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» jouer le rôle le plus distingué dans les sciences >> et dans les arts.» (Corr., 4 juin et 6 mars 1777.)

Vous voyez, poursuivit-il en s'adressant à l'assemblée, que notre intention n'est pas de ménager Pascal: mais les philosophes se font un devoir d'être justes, même envers leurs ennemis. Je conviens donc que « Pascal a été géomètre et élo» quent. La réunion de ces deux grands mérites » étoit alors bien rare (*). Mais il n'y joignit pas » la vraie philosophie. Condorcet auteur de son » éloge, indique avec adresse ce que j'avance >> hardiment. Il vient enfin un temps de dire la » vérité: » ( Not. sur Pascal,) et je la dis cette vérité : je fais plus ; je la prouve.

Dites-moi; est-ce être philosophe que d'écrire ces étranges paroles? « à ceux qui ont de la ré>> pugnance pour la religion, il faut commencer >> par leur montrer qu'elle n'est pas contraire à la » raison.» (Pens. de Pascal, 2°. p., art. xvII, n°. xxxvi.) < Ne voyez-vous pas, « ô Pascal!

que

de la sagesse celle-ci est sœur de la religion, et Pascal l'a toujours cultivée.

Permets du moins qu'il en soit regretté. Ces regrets seroient fort déplacés de la part des athées et des déistes : jamais Pascal ne leur a appartenu. Quant à la vraie philosophie, il eut moins travaillé pour elle s'il n'eût pas été aussi religieux. Qu'a-t-elle donc a regretter ?

(*) Elle est donc devenue bien commune depuis ? Quels sont ces hommes, qui, parés du titre de vrais philosopkes, ont été en même temps géomètres et éloquents? Où sont-ils ?

» vous êtes un homme de parti qui cherchez à >> faire des recrues ?» (Not.)

Est-ce être philosophe que de nous dire avec une gravité qui tient du burlesque ? « L'immor>>talité de l'ame est une chose qui nous importe >> si fort, et qui nous touche si profondément, qu'il >> faut avoir perdu tout sentiment pour être dans >> l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes > nos actions et toutes nos pensées doivent pren>> dre des routes si différentes, selon qu'il y aura >> des biens éternels à espérer ou non, qu'il est >> impossible de faire une démarche avec sens et » jugement, qu'en la réglant par la vue de ce >> point qui doit être notre premier objet. Ainsi » notre premier intérêt et notre premier devoir > est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend > toute notre conduite. » (Pens. de Pasc., 2o. art. 2.) N'est-ce pas là, comme je compte le dire dans une note sur cette pensée, couvrir d'un capuce une tête d'Archimède?

p.

Mais ne parlons plus de ce fanatique, de ce malade; son nom seul me jète dans la plus violente colère: il m'ôte presque l'usage de la raison. Comment a-t-on pu l'admirer? Les François jusqu'à ce jour n'ont été que des idiots. << Voyez >> combien la nature humaine est avilie depuis le >> beau temps des Romains. On est effrayé de » l'excès des sottises de notre nation; c'est une >> race de singes, dans laquelle il y a eu quelques

>> hommes. » (Lett. à M.me Dudeffant.) Rougissons de les avoir pour compatriotes. Pour moi, lorsque je parlerai en philosophe, je ne veux plus leur donner d'autre nom que celui de Welches.

Les conjurés applaudirent. Traiter sa patrie avec mépris est une idée digne de la philosophie : on prouve par là qu'on a l'ame trop noble pour l'appliquer à des affections vulgaires, et trop élevée pour que ces affections puissent arriver jusqu'à elle. C'est un secret que ne connoissoient pas les illustres écrivains du siècle de Louis XIV: ils aimoient et estimoient leur patrie. Aussi quelles ames étroites et petites ils avoient reçues de la nature! l'amour du genre humain et tous ces sentimens si sublimes et surtout si commodes que la philosophie inspire, n'ont jamais pu y pénétrer.

Puisque les François sont des Welches, dit un de nos sages, traitons-les en Welches. Quant à moi, ajouta-t-il d'un ton de dédain ; lorsque j'écris pour eux, je leur fais du sauvage. ( Mém. philosophique.)

Ils le méritent, reprit Helvétius; «< cette nation >> avilie (*) est aujourd'hui le mépris de l'Europe:

(*) A l'époque où Helvétius écrivoit son livre, cet avilissement n'étoit que trop réel; mais c'étoit dans le gouvernement qu'il existoit et non dans la nation. De plus, il n'étoit et ne pouvoit être que momentané comme on le vit sous le règne suivant: c'est depuis que les bienfaits de Louis XVI ont été tournés contre lui, que les paroles d'Helvétius se sont malheureusement vérifiées parce que dès-lors l'avilissement est passé dans la nation.

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» elle ne produira plus d'écrivains célèbres. » (De l'hom. et de ses fac. )

:

Nous la mettrons en état d'en produire, s'écrièrent plusieurs voix: mais ne nous décourageons pas il faut nous roidir contre les obstacles et même contre les mauvais succès. Qu'importe que nos résultats ne soient pas d'abord tels que nous les annoncerons ? Nous avons devant nous la durée des siècles: attendez, dirons-nous; tôt ou tard les merveilleux effets de notre philosophie se feront ressentir.

C'étoit là calculer en grand et d'une manière sûre ou du moins prudente.

Avant l'affaire

Le roi, l'âne ou moi nous mourrons.

Un des sages prit aussitôt la plume, et se hâta de tracer un tableau séduisant de la France philosophiquement régénérée. Selon son calcul, ce grand évènement doit avoir lieu avant l'an deux mille quatre cent quarante, pourvu toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit pas un rêve. Non, certes, ce ne sera pas un rêve, s'écria Diderot : j'en jure par l'Encyclopédie. La république de l'age d'or va renaître ; mais souvenons-nous, et ayons bien soin de l'inculquer à nos disciples, que << l'on ne peut y entrer que par la brèche de la >> religion, et sur la ruine de tous les principes. >> Ce fut par ce trait de génie vivement applaudi

que se termina la première séance. Voltaire donna le signal, et tous nos sages se levèrent, en criant avec l'accent de la fureur: guerre à mort aux anciens principes! écrasons l'infáme.

CHAPITRE IV.

Seconde séance des philosophes. -Leur fureur contre les prêtres et leurs autres adversaires. - Armes qu'ils emploient contre eux.

Nos sages jouirent paisiblement de leur gloire le reste du jour et la nuit suivante. Le lendemain s'étant rassemblés de bonne heure, ils se félicitèrent mutuellement de l'adresse et du courage avec lesquels ils avoient fait subitement disparoître tout ce qu'on avoit admiré en France jusqu'alors. C'est sur nous, dirent-ils, que tous les regards vont désormais se fixer.

:

Oui, dit Voltaire, pourvu que nos adversaires n'y mettent pas obstacle. Nous en aurons de terribles mais les plus dangereux de tous, ce sont les prêtres. Eh bien ! qu'ils soient les premiers à ressentir les coups de la philosophie. « Aussi» bien, si on ne brise pas le joug qu'ils nous >> imposent, jamais on ne brisera celui des tyrans; » en vain les pensées des sages prépareront les >> révolutions politiques, le bras du peuple ne les

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