roi a été proféré à côté de celui de Perlet. Qui l'a osé? le sieur Fauche-Borel ; et, dans le devoir de notre ministère, nous sommes obligés de lui en adresser publiquement le reproche.

Eh quoi! pour arracher un homme à la honte, à l'infamie, au supplice, peut-être, il devient indispensable à cet homme de raconter un fait qui s'est passé entre deux personnages; et cet homme ne pourra pas raconter ce fait; et il faudra qu'il subisse la honte, l'infamie ou le supplice, parce qu'il n'est pas convenable qu'il prononce ensemble les deux noms des deux personnages auxquels se rattache ce fait ? Et pourquoi cela n'est-il pas dans les convenances? parce que l'un de ces personnages est auguste, et que l'autre est un scélérat.

Etrange renversement des idées et des choses! Depuis quand un nom vénéré est-il souillé par le contact d'un nom exécré! L'Écriture ne nous présente-t-elle pas réunis, à chaque page, et le nom du prince des ténèbres, et le nom de celui qui fit la lumière ? Chaque jour, le chrétien ne demande-t-il pas à Dieu de le préserver des piéges du démon, sans qu'il vienne en la

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