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On voit, d'après cet exposé rapide et nécessairement incomplet, quelle est la situation du Ministère de l'Intérieur considéré dans ses diverses attributions. L'arriéré de ce Ministère ne peut être encore évalué avec exactitude: les renseignemens demandés aux Préfets ne sont pas tous arrivés; une estimation générale fixe cet arriéré entre 40 et 50,000,000. Les entreprises commencées et maintenant suspendues exigeraient pour être terminées une somme encore plus considérable; de grandes réformes ont déjà été faites, on en verra la preuve dans le Budjet proposé pour cette année; mais leur effet ne peut encore se faire sentir, et telle est notre situation, que les funestes conséquences des opérations du dernier Gouvernement se développent maintenant dans toute leur étendue, tandis que les résultats salutaires des opérations nouvelles tarderont encore long-tems à se manifester.

Ministère de la Guerre.-Nous ne pouvons présenter sur le Ministère de la Guerre que des résultats approximatifs, dont l'exactitude ne saurait être garantie. Là était le principe du mal; de là est venu le désordre qui s'est étendu dans toutes les parties de l'Administration on sent que ce désordre devait être plus grand encore dans le Ministère qui en était, pour ainsi dire, le centre et le foyer. Les désastres des 3 dernières Campagnes ont plongé dans le cahos cette Administration déjà si compliquée; des Commissaires Liquidateurs ont été chargés d'examiner les pertes faites dans ces Campagnes et les dettes qui en sont résultées; mais tous les matériaux nécessaires à ce travail ne sont pas encore retrouvés, et l'on ne peut y suppléer que par des évaluations plus ou moins incertaines.

L'état de la Force Armée de Terre que possédait la France au mois de Mai dernier, s'élevait à plus de 520,000 Hommes, en y comprenant la Gendarmerie, les Vétérans, les Invalides et les Canonniers Gardes-Côtes. Indépendamment de cette Force, il existe 122,597 Militaires de tout grade jouissant de la solde de retraite ou du traitement de réforme.

160,000 Prisonniers nous reviennent de Prusse, d'Autriche, d'Angleterre, et de Russie.

L'Etat-Major de l'Armée, y compris le Corps des IngénieursGéographes, des Inspecteurs aux Revues et des Commissaires des Guerres, se compose de 1874 Individus.

La solde d'activité, de la masse ordinaire, des supplémens d'étape, et des indemnités de tout genre devait s'élever pour 1814, à ........

..... 202,000,000

Les soldes de retraite et traitemens de réforme devaient coûter

34,000,000

Total ............... 236,000,000

La Guerre de 1812 et 1813 a détruit en effets d'Artillerie et

d'approvisionnemens de Guerre de tout genre, un capital de 250,000,000*.

Depuis 1804, l'entretien des Places de Guerre de l'ancienne France a coûté 55,000,000, et celui des Places de Guerre situées dans les Pays auxquels la France renonce aujourd'hui, s'est élevé à 115,000,000.

En résumé, le Budjet du Ministère de la Guerre proprement dit, avait été fixé pour tous les services réunis, pendant l'exercice 1814, à 360,000,000.

On sait que, depuis quelques années, ce Ministère était divisé en 2 parties, le Ministère de la Gaerre et celui de l'Administration de la Guerre. Les dépenses de ce dernier Ministère ont été portées,

En 1812, à .....

En 1813,

En 1814, elle devait s'élever à .......

238,000,000

374,000,000

........ 380,000,000

Ce qui aurait fait pour l'année 1814, entre les 2 Ministères de la Guerre, une dépense de 740,000,000.

Aussi l'arriéré de ces 2 Ministères est-il énorme; celui du Ministère de la Guerre se monte, d'après les Etats présentés, à 104,000,000 Et celui de l'Administration de la Guerre, à ...... 157,000,000 Total............ 261,000,000

Mais ces Etats ne sont point complets, les créances dont ils se composent ne sont liquidées qu'en partie; l'arriéré des Armées pendant les années 1811, 1812, 1813, et 1814 est encore inconnu. Enfin, on n'y a pas compris plus de 100,000,000 qui ont été ordonnancés par les 2 Ministères, que, par conséquent, ils ne comptent plus dans leur dette, mais que le Trésor n'a pu payer.

Ajoutons qu'il faut aussi comprendre dans les dépenses occasionnées par la Guerre, ces réquisitions dont nous avons déjà parlé, et plusieurs autres objets qui, pour n'avoir pas été à la charge du Trésor, n'ont pas moins pesé sur la Nation. Telle a été la dépense des Gardes. d'Honneur, et des offres de Cavaliers montés et équipés; dépense qui s'est élevée, pour les Départemens de l'ancienne France, à 15,611,041 francs.

Ministère de la Marine.-La Marine Militaire s'est successivement affaiblie par les moyens même qui, depuis 14 ans, ont été employés pour lui donner l'apparence de la force.

Faire sur toutes les Côtes l'étalage d'une puissance factice, paraître méditer des projets gigantesques, tandis que les moyens, dans leur

• Etat des principales Pertes du Matériel de la Guerre.

210 Pièces de Canon de tout calibre.

1,200,000 Projectiles de toute espèce.
600,000 Fusils et Armes portatives.
12,000 Voitures d'Artillerie,
70,000 Chevaux.

exagération même, étaient insuffisans; ne voir dans les Hommes de Mer que des Recrues éventuelles pour l'Armée de Terre; voilà le système constamment suivi par le Gouvernement qui vient de finir; et qui a amené l'anéantissement de la Population maritime, et l'entier épuisement de nos Arsenaux. Les représentations des Hommes les plus sensés, des Marins les plus expérimentés, l'évidence matérielle même, furent toujours vaines pour arrêter ces folles entreprises, ces mesures violentes qui appartenaient à un plan de domination oppressive dans toutes ses parties.

C'est ainsi qu'en 1804 on annonça fastueusement le projet d'une déscente en Angleterre. Aussitôt un Port où l'on ne devait jamais voir que des Barques de pêches et des Paquebots, est converti en un vaste Arsenal maritime; on fait des travaux hydrauliques immenses sur une plage que les vents et les marées couvrent sans cesse de sable; on élève à grands frais des forts, des batteries, des ateliers, des magasins; des milliers de Bâtimens sont mis en construction, sont achetés sur toutes les Côtes de l'Océan, dans l'intérieur des Rivières, sans considérer s'ils pourront parvenir au lieu marqué pour leur réunion; Paris même voit dans ses murs se former un chantier naval : les bois, les approvisionnemens les plus précieux sont consacrés à construire, à armer ces Bateaux de différentes espèces qui n'avaient pas même l'avantage de convenir à leur destination! et que reste-t-il aujourd'hui de tous ces armemens? Des débris de quelques Barques; de déplorables comptes qui attestent que, pour créer et voir se détruire successivement cette Flottille monstrueuse, plus de 150,000,000 ont été sacrifiés depuis 1803 jusqu'à ce jour.

Tout ce que le talent des Ingénieurs, la persévérance courageuse des Marins pouvait faire, on l'avait obtenu sur l'Escaut; en peu de tems une Escadre nombreuse navigue facilement sur un Fleuve que l'on croyait inaccessible à de grands Bâtimens de Guerre; de nombreux Equipages formés par les soins d'un Amiral habile, secondent quand il faut les opérations de l'Armée de Terre ; et tout récemment on les a vus défendre avec une rare bravoure l'Arsenal d'où leur Flotte était sortie.

Mais ce genre de succès ne suffit pas à l'orgueil de la Puissance; c'est l'espoir de vaincre la nature qui peut seul le flatter; et aussitôt les bords de l'Escaut se couvrent de chantiers que toutes les forêts voisines n'auraient pu alimenter, si l'activité de ces constructions eût dû se prolonger. C'est en vain que l'on représente qu'il peut suffire d'un hiver rigoureux pour changer le gisement des bancs et fermer les passes que des Vaisseaux de premier rang auraient à franchir; que chaque année, à l'approche des glaces, les Equipages viennent se renfermer dans des bassins ou ils perdent en peu de mois ce que leurs Officiers leur ont si péniblement enseigné pendant la belle saison; rien n'est écouté, et les Trésors de la France sont prodigués pour parvenir à un but qu'il était impossible d'atteindre.

L'expérience constate que l'emploi des approvisionnemens n'est jamais plus économiqué et mieux surveillé que lorsque l'on concentre sur un seul point les plus grandes et les plus petites constructions; mais il faut imposer; et sous prétexte de procurer du travail aux Ouvriers marins, de mettre en œuvre les bois existans sur les lieux, on entreprend des constructions dans des Ports envasés, sans rade, sans mouillage sur et protégé, exposés pendant l'hiver à l'effet des débâcles, ou dont l'entrée est fermée par une barre difficile à franchir. De-là des états-majors nombreux et une administration considérable et dispendieuse.

Les grands Travaux exécutés à Cherbourg avec tant de succès, la belle Escadre de Toulon, présentent seuls des résultats utiles; ailleurs on n'apperçoit que fautes, qu'imprévoyances.

Tous nos Arsenaux sont entièrement démunis; on a dissipé cet immense mobilier naval que Louis XVI avait soigneusement fait préparer lors de la Paix de 1783, et depuis 15 ans la France a perdu en expéditions mal conçues, mal combinées, 43 Vaisseaux, 82 Frégates, 76 Corvettes et 62 Bâtimens de transport ou avisos que l'on ne remplacerait pas avec 200,000,000. (Tableau A.)

Le Port de Brest, le plus beau*, le meilleur peut-être de l'Europe, où des Flottes immenses peuvent être réunies en sûreté, où il existe de vastes et magnifiques établissemens, a été entièrement délaissé.

Si les Arsenaux sont épuisés et sans munitions, les Vaisseaux sont encore plus dépourvus de véritables Hommes de Mer.

La perte de nos Colonies, les mesures arbitraires qui tourmentaient sans cesse le commerce, les vexations exercées sur les Pêcheurs, la longue durée de la Guerre, les revers éprouvés par nos Flottes auraient suffi pour anéantir la Population maritime; mais par une autre cause encore, le dernier Gouvernement en avait, pour ainsi dire, prononcé la perte absolue.

Nos Equipages, que l'extinction de la race des Gens de Mer ne permettait plus de recruter qu'avec des Conscrits, ont reçu l'organisation des Régimens de Ligne; et l'on a vu plusieurs de ces Equipages courir de leurs Vaisseaux dans les champs de l'Allemagne et dans les montagnes des Asturies: commandés par des Chefs valeureux, ils ont concouru à soutenir l'éclat des Armes Françaises; mais ils perdaient dans les Camps toutes les habitudes de la Mer.

Cette double gloire avait dû séduire beaucoup d'Officiers de la Marine; le désir d'avoir toujours avec eux les mêmes Compagnons, leur semblait se justifier par l'espérance d'une plus forte discipline; mais il échappait à ces Officiers que la Guerre ne pouvait pas être

* Depuis la rédaction de cette note, le Roi a ordonné des dispositions qui vont rendre au Port de Brest son ancienne importance.

perpétuelle; qu'en tems de Paix l'Etat ne pouvait pas garder sous son Pavillon cette foule de Matelots Soldats; que ce Régime était entièrement opposé aux goûts et aux usages des Marins, qu'il tendait sur-tout à les retenir dans un célibat funeste pour la Marine et pour le Royaume.

Il importe donc de faire cesser un Régime qui présente aussi le grave inconvénient de faire trop reposer les intérêts pécuniaires du Matelot entre les mains de ses Officiers, pour lesquels rien ne doit altérer son respect et sa confiance.

Le Tableau ci-joint fera connaître l'état actuel de nos Forces Navales. (Tableau B.)

La dette totale de la Marine se monte à 61,300,000 francs.

Ministère des Finances.-L'exposé de la situation du Ministère des Finances doit offrir l'explication de celle de tous les autres Ministères; mais ici se concentrent les résultats. Avant de les faire connaître, il importe d'expliquer de quelle manière l'ancien Gouvernement était parvenu à les cacher.

Au premier coup-d'œil, le système de finances de l'ancien Gouvernement se présente avec une apparence d'ordre et d'exactitude.

Avant le commencement de chaque année, le Ministre des Finances devait réunir les demandes des Ministres pour les dépenses de l'année, et en former le Budjet des Dépenses.

Il devait également former, par apperçu, l'état du produit des Impôts et Revenus, et en déduire le Budjet des Recettes.

Ces 2 Tableaux mis en balance composaient le Budjet général de l'Etat, et semblaient promettre qu'on pourrait pourvoir aux dépenses de tous les services, en réalisant tous les Revenus.

Mais cet équilibre n'était que fictif, et le Budjet, soit des Recettes, soit des Dépenses, était altéré par une foule d'inexactitudes et même de faussetés.

Les fonds dits Spéciaux, objet de plus de 100,000,000 par an, n'étaient pas compris dans le Budjet; beaucoup de dépenses extraordinaires n'étaient portées à aucun Ministère.

Les dépenses de la Guerre étaient calculées sur un effectif, trèsinférieur à l'effectif réel; une ou plusieurs Conscriptions étaient levées; des remontes, des approvisionnemens et des travaux étaient ordonnés dans le cours d'une année, sans que les crédits fussent augmentés proportionnellement. Les crédits devenaient donc nécessairement insuffisans, et un arriéré considérable se formait et s'accroissait chaque jour.

La plupart des produits présumés portés au Budjet étaient de plus ou éventuels ou exagérés; on ne pouvait les réaliser; ou l'on n'obtenait qu'une somme inférieure à leur évaluation. Ainsi les Budjets

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