» comme le remarque M. l'abbé Bossut; ce cer» veau dérangé en 1654 , produisit en 1656 les » Lettres provinciales, et en 1658 les solutions » des problèmes de la roulette. » Mais ce n'étoit pas de quoi effrayer un philosophe. J'obéirai, dit Condorcet ; l'édition que je dois donner des Pensées de ce fou , est toute prête : j'ai fait un choix comme vous pouvez bien le présumer: j'ai corrigé celles que je me propose de conserver , et j'y ai semé quelques grains de philosophie , dont au grand scandale de la raison elles étoient dépourvues. « Cet homme est digne de notre académie, » dit Voltaire à d'Alembert. ( Corresp.) Voici, continua Condorcet , une de mes découvertes : elle est des plus heureuses, prise dans le sens que je lui donne. Pascal dit : «par les » lumières naturelles nous sommes incapables de » connoître ce que Dieu est, ni s'il est.» Je jouerai l'étonné. « Il est bien étrange, m'écrierai» je que Pascal dise qu'on ne peut connoître par » la raison si Dieu est. » (Not. sur les Pensées de Pascal.) C'est fort bien, dit Voltaire. Je suis si charmé de cette petite réflexion, que je vous promets de lui donner du crédit en l'adoptant: je la fortifierai même par cette note ironique : « ce ne peut être » qu'une inadvertence dans ce grand-homme. » (Not. sur les pens. de Pascal.) Ne nous en tenons : là : pour pas mieux rabaisser notre fou, faisons voir que la raison la raison peut démontrer l'existence de Dieu. (ibid.) (*) ( On rit beaucoup de cette innocente ruse , et Condorcet ajouta : « Il est beau, dirai - je dans » mes notes, de voir M. de Voltaire prendre con» tre Pascal la défense de l'existence de Dieu. » : que (*) Le chapitre que Voltaire et Condorcet ont si mal interprété, a pour titre: Qu'il est difficile de démontrer l'existence de Dieu par les lumières naturelles , mais que le plus sûr est de la croire. On sait les titres sous lesquels ont été rangées les pensées de Pascal , de sont pas de lui , mais des éditeurs. Celui-ci étoit fort différent dans les premières éditions ; et la raison en est sensible pour quiconque a lu le chapitre entier : c'est qu'il n'a aucun rapport aux matières qui y sont traitées. Il est vrai que dans le cours de ce chapitre , Pascal déclare qu'il ne se sent pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des ATHÉES ENDURCIS : mais ce n'est pas là convenir qu'il est difficile de démontrer l'existence de Dieu , par les lumières naturelles. On trouve facilement des preuves démonstratives de l'existence de Dieu : mais ces preuves , quelque simples qu'elles soient, on a de la peine à les faire goûter à un athée endurci , parce qu'un tel athée s'est mis dans l'impuissance de les sentir. Son entendement est vicié et hors d'état de recevoir des vérités d'une certaine classe : il faut, avant tout, qu'il travaille à le guérir. Pascal lui en présente un moyen également sûr et facile , qu'il ne peut refuser sans avoir renoncé complètement au sens commun. Je sais que Voltaire et l'auteur de l'Examen des apologistes de la religion , ont tâché de tourner en ridicule les raisonnemiens qu'il fait sur ce sujet. Ce n'est pas à moi à les justifier : d'ailleurs la chose est inutile auprès des lecteurs qui ont de la droiture et du bon sens. Je remarquerai seulement que les deux philosophes dont je viens de parler n'ont pas entendu Pascal, ou plutôt qu'ils n'ont pas voulu l'entendre ; ils avoient leurs raisons pour cela. (Voyez à la fin de cet ouvrage les Observations sur les notes dont Condorcet et Voltaire , ont accompagné les pensées de Pascal.) D'Alembert admiroit ces élans du génie. «Cet » homme , dit-il à Voltaire , est très-supérieur à » Pascal (*). Il est destiné, répondit celui-ci , à à (*) Voici six vers de d'Alembert sur Pascal ; ils sont dignes de ce géomètre-poëte ; ils donneront une idée de la justice que les philosophes savent rendre à leurs ennemis , même en les louant. Il joignit l’éloquence aux talens d'Uranie , Permets du moins qu'il en soit regretté. On a placé ces six vers au bas du portrait de Pascal, qui se trouvé à la tête de la collection de ses @uvres, il étoit difficile de dire plus de sottises en si peu de mots. A Dieu même. Pourquoi même ! c'est une cheville. Immolant n'est pas le terme, il falloit consacrant. Pour immoler il faut détruire: or qui osera dire que Pascal , en consacrant à Dieu son génie, l'a anéanti! C'est depuis qu'il fut devenu plus religieux qu'il composa ces morceaux sublimes qu'on ne se lasse point d'admirer, et qu'il résolut les fameux problemes de la roulette. Il vengea de la foi l'auguste obscurité. N'y a-t-il que de l'obscurité dans la foi ? et dans ce que Pascal a écrit sur la şeligion , n'a-t-il fait que venger l'auguste obscurité qui environne quelques-uns de ses dogmes ? Le philosophe du dix-huitième siècle se montre dans ces expressions et dans les suivantes. O toi ! religion dont la sévérité enleva se grand-homme à la philosophie. A quelle philosophie ? aux mathématiques ! cette science appartient à la philosophie, mais ce n'est pas là la philosophie, d'ailleurs Pascal y est revenu momentanément pour s'occuper des problèmes de la roulette : à cette prétendue philosophie qui a fait secte dans le siècle dernier ? Pascal l'a toujours eue en horreur, et il est un de ses plus terribles fléaux : à la vraie ph:losophie , à celle qui , suivant l'étymologie du nom , signifie amour : » jouer le rôle le plus distingué dans les sciences » et dans les arts.» (Corr., 4 juin et 6 mars 1777.) Vous voyez, poursuivit-il en s'adressant à l'assemblée, que notre intention n'est pas de ménager Pascal : mais les philosophes se font un devoir d'être justes, même envers leurs ennemis. Je conviens donc que « Pascal a été géomètre et élo» quent. La réunion de ces deux grands mérites » étoit alors bien rare (*). Mais il n'y joignit pas » la vraie philosophie. Condorcet auteur de son » éloge, indique avec adresse ce que j'avance » hardiment. Il vient enfin un temps de dire la » vérité : » ( Not. sur Pascal,) et je la dis cette vérité : je fais plus ; je la prouve. Dites-moi ; est-ce être philosophe que d'écrire ces étranges paroles ? « à ceux qui ont de la ré» pugnance pour la religion, il faut commencer » par leur montrer qu'elle n'est pas contraire à la » raison. » (Pens. de Pascal , 2. p., art. XVII, no. xxxvi.) « Ne voyez-vous pas, Ô Pascal! que de la sagesse ! celle-ci est seur de la religion, et Pascal l'a toujours cultivée. Permets du moins qu'il en soit regretté. Ces regrets seroient fort déplacés de la part des athées et des déistes : jamais Pascal ne leur a appartenu. Quant à la vraie philosophie , il eut moins travaillé pour elle s'il n'eût pas été aussi religieux. Qu'a-t-elle donc a regretter ! (*) Elle est donc devenue bien commune depuis ? Quels sont ces hommes , qui , parés du titre de vrais philosophes , ont été en même temps géomètres et éloquents ? Où sont-ils ? ! » vous êtes un homme de parti qui cherchez à » faire des recrues ?» (Not. ) Est-ce être philosophe que de nous dire avec une gravité qui tient du burlesque ? « L'immor» talité de l'ame est une chose qui nous importe » si fort, et qui nous touche si profondément, qu'il » faut avoir perdu tout sentiment pour être dans » l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes » nos actions et toutes nos pensées doivent pren» dre des routes si différentes , selon qu'il y aura » des biens éternels à espérer ou non, qu'il est » impossible de faire une démarche avec sens et » jugement, qu'en la réglant par la vue de ce » point qui doit être notre premier objet. Ainsi » notre premier intérêt et notre premier devoir y est de nous éclaircir sur ce sujet , d'où dépend ► toute notre conduite. » (Pens. de Pasc., 2. p. art. 2.) N'est-ce pas là, comme je compte le dire dans une note sur cette pensée , couvrir d'un capuce une tête d'Archimede ? Mais ne parlons plus de ce fanatique , de ce malade; son nom seul me jete dans la plus violente colère: il m'ôte presque l'usage de la raison. Comment a-t-on pu l'admirer ? Les François jusqu'à ce jour n'ont été que des idiots. « Voyez » combien la nature humaine est avilie depuis le » beau temps des Romains. On est effrayé de » l'excès des sottises de notre nation ; c'est une » race de singes, dans laquelle il y a eu quelques a |