Images de page
PDF
ePub

» de Moïse on n'écrivoit que sur la pierre. » (Lett. d'un Quak. à l'évêq. Jean-Georges.)

Tout cet amas d'érudition suffoquoit le grandhomme. Il s'arrêta un moment pour reprendre haleine, ensuite il continua.

Il est donc clair que du temps de Moïse, au lieu d'écrire, on gravoit sur les pierres polies, sur la brique, sur le plomb, sur le bois, ou seulement sur la pierre. Ce grand point d'histoire ainsi constaté, je ferai observer que « l'on chan

geoit souvent de demeure dans le désert, que >> les Israélites n'avoient point de graveurs, puis» qu'on manquoit même de farine pour faire du » pain. » (Tr. de la tol., c. 12.) De là je conclurai que dans le court espace de quarante ans, pas été possible de livres tels graver de gros que le Pentateuque. La conséquence qui découle de toutes ces observations saute aux yeux : Moïse n'est pas l'auteur de ce livre.

il n'a

Je sais bien, dit le grand - homme, que les Chrétiens n'admettront ni mon principe ni ma conséquence; mais ils n'oseront pas les combattre ou ils y perdront leur temps: car je déclarerai » qu'il est très-inutile de refuter ceux qui pensent » que le Pentateuque ne fut pas écrit par Moïse. >> (Tr. de la tolér.)

Les autres philosophes et le grand - homme lui-même, enchérirent à l'envi les uns des autres sur cette vigoureuse dialectique. Aux raisonne

mens ils ajoutèrent les autorités; et certes elles étoient imposantes. « Les Manichéens ensei>> guoient en secret à leurs disciples, sans oser » cependant l'avouer en public et sans en don>> ner des preuves, que les livres du nouveau >> Testament avoient été falsifiés.» (Conf. de saint Aug., l. v, c. 1.) Que falloit-il de plus? C'étoit dé si honnêtes gens que les Manichéens! ils avoient une morale si belle, des dogmes si sensés! (St. Aug., mœurs des Chrét., et l. 1, contre les Man., et Dict. de Bayle. ) Ils méritoient bien d'être crus sur leur parole. Leur témoignage fut cité comme décisif.

Nos sages firent plus toujours appuyés sur cette respectable autorité, ils prononcèrent que << les livres du nouveau Testament, sont l'ou» vrage de quelques inconnus, qui, jugeant bien » qu'on ne les croiroit pas sur des choses qu'ils » n'avoient pas vues, mirent à la tête de leurs >> écrits des noms d'apôtres ou d'hommes aposto»liques.» (Rui., not. 33.) C'est en ces termes que l'auteur des Ruines nous a conservé leur arrêt. « Le fait, dit-il, est attesté par Fauste le » manichéen. Et quel étoit ce Fauste? Un des >> plus savans hommes du troisième siècle.» (Ibid.) Il est vrai que saint Augustin ne nous en donne pas une haute opinion. Il raconte que « Fauste >> lui avoua modestement son ignorance sur plusieurs points relatifs au christianisme et au

» manichéisme sur lesquels il étoit allé le consul» ter, qu'il eut lieu en effet de reconnoître par >> lui-même que ce qui prévenoit les esprits en sa >> faveur, c'étoit la grande facilité qu'il avoit à >> parler et qui étoit accompagnée d'adresse d'es» prit, et d'une certaine grâce naturelle ; mais » que de toutes les sciences, il ne savoit que la >> grammaire et encore assez médiocrement; que >> ce fut même cette ignorance qui le dégoûta de » la secte des Manichéens dans laquelle il étoit » engagé depuis long-temps. » (Conf. de saint Aug., l. v, c. 6 et 7.) Mais saint Augustin détruit lui-même son témoignage par le plus impudent de tous les mensonges. Il étoit né en 354, et il prétend avoir eu une entrevue avec Fauste à l'âge d'environ trente ans, c'est-à-dire, à la fin du quatrième siècle. Or la chose est impossible, puisque l'auteur des Ruines assure que Fauste étoit un des plus savans hommes du troisième siècle. Ensuite croyez aux Pères de l'Eglise.

Quelle gloire pour la philosophie, d'avoir ainsi d'un tour de main et malgré les titres les plus authentiques, dépouillé les apôtres et leurs disciples de la propriété des livres qui courent sous leurs noms ! Il ne restoit plus qu'à lever le voile épais qui nous cachoit leur origine. La philosophie l'a tenté et elle y a réussi. Nous savons maintenant ce que ces livres ont été dans le principe, et par quelles métamorphoses successives ils ont pris

enfin la forme sous laquelle nous les possédons aujourd'hui. « Ce sont, dit l'auteur des Ruines, » les livres des Mithriaques de Perse, et des » Esséniens de Syrie, qui n'étoient eux-mêmes >> que des Samanéens réformés car tous con» viennent que Krisna, Fôt, et Jésus, ont abso >> lument les mêmes traits. Mais le préjugé reli» gieux a égaré sur les conséquences à déduire. » C'est au temps et à la raison à le redresser. » (C. 2, et n. 38.) Notre philosophe l'a fait au nom de l'un et de l'autre. Quoi de plus clair et de plus rigoureux que sa démonstration!

CHAPITRE XI.

Suite de la troisième séance. Ce que les philosophes opposent aux preuves du christianisme. - De la dispersion des Juifs et de leur

conservation.

Les livres sacrés des Chrétiens rejetés comme supposés et ineptes, leur religion demeuroit sans appui. A la rigueur, les philosophes auroient pu borner là leur triomphe; mais ils sentoient leurs forces ils résolurent de pousser l'infáme jusque dans ses derniers retranchemens : ils attaquèrent les preuves qu'elle étale avec tant d'assurance.

Voyez, dit-elle, l'état des Juifs sans roi, sans

princes, sans sacrifice, sans autel ; (Osée.) dispersés et errant sur toute la terre depuis plus de dix sept siècles; distingués par leur religion, leurs lois, leurs mœurs et leurs coutumes, des nations parmi lesquelles ils sont répandus; universellement méprisés, haïs, souvent persécutés, et massacrés; et néanmoins toujours subsistans et même excessivement nombreux, malgré toutes ces causes qui auroient dû cent fois les anéantir: c'est une merveille dont il n'y a pas d'exemple, et qui se refuse à toute explication humaine.

Mais cette merveille si incompréhensible et à peine croyable pour ceux mêmes qui en sont les témoins, a été annoncée par leurs prophètes : les circonstances qui l'accompagnent, les caractères qui la distinguent, sa longue durée, l'époque même à laquelle elle devoit commencer, tout a été décrit plusieurs siècles auparavant, dans le plus grand détail et avec une précision que l'évènement a complètement justifiée. C'est un fait qu'il n'est pas permis de révoquer en doute il est attesté par les Juifs eux-mêmes, dépositaires de ces étonnantes prédictions, et qui malgré la flétrissure qu'elle leur imprime, les conservent religieusement, et se les transmettent de père en fils sans se permettre d'y faire la moindre altération. Mais où leurs prophètes ont-ils puisés des lumières si extraordinaires? Est-il donné à l'esprit humain de lire si loin dans l'avenir des évène

« PrécédentContinuer »