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» Mais il paroît très-bien approfondi, et mis dans » tout son jour dans une lettre qui nous reste des » Églises de Vienne et de Lyon, écrite l'an 117, >> et qui est un précieux monument de l'antiquité. » On loue dans cette lettre la modestie de quel» ques fidèles : ils n'ont pas voulu, dit la lettre, » prendre le grand titre de martyrs, (pour quel» ques tribulations) à l'exemple de Jésus-Christ » lequel, étant empreint de Dieu, n'a pas cru sa » proie la qualité d'égal à Dieu. Origène dit >> aussi dans son commentaire sur Jean: la gran» deur de Jésus a plus éclaté quand il s'est humi» lié, que s'il eut fait sa proie d'être égal à Dieu. > En effet l'explication contraire peut paroître un » contre sens. Que signifieroit, croyez les autres » supérieurs à vous; imitez Jésus qui n'a pas » cru que c'étoit une proie, une usurpation de » s'égaler à Dieu ? Ce seroit visiblement se con >> tredire, ce seroit donner un exemple de gran» deur pour un exemple de modestie, ce seroit » pêcher contre la dialectique. » (Ibid.)

Les philosophes firent connoître par un sourire d'approbation qu'ils sentoient toute la finesse de cette ironie. Il est impossible, dirent-ils, de prouver plus respectueusement que les premiers Chrétiens, Origène, et saint Paul, ont été des sots.

Gráces au ciel, cette preuve n'est pas la seule, reprit le grand-homme. Ensuite il cita, tra

duisit et commenta plusieurs passages de St. Paul, des apôtres et des évangélistes. On n'y vit plus rien que de plat et d'extravagant. « On s'est que» rellé, dit-il, sur ce verset de l'Apocalypse: J'en» tendis une voix dans le ciel, c'étoit la voix des grandes eaux, et comme la voix d'un » grand tonnerre. Et cette voix que j'entendis » étoit comme des harpeurs, harpans sur leurs » harpes.» - Ah! ah! ah! voilà du Chapelain : des harpeurs harpans sur leurs harpes. - Les Chrétiens, rendent ainsi ce verset: << j'entendis » une voix qui venoit du ciel, comme un bruit » de grandes eaux, et comme le bruit d'un grand » tonnerre ; et cette voix que j'entendis, étoit » comme le son de plusieurs harpes touchées par » des joueurs d'instrumens. » — Grand-homme ce verset est bien plus plaisant sous votre plume. « Je l'ai traduit mot å mot par respect pour >> texte. Il est clair, ajouta-t-il avec ce rire sardo>nique, dont il accompagnoit toujours ses iro» nies, qu'il valoit mieux respecter l'Apocalypse » que la commenter.» (Quest. sur l'Encyclop., art. Apoc.)

le

La lecture du grand-homme dura encore quelque temps; il la termina par un couplet de sa composition, dont il étoit si charmé que depuis trois mois il ne cessoit de le chanter. ( Voyez la préf. de la trad. des ps. de La Harp.)Ce couplet, dit-il, qui est une traduction fidèle d'un verset dų

psaume 67: que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés, fait toucher au doigt que ce psaume si vanté, n'est qu'une misérable chanson de corps-de-garde. Ensuite, il chanta une douzaine de fois sans se reprendre, et toujours à pleine voix :

Ayez soin, mes chers amis,
De prendre tous les petits
Encore à la mamelle,

Vous briserez leur cervelle
Contre le mur de l'infidèle,

Et les chiens s'abreuveront

De leur sang qu'ils lècheront.

si quelque profane fut entré dans ce moment il auroit pu demander est-ce là l'auteur d'Edipe et de Mérope?

Lorsque le grand-homme eut cessé de chanter, les battemens de mains redoublèrent. On alla ensuite aux voix d'après des preuves aussi concluantes, il fut décidé à l'unanimité que les livres de la Bible, ne contiennent que des absurdités, et que leurs auteurs étoient entièrement dépourvus d'esprit et de goût.

Cette vérité est aujourd'hui reconnue de tous nos philosophes; Voltaire leur a donné la manière de la démontrer, et tous les jours, ils en font usage avec un art qu'on ne sauroit trop ad

mirer mais nul n'a porté cet art aussi loin que l'auteur de la Guerre des dieux. Jugez-en par ces vers qu'il met dans la bouche du Saint-Esprit.

Quoi le cèdre orgueilleux

Sur le Liban domine et touche aux cieux,

Et du chien-dent l'on parleroit encore?

Ils sont jolis ces tortueux ruisseaux

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Qui sous les fleurs glissent leurs foibles eaux,
Mais un torrent en passant les dévore.

J'ai mis un terme à la nuit de l'erreur :
Cachez-vous donc, allumettes, chandelles ;
L'astre du jour dans toute sa splendeur
Vient effacer vos pâles étincelles.

C'est là du galimathias dira-t-on ; j'en conviens. Mais selon l'auteur, ce galimathias est celui des psaumes, c'est celui de toute la Bible. On en croira sans doute Jésus-Christ lui-même, qui, au sujet de ces vers, dit si joliment au Saint-Esprit, que son esprit court après la phrase et qu'il n'a pas un psaume raisonnable. Cela est-il clair?

Autre preuve qui n'est pas moins convaincante Bible et ignorance selon le poëte, sont deux mots synonimes. « A bas le raisonneur » fait-il dire au fondateur du christianisme, enfin » tout ce qui pense; et pour régner, enseignons > l'ignorance. Ou bien la Bible, » ajoute le Saint-Esprit qui n'est pas suspect. Que peut-on désirer de plus? Voltaire n'eut pas dédaigné cette manière de plaisanter et de prouver; c'étoit la sienne. Au lieu de rendre ses personnages vérita

blement ridicules, il leur fait dire nettement qu'ils le sont. C'est aller au plus court. Boileau et Molière, ne connoissoient pas ce genre de satire ou de comédie. Mais aussi Boileau et Molière n'étoient pas des philosophes du dix-huitième siècle.

CHAPITRE X.

Suite de la troisième séance. Comment les philosophes prouvent que les livres sacrés des Chrétiens sont supposés et altérés.

<< L'HOMME est né menteur, dit La Bruyère, >> il n'aime que la fiction et la fable. Voyez le » peuple, il controuve il " il charge augmente, >> par grossièreté et par sottise : demandez même >> au plus honnête homme s'il est toujours vrai >> dans ses discours; s'il ne se surprend pas quel» quefois dans des déguisemens, où engagent né>> cessairement la vanité et la légèreté ; si, pour >> faire un meilleur conte, il ne lui échappe pas » souvent d'ajouter à un fait qu'il récite une cir» constance qui y manque. Une chose arrive au» jourd'hui et presque sous nos yeux, cent per» sonnes qui l'ont vue, la racontent en cent façons différentes, celui-ci, s'il est écouté la dira » encore d'une manière qui n'a pas été dite: » quelle créance donc pourrois-je donner à des >> faits qui sont anciens et éloignés de nous par

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