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utiles pour les befoins, tant du corps, que de l'ame. Il arriva en même-tems, que cet Offcier tomba dans une maladie dangereufe: l'art des Médecins ordinaires ne put le foulager; il fe voyoit mourir, lorsque la pensée lui vint d'appeller celuilà même, à qui il venoit de défendre d'exercer la Médecine.

Le Prince François y alla volontiers, dans l'efpérance de le guérir, & de ménager sa converfion. Il vint à bout de lui rendre la fanté : mais quelque touchantes que furent fes exhortations, elles ne purent rien fur l'efprit d'un homme, que la crainte de perdre fa charge, touchoit prefque autant que l'amour de la vie. Ce Mandarin donna cependant au Prince François des marques de fa reconnoiffance, mais qui furent

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lui

bien différentes de celles qu'il attendoit. Il alla le remercier dans fa maison, & il l'exhorta à moderer fon zéle, ou du moins à ne pas fortir de fa banniere, parceque tôt ou tard l'empreffement avec lequel il parcouroit les différentes bannieres attireroit quelque nouvelle difgrace. Mais ayant vû que fes remontrances étoient inutiles, il prit le deffein de lui en faire parler par un ami commun, qui auroit plus de crédit fur fon efprit. C'étoit pour lors fon tour de venir rendre compte à Peking de l'état de la Garnison, & des Troupes qui compofent les Bannieres. Là il rendit visite à un Médecin Chrétien nommé François Ouei, qu'il avoit connu avant que d'aller en garnison au Fourdane. Il fçavoit les liaisons d'amitié que ce Médecin avoit

avec le Prince François, & qu'il avoit fait les fonctions de Médecin & de Catéchiste dans fon Palais & dans celui de fes freres.

Ce Mandarin commença par lui compter l'histoire de fa guérifon, & la dure néceffité où il fe trouvoit d'accufer fon-Bienfaicteur, ou de perdre fa Char»ge, & peut-être la liberté. « J'al» lai, dit-il, chez lui pour le re» mercier de fes fervices: mais » au lieu de me recevoir dans la » falle ordinaire, comme il se pra» tique avec les hôtes, il m'intro» duisit, pour me faire plus d'hon» neur, jufques dans l'intérieur de » fa maison, & au milieu de toute "fa famille.

La premiere chofe que j'ap>> perçus, fut une grande Chapelle » ornée d'Images, de croix, & de » tout ce qui eft à l'ufage des » Chrétiens. Je fus d'abord ef

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frayé de cet appareil extérieur « d'une Religion qui eft profcrite. « Je le priai de garder plus de « mefures, & de vacquer plus « fécretement & avec moins d'é- « clat aux exercices de fa Reli-« gion. Je lui ajoûtai que je ne « défapprouvois pas fon attache-«< ment à la Loi Chrétienne,pour-«< vû qu'il en fît profeffion en fon «< particulier, & dans l'intérieur « de fa famille. Enfin j'allai juf-« qu'à lui promettre de fermer les «< yeux fur fa conduite, s'il me« promettoit à fon tour de n'aller «< que chez les Soldats dont je fuis « chargé, ou tout au plus chez «< ceux de la même Banniere ; « qu'en cas de recherche j'aurois << de quoi me difculper; mais que «< s'il continuoit de vifiter indif-«< féremment tout le monde, je « ne pourois pas me réfoudre à « courir un tel rifque, & que je «

» ne le fauverois pas, en me per»dant moi-même. Toutes mes ›› remontrances furent vaines ; & »je ne pus rien gagner fur un » homme entêté de fes idées. » D'ailleurs, comme il eft à moi» tié fourd, il ne pouvoit enten» dre qu'une partie de ce que je » lui difois. C'eft pourquoi je vous » prie, vous qui êtes fon ami, de » lui faire connoître dans ungrand » détail toutes les raifons qui peu» vent l'engager à fuivre mes con» feils: fa trifte fituation me tou» che; quoique maintenant il dé» pende de moi, & que j'aie droit » de lui commander, je me fou» viens toûjours du refpect que je » lui devois autrefois ; & je n'ou» blie point qu'il ne m'étoit per» mis de paroître devant lui qu'en » fléchiffant le genou. Je ferois au » défespoir qu'il lui arrivât quel» que nouveau malheur. Ecrivez

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