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pensée de lui imputer ce rapprochement à irrévérence? Quand le plus chéri des Rois mourut assassiné, à quelque exécration qu'on vouât le monstre, si nombreuses que fussent les larmes de sang que répandirent les citoyens, dont plusieurs, à la nouvelle du parricide, tombèrent morts dans les rues de Paris, fut-il interdit, en nommant la victime, de nommer aussi le bourreau ? N'a-t-on pas dit alors: Ravaillac vient d'assassiner Henri! Ne dit-on pas encore aujourd'hui: Henri IV fut assassiné par Ravaillac. J'ai donc pu dire, sans profanation, Perlet a trahi Louis XVIII; Louis XVIII a failli d'être assassiné et j'ai pu le dire avec d'autant plus de conpar Perlet: fiance, que ce n'est pas moi, chose bien remarquable, qui ai donné Perlet à Sa Majesté; mais que c'est Sa Majesté qui m'a donné à Perlet pour suivre une correspon dance déjà entamée dans l'intérêt de la restauration, et qu'il n'est pas en ma puissance de faire que ce qui a été ne soit

pas.

Je poursuis:

Quel que soit le besoin de se disculper qu'éprouvait Fauche-Borel, une idée de

vait l'arrêter dans le choix et dans l'emploi de ses moyens : la crainte de prononcer, hors de sa véritable place, un nom sacré devait lui fermer la bouche.

Lui, qui se vante, et certes, s'ILS SONT RÉELS, ils sont bien beaux; lui, qui se vante de tant de sacrifices pour la cause du Roi, ne pouvait-il pas faire encore à cette cause l'hommage des peines qu'il éprouvait, et du mécontentement qu'il croyait que des calomnies avaient excité contre lui dans le cœur de Sa Majesté?

Comment osa-t-il rendre confident de son chagrin le public de la capitale, la France toute entière? ne devait-il pas le garder dans l'intimité de son ame?

Il parlerait en vain de la tache qu'avait imprimé sur lui les écrits de Perlet; nous lui demandons si le déshonneur peut étre le résultat de la dénonciation d'un Perlet? et si les allégations d'un tel homme sont d'un poids assez grand, dans la balance de l'opinion, pour détruire la réputation de celui qui se vante d'avoir été honoré d'une grande confiance?

Il existe là deux propositions:

b

Les calomnies d'un Perlet pouvaient-elles me déshonorer ?

Dans le cas où elles pouvaient me déshonorer, ne devais-je pas faire au Roi un nouveau sacrifice, celui de mes peines c'est-à-dire celui de mon honneur ?

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Avant que de répondre à ces deux propositions, il ne m'est pas permis de laisser passer, sans reflexion, cette phrase trop remarquable et trop remarquée: Lui, qui se vante, a dit le substitut de Monsieur le procureur du Roi, lui, qui se vante de tant de sacrifices; et certes, s'ILS SONT RÉELs, ils sont bien beauac ! .....

pas

S'ils sont réels? Pourquoi cette incertitude dans votre langage, quand elle n'est dans votre esprit? Non, Monsieur, non vous ne doutez pas de la réalité de ces sacrifices, vous n'en avez jamais douté; et cela, parce que le Mémoire où je les ai consignés porte avec lui le cachet de l'honnête homme, le cachet de vérité qu'il n'est pas donné au mensonge de, s'approprier. Vous n'en avez jamais douté, parce que, en lisant ce Mémoire, vous vous êtes dit à vous-même : celui qui avance de telles choses à la face de

l'Europe, à la face de Louis, ne peut en imposer à Louis et à l'Europe; mille bouches crieraient à l'imposture, et le châtiment flétrirait aussitôt l'imposteur. Voilà ce que vous vous êtes dit : me trompais - je?

Mais vous qui trouvez ces sacrifices bien beaux, quand moi, Monsieur, jusqu'au jour où l'on voulut les oublier, je ne les avais trouvés que bien naturels, à quel point les eussiez-vous donc exaltés, si j'en avais fait l'énumération, si mon amourpropre s'était plu à les détailler? Plus circonspect que vous ne croyez, je n'ai dans mon écrit, dans ma plaidoirie, cité, à mon avantage, que les faits qui se liaient nécessairement à ma cause. Oui, Monsieur, j'ai gardé le secret sur le reste; et ce que j'ai tu aurait encore plus de mérite à vos yeux que ce qu'il m'a fallu divulguer.

Tant de services rendus pouvaient-ils être effacés par les allégations d'un Perlet? Les calomnies d'un Perlet pouvaientelles déshonorer Fauche-Borel?

Chacun s'est demandé, Monsieur, et j'ose vous demander à mon tour, si c'est bien sérieusement que vous vous êtes fait à . vous-même une semblable question?

b..

Conduit à la mort, un coupable, arrivé au pied de l'échafaud, dit avoir des révélations à faire son supplice est retardé; il indique un complice: sa déclaration recueillie, il est exécuté. Direz-vous que l'individu, accusé de complicité, est lavé du crime qu'on lui impute, par cela seul que l'accusation émane d'un scélérat? Et si le prévenu que vous ferez comparaître n'a que ce moyen à vous proposer pour sa justification, le renverrez vous absout, et serezvous pleinement convaincu de son innocence? Non, Monsieur.

·

Si donc, jusqu'à ce qu'on se soit disculpé, on est entaché par la simple allégation d'un criminel avéré ; comment ne le seraiton pas par les accusations multipliées, écri tes, imprimées, colportées, d'un homme qui, loin d'être reconnu pour un infâme, jouissait alors d'un certain crédit près de certains personnages, n'était pas sans accès aux Tuileries, se vantait impunément d'avoir sauvé la fille de Louis XVI, et demandait hautement son salaire ?

La preuve que ces calomnies ont porté c'est qu'elles étaient à peine lancées qu'il m'a été crié de toute part: Justifie - toi.

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