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» hommes. » (Lett. à M.me Dudeffant. ) Rougissons de les avoir pour compatriotes. Pour moi, lorsque je parlerai en philosophe , je ne veux plus leur donner d'autre nom que celui de Welches.

Les conjurés applaudirent. Traiter sa patrie avec mépris est une idée digne de la philosophie: on prouve par là qu’on a l'ame trop noble pour l'appliquer à des affections vulgaires, et trop élevée pour que ces affections puissent: arriver jusqu'à elle. C'est un secret que ne connoissoient pas les illustres écrivains du siècle de Louis XIV : ils aimoient et estimoient leur patrie. Aussi quelles ames étroites et petites ils avoient reçues de la nature ! l'amour du genre humain et tous ces sentimens si sublimes et surtout si commodes

que

la philosophie inspire , n'ont jamais pu y pénétrer.

Puisque les François sont des Welches, dit un de nos sages , traitons-les en Welches. Quant à moi , ajouta-t-il d'un ton de dédain ; lorsque j'écris pour eux, je leur fais du sauvage. ( Mém, philosophique, )

Ils le méritent, reprit Helvétius ; « cette nation >> avilie (*) est aujourd'hui le mépris de l'Europe:

(*) A l'époque ou Helvétius écrivoit son livre, cet avilissement n'étoit que trop réel; mais c'étoit dans le gouvernement qu'il existoit et non dans la nation. De plus, il n'étoit et ne pouvoit être que momentané comme on le vit sous le règne suivant : c'est depuis que les bienfaits de Louis XVI ont été tournés contre lui , que les paroles d'Helvétius se sont malheureusement vérifiées parce que dès-lors l'avilissement est passé dans la nation.

y elle ne produira plus d'écrivains célèbres. » (De l'hom. et de ses fac. )

Nous la mettrons en état d'en produire, s'écrièrent plusieurs voix : mais ne nous décourageons pas : il faut nous roidir contre les obstacles et même contre les mauvais succès. Qu'importe que nos résultats ne soient

pas
d'abord tels

que les annoncerons ? Nous avons devant nous la durée des siècles : attendez , dirons-nous ; tard les merveilleux effets de notre philosophie se feront ressentir.

C'étoit là calculer en grand et d'une manière sûre ou du moins prudente.

nous

tôt ou

Avant l'affaire
Le roi , l'âne ou moi nous mourrons.

Un des sages prit aussitôt la plume, et se hâta de tracer un tableau séduisant de la France philosophiquement régénérée. Selon son calcul , ce grand évènement doit avoir lieu avant l'an deuse mille quatre cent quarante , pourvu toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit pas un rêve. Non, certes, ce ne sera pas un rêve, s'écria Diderot : j'en jure par l'Encyclopédie. La république de l'dge d'or va renaître ; mais souvenons-nous , et ayons bien soin de l'inculquer à nos disciples, que « l'on ne peut y entrer que par la brèche de la » religion , et sur la ruine de tous les principes. »

Ce fut par ce trait de génie vivement applaudi

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» hommes. » (Lett. à M.me Dudeffant. ) Rougissons de les avoir pour compatriotes. Pour moi, lorsque je parlerai en philosophe, je ne veux plus leur donner d'autre nom que celui de Welches.

Les conjurés applaudirent. Traiter sa pátrie avec mépris est une idée digne de la philosophie: on prouve par là qu’on a l'ame trop noble pour l'appliquer à des affections vulgaires, et trop élevée pour que ces affections puissent arriver jusqu'à elle. C'est un secret que ne connoissoient pas les illustres écrivains du siècle de Louis XIV : ils aimoient et estimoient leur patrie. Aussi quelles ames étroites et petites ils avoient reçues de la nature ! l'amour du genre humain et tous ces sentimens si sublimes et surtout si commodes

que

la philosophie inspire , n'ont jamais pu y pénétrer.

Puisque les François sont des Welches, dit un de nos sages, traitons-les en Welches. Quant à moi , ajouta-t-il d'un ton de dédain ; lorsque j'écris pour eux, je leur fais du sauvage. ( Mém. philosophique, )

Ils le méritent, reprit Helvétius ; « cette nation >> avilie (*) est aujourd'hui le mépris de l'Europe:

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(*) A l'époque où elvétius écrivoit son livre, cet lissement n'étoit que trop réel; mais c'étoit dans le gouvernement qu'il existoit et non dans la nation. De plus, il n'étoit et ne pouvoit être que momentané , comme on le vit sous le règne suivant : c'est depuis que les bienfaits de Louis XVI ont été tournés contre lui , que les paroles d'Helvétius se sont malheureusement vérifiées parce que dès-lors l'avilissement est passé dans la nation,

pas :

y elle ne produira plus d'écrivains célèbres. » (De l'hom. et de ses fac. )

Nous la mettrons en état d'en produire, s'écrièrent plusieurs voix : mais ne nous décourageons

il faut nous roidir contre les obstacles et même contre les mauvais succès. Qu'importe que nos résultats ne soient

pas

d'abord tels les annoncerons ? Nous avons devant nous la durée des siècles : attendez , dirons-nous ; tôt ou

; tard les merveilleux effets de notre philosophie se feront ressentir.

C'étoit là calculer en grand et d'une manière sûre ou du moins prudente.

que nous

Avant l'affaire

Le roi, l'âne ou moi nous mourrons.

Un des sages prit aussitôt la plume, et se hâta de tracer un tableau séduisant de la France philosophiquement régénérée. Selon son calcul , ce grand évènement doit avoir lieu avant l'an deux mille quatre cent quarante , pourvu' toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit pas un rêve. Non, certes, ce ne sera pas un rêve, s'écria Diderot : j'en jure par l'Encyclopédie. La république de láge d'or va renaître ; mais souvenons-nous, et ayons bien soin de l'inculquer à nos disciples, que « l'on ne peut y entrer que par la brèche de la » religion , et sur la ruine de tous les principes. »

Ce fut par ce trait de génie vivement applaudi que se termina la première séance. Voltaire donna le signal, et tous nos sages se levèrent, en criant avec l'accent de la fureur : guerre à mort aux anciens principes ! écrasons l’infáme.

CHAPITRE IV.

Seconde séance des philosophes. Leur fureur

contre les prêtres et leurs autres adversaires. - Armes qu'ils emploient contre eux.

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Nos sages jouirent paisiblement de leur gloire le reste du jour et la nuit suivante. Le lendemain s'étant rassemblés de bonne heure, ils se félicitėrent mutuellement de l'adresse et du courage avec lesquels ils avoient fait subitement disparoître tout ce qu'on avoit admiré en France jusqu'alors. C'est sur nous, dirent-ils , que tous les regards vont désormais se fixer.

Oui , dit Voltaire , pourvu que nos adversaires n'y mettent pas obstacle. Nous en aurons de terribles : mais les plus dangereux de tous, ce sont les prêtres. — Eh bien ! qu'ils soient les premiers à ressentir les coups de la philosophie. « Aussi» bien , si on ne brise pas le joug qu'ils nous » imposent, jamais on ne brisera celui des tyrans; » en vain les pensées des sages prépareront les » révolutions politiques, le bras du peuple ne les

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