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précieux fragmens conquis sur la vérité, et que le public. reconnaissant accueille avec tout l'intérêt qu'ils inspirent.

M. Dulaure, déjà célèbre par son Histoire de Paris, vient se placer aussi au rang des laborieux explorateurs de cette mine si féconde en faits extraordinaires. Sous le titre modeste d'Esquisses historiques des principaux événemens de la révolution française, depuis la convocation des états-généraux jusqu'au rétablissement de la maison de Bourbon, il trace d'une main ferme et vigoureuse les plus mémorables scènes de cette grande et longue crise politique dont il fut aussi le témoin, car ses propres souvenirs viennent encore concourir à la perfection de son travail. Sa probité, son exactitude scrupuleuse, son esprit observateur et ses méditations, tout instruit et fait vivement penser dans ce tableau neuf et original des grands traits de cette époque. M. Dulaure, plus occupé des choses que des hommes, et des événemens que de ceux qui les ont secrètement amenés, expose à ses lecteurs et dans l'ordre chronologique le plus satisfaisant les principales faces de cette histoire étonnante avec le calme d'un sage et le courage qu'inspire la vérité.

X,

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LA MORT D'HECTOR.

FRAGMENT TRADUIT DU XXII CHant de l'Iliade, par

M. A. BIGNAN.

que

(Hector reste inébranlable dans son dessein. Achille approche et le poursuit tous deux, d'un vol rival, parcourent la plaine domine Ilion; enfin Hector attend son ennemi. Il est abusé par Minerve qui, pour ranimer son courage, emprunte les traits de son frère Deïphobe, et feint d'avoir quitté les remparts pour voler à son secours : elle l'abandonne quand le combat 1 s'engage.)

L'UN sur l'autre à grands pas tous deux sont accourus;
Lorsqu'Hector le premier : « Je ne te fuirai plus,
>> Achille! Si trois fois j'évitai ta présence,

» Mon cœur brûle aujourd'hui d'éprouver ta vaillance.
» Le triomphe ou la mort, voilà mon seul espoir.
» Mais attestons des Dieux le souverain pouvoir;
>> Si tu dois succomber, ne crains aucune injure ;
>> Content et glorieux de ravir ton armure,
>> Entre les mains des Grecs je laisserai ton corps.
» Par un double serment confirmons nos accords. >>
Le Grec sur le Troyen jette un regard farouche :
« Cruel Hector! Quels mots s'échappent de ta bouche!
» Un serment ! Et c'est toi qui l'oses demander !
» Vois-tu l'agneau timide et le loup s'accorder ?
» Les hommes, les lions s'unissent-ils ensemble?
» Non, jamais de traité, de paix qui nous rassemble :
» Il faut que l'un de nous, par son sanglant trépas,
» Apaise la fureur du démon des combats.

II.

» Voici, voici l'instant d'opposer à ma rage
>> Les efforts réunis de ton mâle courage.

»Tu ne peux par la fuite éviter mon courroux;
» Plus d'espoir! C'est Pallas qui dirige mes coups,
» Et ta mort vengera les guerriers magnanimes
» Précipités par toi dans les sombres abîmes. >>
Il parle et le trait fuit echappé de sa main ;
Mais Hector l'aperçoit ; il s'incline et l'airain
S'égare dans le sable et s'y plonge immobile;
Pallas le ressaisit pour en armer Achille.
«Eh bien! s'écrie Hector, le puissant Jupiter
» A trahi ton espoir en détournant ton fer.
» Perfide! tu pensais à force d'insolence.
» Ébranler mon audace et glacer ma vaillance.
>> Un coup déshonorant ne m'atteindra jamais.
>> Viens, frappe, si tels sont les célestes décrets....
» Mais évite plutôt ma lance meurtrière....

>> Puisse-t-elle en ton cœur s'enfoncer tout entière !
>> Quel triomphe pour moi, si la nuit du tombeau
>> Dévorait d'Ilion l'implacable fléau ! »

Dans ses mains balancé le trait vole et s'émousse
Contre le bouclier dont l'airain le

repousse.

Le Troyen, frémissant de honte et de douleur,
Pâlit; le javelot n'arme plus sa valeur.

Il s'arrête, et ses cris appellent Déïphobe.
A ses yeux consternés Minerve se dérobe.

Alors d'un doute affreux son cœur est combattu ;

Tour à tour furieux, tour à tour abattu:

« C'en est fait, je vois trop par quelle indigne ruse

» L'Olympe m'abandonne et Minerve m'abuse.

>> Mon frère est dans nos murs... Partout, partout la mort.

>> Phoebus et Jupiter me livrent à mon sort.

» Il faut périr... Eh bien! périssons avec gloire,

» Et qu'un dernier exploit s'attache à ma mémoire. »

A ces mots, saisissant d'un bras désespéré

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Le redoutable poids de son glaive acéré,
Sur le fils de Thétis Hector fond avec rage:
Tel une aigle, à travers un ténébreux nuage,
Sur l'agneau fugitif ou le lièvre tremblant
Abat du haut des cieux son vol étincelant.
Sous l'abri protecteur du bouclier immense
Achille furieux et s'agite et s'élance,
Et de son casque d'or le quadruple cimier
Flotte et répand au loin un éclat meurtrier,
Comme le roi brillant du peuple des étoiles,
Hesperus, de la nuit perçant les sombres voiles,
Fait
rayonner ses feux
messagers du matin :
Le trait, captif encore, étincelle en sa main.
S'il mesure des yeux la place où son courage
Jusqu'au cœur ennemi peut s'ouvrir un passage,
L'armure de Patrocle offre de toute part

A son trait un obstacle, à son glaive un rempart.
Mais enfin vers l'endroit où, du cou séparée,

L'épaule laisse au fer une plus libre entrée,

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Il dirige sa lance, et l'homicide acier

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Daus la gorge d'Hector se plonge tout entier.
Hector roule à grand bruit, et sa bouche tremblante
N'exhale qu'avec peine une voix défaillante.
Achille triomphant joint l'insulte au courroux:
<< Insensé ! quand Patrocle expira sous tes coups
» Pensais-tu que toujours ma valeur immobile
>> Dans un lâche repos dormirait inutile?
» Du fond de mes vaisseaux tu ne voyais donc
» S'élancer un vengeur armé pour ton trépas ?
>> Tandis que tes débris, couchés sans sépulture,
» Deviendront des vautours la honteuse pâture
» La Grèce enfermera dans un tombeau pieux
» Du guerrier le plus cher les restes précieux.:
Hector laisse tomber une voix affaiblie :
« Par le vertueux père à qui tu dois la vie,

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pas

99

443935 A

» Par toi, par ces genoux qu'embrasse ma douleur,

>>

Épargne à ta victime un dernier déshonneur.

» Bientôt Priam, bientôt une épouse éperdue,

» Les trésors à la main, s'offriront à ta vue.

>> Daigne rendre à leurs pleurs la dépouille d'un fils, >> Et qu'au moins les bûchers consument mes débris. » « Lâche! répond Achille enflammé de colère; » Ne crois pas m'attendrir au souvenir d'un père. » Dans mon avide sein que n'ai-je dévoré

» Les restes palpitans d'un rival abhorré !

» Non, non, pour t'arracher de mes mains vengeresses, >> Dût Pergame doubler et tripler ses largesses,

» Dût Priam, à mes pieds déposant tout son or,

>> Et m'en offrir toujours et m'en promettre encor,

>> Jamais on ne verra ta gémissante mère

>> Honorer de ses pleurs ta couche funéraire.

» Point d'accord, point de grâce; à la faim des corbeaux, >> De tes membres sanglans j'ai promis les lambeaux, » Il a dit ; mais Hector que la douleur accable : « Je reconnais Achille à sa rage implacable; >> Oui, ton cœur est de fer; mais crains le ciel » Tremble! l'instant approche où, frappant ta valeur, Apollon et Pâris sous les portes de Scée............ »

>>

Ces mots à peine ont fui de sa lèvre glacée,
Son œil mourant se fermé à la clarté du jour,
Et son ame s'envole au ténébreux séjour,
Déplorant sa valeur du ciel abandonnée,
Et sa courte jeunesse en sa fleur moissonnée.

vengeur.

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