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Monsieur le substitut par improuver hautement les moyens dont j'avais cru devoir faire usage pour atteindre à ma justification et me trouver de grands torts dans leur publicité.

Mais, le dirais-je? le mal que me fit soudain ce reproche inattendu fut aussitôt calmé par la bienveillance spontannée d'un public nombreux, qui, partageant ma peine et mon étonnement, se tint dans un morne silence, et baissa la vue pour ne point voir mon chagrin : hommage aussi pur que désintéressé; hommage le plus délicat peutêtre qu'on ait encore offert à l'aîné des Bourbons, puisque je ne dus cet intérêt si doux qu'à ma fidélité pour sa cause.

Loin de nous la coupable pensée d'interroger Monsieur le substitut sur l'étendue de ses fonctions, sur la mesure de ses pouvoirs; mais puisque dans le cours de ses conclusions, après avoir déclaré solennellement qu'il ne convenait pas à la dignité de son ministère d'être mon panégyriste, Monsieur le substitut a cru pouvoir ajouter aussi, qu'il ne se chargeait pas de ma défense; il n'est que trop manifeste que cette tâche est encore à remplir, et que c'est à moi qu'elle est imposée. Essayons.

Fassent les immortels, conducteurs de ma langue,
Que je ne dise rien qui doive être repris.

Loin d'être mon panégyriste, Monsieur le substitut s'est en quelque sorte porté mon accusateur. D'un magistrat remplissant ses fonctions, la moindre parole n'est pas indifférente comme il est l'organe de la loi, it devient, pour le public, l'organe de la vérité. Il doit régner dès-lors dans tout son langage une rigoureuse circonspection, et eependant Monsieur le substitut, en parlant d'une des circonstances les plus graves de ma cause, loin de se piquer d'exactitude, n'a pas craint de faire planer le soupçon sur ma tête.

J'avais imprimé, j'avais dit; Monsieur le substitut du procureur du Roi avait lu, avait entendu que les pièces secrètes constatant le crime de mon adversaire m'avaient été remises parle fils demon rapporteur, de l'ordre de son père cependant, feignant d'ignorer un fait aussi simple, aussi facile à vérifier, Monsieur le substitut, cessant de parler au tribunal pour m'adresser directement la parole, s'est exprimé en ces termes: Vous avez voulu vous justifier; mais, pour le faire, vous avez commis l'indiscrétion la plus con

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damnable; vous avez fait connaître des pièces qui devaient rester secrètes; vous vous êtes procuré

NOUS IGNORONS COM

MENT, ce qui était en dépôt entre les mains

d'une commission.

C'est parce que vous n'ignoriez pas et que vous ne pouviez pas ignorer comment je m'étais procuré ces pièces, que ce doute affecte m'est prejudiciable; il m'est préjudiciable en ce qu'il appelle le reproche sur une conduite irréprochable; en ce qu'il donne à entendre que ces écrits mystérieux n'ont pu arriver jusqu'à moi que par des voies détournées, des moyens peu délicats; tandis que leur transmission dans mes mains n'avait rien de simple, que de naturel, que de conforme, peut-être, aux décrets de l'éternelle providence, qui ramenant, par miracle, sur le trône de ses pères un Roi longuement éprouvé, a voulu, dans sa bonté, lui signaler, en même temps, un assassin caché, pour le préserver à l'avenir de toute embûche.

que

Vous le saviez. Pour qui donc avez-vous, à mon préjudice, fait pencher un moment la balance? Pour qui? Ce n'est pas dans l'intérêt de mon adversaire, assurément; il vous avait imprimé trop d'horreur. Pour qui

donc, si ce n'était pas pour lui ?...... Quelque déférence qu'un magistrat doive à ses supérieurs, les égards cessent où le devoir commande ; et la justice que vous rendez aux hommes veut être pesée au poids du

sanctuaire.

Du reste, votre pensée sur moi dans cette affaire m'est connue toute entière, et mon coeur tient compte au vôtre de cette phrase qui vous est échappée comme par compensation dans cette cause, avez-vous dit, le plaignant a encouru un blâme auquel peut-être il ne s'attendait pas. Oh! non, monsieur, dans cette cause je ne m'attendais à aucune sorte de blâme; vous-même ne vous attendiez guère à me le distribuer; ni vous, ni moi ne nous attendions à vos conclusións, et le public, j'ose le dire, ne s'y attendait pas non plus.

Toutefois, comme c'est vous qui parlez, ostensiblement du moins, c'est à vous, Monsieur, que je vais continuer de répondre.

Puisque je m'en étais remis aux tribunaux du soin de confondre la calomnie, et de placer mon innocence dans tout son jour, tout mon espoir devait nécessairement rcposer dans mes juges. Aussi les témoins

avaient à peine parlé, le coupable se débattait encore, que certain de la décision des magistrats, je tressaillis d'avance de l'heureuse révolution qu'elle allait opérer sur l'esprit de Sa Majesté. Mais vous, Monsieur, ne voulant pas que j'eusse à m'applaudir de la sentence que vous saviez aussi bien que moi devoir être prononcée en ma faveur, vous prîtès à tâche, comme si déjà je n'avais pas assez souffert, de reporter le deuil dans mon ame, et de désenchanter l'avenir à mes yeux. Vous dites :

Le sieur Fauche-Borel pouvait-il penser que le jugement du tribunal, en supposant qu'il lui fût favorable, le réhabiliterait dans les bontés qu'il avait perdues? La décision des tribunaux peut-elle lier en rien celui de qui ils tiennent le droit de la rendre? Les Rois attendent-ils un jugement pour oublier les torts que l'on a envers eux? Et quand vous aurez prononcé, le Monarque sera-t-il obligé de croire Fauche-Borel justifie? Non, non, messieurs, il n'en est point ainsi; les puissances de la terre ne doivent qu'à Dieu seul compte de leurs secrètes pensées; elles sont placées trop haut pour qu'il nous soit permis de lire

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