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pas, qu'il fe conforme à mon intention, & rempliffe exactement les devoirs d'un bon fils.

Cette peine de mort fut changée en deux mois de * Cangue, & quarante coups d'un long bâton plat, dont on frape le coupable fur la chair nuë, après l'avoir étendu tout de fon long le ventre contre terre. C'est le châtiment ordinaire dans des cas femblables ; & il eft très-rare que l'Empereur accorde grace entiere à qui que ce, foit, fût-il de la premiere quali té, quand il s'agit d'un meurtre. Il faut cependant remarquer

*La Cangue est compofé de plufieurs ou du moins de deux morceaux de bois échan crez au milieu , pour y mettre le col du coupable. Lorfqu'il eft condamné par le Mandarin à porter la Cangue, on prend ces morceaux de bois, on les met fur fes épaules, & on les unit enfemble, de forte qu'il n'y a place que pour le col. Il porte jour & nuit cet incommode fardeau

que fi celui qui a été tué, étoir fils unique, & & que fes parens fuffent pareillement dans un âge avancé; pour garder l'égalité, on ne feroit point grace au coupable. Les parens du mort n'aïant plus d'enfans pour les fervir, il ne convient pas auffi de laiffer aux parens du coupa ble un fils qui les ferve. Ils feront traitez également. De plus, fi le coupable a des freres ; ou fi les freres ont des enfans qui foient en âge & en état de rendre aux parens les fervices que le coupable leur rendroit ; on fuit la Loi qui le condamne à mort. Enfin cette grace de la vie ne s'accorde que pour les meurtres ordinaires, qui n'ont rien d'énorme. C'eft ainfi que récemment l'Empereur n'a pas voulu faire grace à une femme qui avoit tué une autre femme

quoique fon fils, par une pieté qu'on ne peut affez admirer, mais qui n'eft pas rare à la Chine, s'offrit de mourir à la place de fa mere. Ce fait me paroît digne d'être rapporté. Le voici tel qu'il étoit contenu dans un memorial duVice-Roi de la Province du Kiang-fi.

Exemple d'un fils qui demande la grace de mourir à la place de fa mere.

Deux femmes, difoit ce ViceRoy, fe font battuës dans le district de la Ville de r-hoang L'une s'appelle Vang, l'autre Tchang. Elles demeuroient dans le même Village, & étoient voifines. Celle qui fe nomme Vang, prit la paille de fon lit, & l'étendit dehors, pour l'expofer au Soleil, & diffiper l'hu

midité qu'elle avoit contractée dans le temps des pluyes.

Elle ne fe contenta pas de l'étendre devant fa porte, elle l'étendit encore devant la maifon de fa voifine apellée Tchang. Celle-ci le trouvant mauvais, crie de toutes fes forces contre fa voisine, prend la paille & la jette de l'autre côté. Celle-là fort brufquement, & l'accable d'injures. Vang transportée de fureur, court fur fa voisine, & lui donne un coup de tête dans le fein. Elles fe prennent aux cheveux, fe battent violemment; de forte que Vang mourut le jour fuivant des coups qu'elle avoit reçûës: Or, felon la Loi, la femme Tchang, qui a tué l'autre, doit être étranglée, jusqu'à ce que mort s'enfuive. C'est donc à mourir de ce fupplice, que je la condamne,

Cependant elle a un fils âgé de 18. ans, qui s'eft préfenté à tous les Tribunaux,& prie avec beaucoup d'instance & de lar mes, qu'on accepte sa vie pour celle de fa mere. Il veut mourir à sa place non-feulement pour l'amour de fa mere, à qui il doit la vie ; mais encore en faveur de fon frere qui eft fort jeune, & qui a befoin de fa mere pour fon éducation. Je n'ignore pas que la Loi ne permet point qu'un autre perde la vie, pour conferver celle d'un coupable condamné à mort. Mais cet exemple de pieté filiale m'a paru beau, & meriter d'aller jufqu'aux oreilles de votre Majefté.

Le Souverain Tribunal fuivit le Jugement du ViceRoy, & porta Sentence de mort contre la femme Tchang,

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