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mens qui sont hors de toute vraisemblance? 11 y auroit de la folie à le prétendre. Il faut qu'ici sous le poids de l'évidence succombe l'incrédulité la plus obstinée. C'est Dieu lui-même qui a révelé la dispersion future des Juifs et leur conservation jusqu'à la fin des temps. L'une et l'autre sont donc l'ouvrage de sa droite.

Et pourquoi ce Dieu déploie-t-il une telle rigueur contre un peuple jadis l'objet de ses plus tendres affections? Les prophètes vont encore nous l'apprendre. Les maux terribles que nous vous annonçons, disoient-ils aux Juifs, tomberont sur vous, parce que vous rejèterez et mettrez à mort le Messie que Dieu vous a promis et que vous aurez attendu et demandé avec ardeur pendant tant de siècles; et vous ne cesserez de gémir sous ce joug pesant dont vos têtes seront chargées, qu'au moment où enfin vos yeux et vos cœurs s'ouvriront, et où vous adorerez comme votre libérateur celui que vous aurez percé : autre prédiction aussi incontestable, aussi souvent repétée dans les livres des Juifs, et plus extraordinaire encore que la précédente. Voyons si elle s'est accomplie avec le même éclat.

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J'interroge les Juifs sur ce point leur témoignage ne sauroit être suspect: ils conviennent que quelques années avant leur dispersion, il a paru dans la Judée un homme nommé Jésus, qui s'est donné pour le Messie si souvent annoncé par

leurs prophètes, qu'ils l'ont condamné à mort comme un imposteur, et qu'ils ont demandé à grands cris que son sang fút sur eux et sur leurs enfans. Cet aveu me suffit : satisfait de l'avoir obtenu, je reviens à leurs livres sacrés; je les ouvre et j'y vois clairement deux choses; la première, que l'époque à laquelle leur Messie devoit venir les visiter est celle même où Jésus-Christ a accompli sa mission; la seconde, qu'entre les caractères de ce Messie et ceux que nous remarquons en Jésus-Christ, il existe une parfaite conformité. La conséquence est évidente: le Messie est venu, et ce Messie est Jésus-Christ. Si les Juifs sont punis, c'est parce qu'ils ont méconnu et qu'ils méconnoissent encore aujourd'hui cette importante vérité ; et s'ils sont conservés par un miracle qui dure depuis tant de siècles, c'est pour rendre à cette même vérité un témoignage toujours subsisle déplorable état auquel nous les voyons

par

tant réduits.

Quelle preuve de la divinité du christianisme ! et cette preuve, ce sont ses ennemis les plus acharnés qui nous la donnent eux-mêmes. Elle n'a rien d'abstrait, rien qui exige une grande force, ni une grande contention d'esprit. Il ne faut point, comme dit l'Ecriture, monter au ciel pour l'en faire descendre, ni pénétrer au fond de la terre pour l'en faire sortir, ni voler au-delà des mers, pour la découvrir; elle est toute proche

de nous; nous la voyons, nous la touchons, pour ainsi dire. Tous les efforts de l'incrédulité ne peuvent ni l'obscurcir, ni l'affoiblir.

Nos philosophes en sentirent toute la force. Il faut, dirent-ils, user ici de prudence: les Chrétiens peuvent nous accabler avec cette preuve; feignons de ne pas l'apercevoir; ce sera comme si elle n'existoit pas.

Eh! qu'a-t-elle donc de si terrible? dit Rousseau. A mon gré, Moïse a été un aussi habile législateur que Numa, Licurgue et Mahomet. C'est son génie seul qui a fait des Juifs un corps de nation; c'est aussi son génie qui veille aujourd'hui sur eux, et qui seul les conserve depuis dix-sept siècles malgré leur dispersion. (Cont. social et gouv.de Polog.)

Ah! dit d'Alembert en poussant un profond soupir, que nous avons manqué un beau coup, oui : c'étoit vraiment là un beau coup, un coup de partie pour la philosophie ! « je sus, il ya » quelque temps, qu'un circoncis étoit allé voir » le Grand Frederic de la part du sultan Musta>> pha: aussitôt je me hâtai d'écrire à Berlin, que >> si le roi vouloit seulement dire un mot, ce se>> roit une belle occasion de faire rebâtir le temple » de Jérusalem.» (Lett. à Volt., 8 déc. 1763.) Et alors à bas toutes les prophéties qui annoncent que jamais ce temple ne sera relevé, et que les Juifs demeureront dispersés jusqu'à ce qu'ils de

viennent Chrétiens.-Eh bien ! quel effet a produit cette lettre - Hélas! aucun. Un maudit intérêt s'est opposé à ce triomphe de la philosophie. «Non : » je ne doute pas que nous ne parvinssions à faire >> rebâtir le temple des Juifs, si le roi de Prusse > ne craignoit de perdre à cette négociation quel» ques honnêtes circoncis qui emporteroient de >> chez lui trente ou quarante millions.» (Ibid., 29 déc. 1763.)

O mon cher philosophe, dit affectueusement Voltaire; consolez-vous. Si vous n'avez pas réussi auprès de mon ancien disciple, nous serons plus heureux en nous adressant à Catherine. Voici ce que je me propose de lui écrire pour les intérêts de la bonne cause: « Si votre majesté a une cor>> respondance suivie avec Aly-Bey, j'implore vo>> tre protection auprès de lui. J'ai une petite grâce » à lui demander; ce seroit de faire rebatir le tem» ple de Jérusalem, et d'y rappeler tous les Juifs » qui lui paieroient un gros tribut, et qui feroient » de lui un grand seigneur. » (6 juillet 1771.) Laissez-moi faire: il y aura bien du malheur si nous ne parvenons pas à donner un démenti au Dieu des Chrétiens et à ses prophètes.

Je le souhaite, dit un des assistans; mais vous le savez, notre grand empereur Julien, a tenté ce que notre philosophie voudroit exécuter aujourd'hui, et il n'y a pas réussi. Cependant il avoit consacré à cette entreprise des sommes immenses,

et il assistoit les Juifs de toutes les forces de l'em

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pire. Et qui sont ceux qui racontent cette ridicule anecdote, dirent quelques sages d'un ton de dédain? Des auteurs ecclésiastique? Ne repèterezvous pas aussi après eux, que les ouvriers ne purent poser les fondemens du temple, parce qu'ils furent repoussés par des globes de feu? - Les auteurs ecclésiastiques, répartit le philosophe un peu piqué, ne sont pas les seuls qui rapportent ce fait, Il est attesté par les païens mêmes. Ammien - Marcellin, gentil de religion, et zélé défenseur de Julien, l'a raconté en ces termes. « Pendant qu'Alipius aidé du gouverneur de la >> province avançoit l'ouvrage autant qu'il pou» voit, de terribles globes de feu sortirent des » fondemens qu'ils avoient auparavant ébranlés >> par des secousses violentes; les ouvriers qui >> recommencèrent souvent l'ouvrage, furent brû»lés à diverses reprises : le lieu devint inaccessi» ble et l'entreprise cessa. >>

Morbleu, dit Voltaire, en frappant la terre du pied avec humeur ; je n'aime point qu'on parle de cette entreprise de Julien. Eh bien ! prouvez donc à nos Welches pour l'honneur de la philosophie, que , que c'est un conte inventé à plaisir. Oui, certes, je le prouverai ; ou je cesserai d'être philosophe.

<< Des globes de feu ne sortent ni de la pierre, >> ni de la terre. Ammien et ceux qui l'ont cité

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