LA LOGIQUE, ου L'ART DE PENSER, CONTENANT, Outre les regles communes, PLUSIEURS OBSERVATIONS Nouvelle Edition, revue & corrigée. A PARIS, M. D C C. L X X V. A VIS. * LA naiffance de ce petit Ouvrage eft dûe entiérement au hafard, & plutôt à une efpece de divertiffement, qu'à un dessein sérieux. Une perfonne de condition entretenant un jeune Seigneur qui, dans un âge peu avancé, faifoit paroître beaucoup de folidité & de pénétration d'efprit, lui dit qu'étant jeune, il avoit trouvé un homme qui l'avoit rendu en quinze jours capable de répondre d'une par. tie de la Logique. Ce difcours donna occafion à une autre perfonne qui étoit préfente, & qui n'avcit pas grande eftime de cette fcience de répondre en riant que fi Monfieur... vouloit en prendre la peine, on s'engageroit bien de lui apprendre en quatre ou cinq jours *M. Honoré d'Albert, Duc de Chevreufe. tout ce qu'il y avoit d'utile dans la Logique. Cette propofition faite en l'air, ayant fervi quelque tems d'entretien, on se réfolut d'en faire l'effai; mais, comme on ne jugea pas les Logiques ordinaires affez courtes, ni affez nettes, on eut la pensée d'en faire un petit abrégé qui ne fût que pour lui. C'est l'unique vue qu'on avoit, lorfqu'on commença d'y travailler, & on ne penfoit pas y employer plus d'un jour; mais , quand on voulut s'y appliquer, il vint dans l'efprit tant de réflexions nouvelles, qu'on fut obligé de les écrire, pour s'en décharger : ainfi, au lieu d'un jour, on y en employa quatre ou cinq, pendant lefquels on formą le corps de cette Logique, à laquelle on a depuis ajouté diverfes choses. Or, quoiqu'on ait embraffé beaucoup plus de matieres qu'on ne s'étoit engagé de faire d'abord, néanmoins l'effai en réuffit comme on fe l'étoit promis; car ce jeune Seigneur l'ayant lui-même réduite en quatre Tables, il en apprit facilement une par jour, fans même qu'il eût prefque befoin de perfonne pour l'entendre. Il eft vrai qu'on ne doit pas efpérer que d'autres que lui y entrent avec la même facilité; fon ef prit étant tout-à-fait extraordinaire dans toutes les chofes qui dépendent de l'intelligence. Voilà la rencontre qui a produit cet Ouvrage : mais, quelque fentiment qu'on en ait, on ne peut, au moins avec justice, en défapprouver l'impreffion, puifqu'elle a été plutôt forcée que volontaire : car plufieurs perfonnes en ayant tiré des copies manufcrites, ce qu'on fait affez ne pouvoir fe faire, fans qu'il s'y gliffe beaucoup de fautes; on a eu avis que les Libraires fe difpofoient à l'imprimer : de forte qu'on a jugé plus à propos de le donner au Public correct & entier, que de permettre qu'on l'imprimât fur des |