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Elle occasiona une discussion avec l'abbé Chamillard, qui pour lors étoit prieur de Sorbonne. Il avoit exigé de l'abbé Bossuet des preuves par écrit de quelques conclusions de sa thèse. M. Pereyret, qui pour lors étoit grand-maître de Navarre, fut offensé qu'on eût fait une espèce d'affront au plus digne sujet de la licence. Il imagina que ce pouvoit être un effet de la rivalité des deux maisons; et, conjointement avec les docteurs de Navarre, il ordonna à l'abbé Bossuet de ne donner au prieur de Sorbonne que le titre de doctissime domine prior, au lieu de celui de dignissime qu'on étoit dans l'usage de lui donner, et qu'en conséquence il prétendoit lui être dû. Le prieur, offensé de ce que l'abbé Bossuet manquoit au cérémonial, et soutenu des docteurs de la maison de Sorbonne, rompit l'acte. Alors les docteurs de la maison de Navarre se transportèrent aux Jacobins, où se rendirent tous les bacheliers de la licence, et l'acte fut soutenu dans l'école de Saint-Thomas-d'Aquin. La maison de Sorbonne prétendit qu'il étoit nul. Cette contestation donna occasion à un procès qui fut porté à la grand'chambre. L'abbé Bossuet plaida lui-même sa cause en latin'. L'abbé Chamillard, qui étoit présent, n'osa se commettre avec un adversaire si redoutable: il laissa parler pour lui et pour la Sorbonne les avocats. M. Omer Talon, avocat général, conclut pour l'abbé Bossuet, et l'arrêt lui fut favorable. M. le premier président, l'illustre Matthieu Molé, én le prononçant, fit l'éloge de l'abbé Bossuet. Mais en même temps qu'il fut décidé que la thèse soutenue aux Jacobins tiendroit lieu de sorbonique, il fut réglé qu'à l'avenir le prieur de Sorbonne seroit traité de dignissime, suivant l'usage ordinaire. L'arrêt est du 26 avril 4654.

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sique, qu'il regardoit comme un principe très propre et très solide pour expliquer les principales difficultés de la matière de la grace. C'est ce que l'on peut voir dans la Défense de la tradition et des saints Pères, imprimée après sa mort. Il y explique toute l'économie de ce mystère, les divers sentiments de l'école, les difficultés qui se trouvent dans chaque système, ce que la tradition et les décisions de l'Église nous obligent de croire; enfin ce qui est de foi et ce qui n'est que de curiosité, et dont il faut s'abstenir, comme dit saint Augustin.

Il brilla dans la licence ses thèses et ses disputes le faisoient admirer. C'est le témoignage qu'en ont rendu ses maîtres et ses compagnons d'étude. Cependant il n'eut que le second lieu, quand il fut question de prendre le bonnet de docteur. Ce fut l'abbé de Rancé qui eut le premier: peut-être que l'avantage qu'il avoit d'appartenir à des ministres puissants et à des prélats considérables contribua à lui faire donner cette préférence sur l'abbé Bossuet.

Il se prépara à la prise de bonnet, comme à une des plus importantes actions de sa vie. Il la regardoit comme un dévouement de sa personne à la défense de la vérité, pour laquelle il croyoit devoir exposer sa vie, si l'occasion s'en présentoit. Il se ressouvenoit encore, étant évêque de Meaux, du discours qu'il prononça dans cette occasion devant le chancelier de l'université, à l'archevêché; et il le répéta un jour devant l'abbé Ledieu, son secrétaire; et cela, plus de cinquante et un ans après sa réception. Voici ce discours, dont l'abbé Ledieu prit aussitôt copie.

« Ibo te duce lætus ad sanctas illas aras testes » fidei doctoralis, quæ majores nostros toties au>> dierunt; ibi exiges à me pulcherrimum illud >> sanctissimumque jusjurandum, quò caput hoc » meum addicam neci propter Christum, meque >> integrum devovebo veritati. O vocem non jam » doctoris, sed martyris; nisi fortè ea est conve»nientior doctori, quo magis martyrem decet. » Quid enim doctor, nisi testis veritatis? Quam» obrem, ô summa paterno in sinu concepta veri» tas, quæ elapsa in terras te ipsam nobis in Scrip» turis tradidisti, tibi nos totos obstringimus, tibi

L'abbé Bossuet finit sa licence cette même année. Il s'étoit fort appliqué à l'étude de l'Écriture sainte, et avoit lu avec grande attention les Pères et les conciles. Saint Thomas étoit son maître dans la scolastique, et il a fait gloire toute sa vie de ne jamais s'écarter de sa doctrine. Il aimoit à répéter qu'il en trouvoit les principes plus suivis, et plus conformes à la doctrine commune de l'Église et de saint Augustin, que ceux des autres écoles. Il embrassa jusqu'au système de la prémotion phy-» dedicatum ́imus quicquid in nobis spirat, intel

soutenir une thèse, connue sous le nom de sorbonique, parcequ'elle avoit toujours lieu en Sorbonne.

'On n'a jamais pu retrouver ce discours, ni l'éloge de M. le Prince, fait le jour de la tentative, malgré les recherches qui en ont été faites par un homme qui avoit été très attaché à M. Bossuet. (Mémoires de Lediru.)

» lecturi posthac quam nihil debeant sudoribus » parcere, quos etiam sanguinis prodigos esse » oporteat. »

J'irai sous votre conduite, et plein de la plus vive joie, à » ces saints autels, témoins de la foi doctorale, si souvent jurée

1

Ce fut le 46 mai 1652 qu'il prit le bonnet de | petite au commencement, se multiplia avec une docteur. Les plus célèbres théologiens étoient bénédiction particulière : elle a servi comme d'une convaincus, dans ce temps-là, de l'importance des pépinière sacrée qui a fourni à la France un grand devoirs auxquels engage la dignité de docteur. Il nombre de prélats respectables plus de deux est rapporté dans l'histoire du grand et illustre cents ecclésiastiques y furent reçus pendant la vie Antoine Arnauld, qui prit le bonnet de docteur dix de Vincent de Paul. Il n'y admettoit que ceux qui ou onze ans avant Bossuet, le 19 décembre 1644, étoient dans les ordres sacrés, et leur réception ne que le jour de cette cérémonie, se tournant vers se faisoit qu'après une longue information sur ceux qui prenoient le bonnet avec lui, il leur dit leurs mœurs. Leurs emplois étoient d'aller caté« Je ne sais, messieurs, si nous pensons assez à l'ac-chiser et confesser dans les hôpitaux, dans les » tion que nous allons faire. Ce n'est pas ici une prisons et dans les villages. » simple cérémonie, c'est un grand engagement; » et il ne faut pas y entrer sans avoir bien fait » réflexion jusqu'où il peut nous conduire dans » la suite, et dans les rencontres que Dieu fera

>> naître. »

Bossuet étoit augmenté de dignité dans l'église de Metz 2. Il fut archidiacre de Sarrebourg environ deux ans. Il fut fait ensuite grand-archidiacre, le 5 septembre 1654.

Il avoit reçu l'ordre de prêtrise dans le carême de l'an 1652. Dès qu'il fut prêtre, il crut devoir célébrer fréquemment la messe : il avoit coutume de la dire les dimanches et les fêtes, suivant l'esprit du concile de Trente; il la disoit aussi tous les jours des octaves des grandes fêtes, les jours de jeûnes, et tout le carême.

Pour se bien préparer à sa première messe, il fit une retraite à Saint-Lazare. Vincent de Paul, instituteur des lazaristes, et supérieur général de cette congrégation, y étoit pour lors. L'abbé Bossuet lia une étroite amitié avec ce saint prêtre, qui l'associa à la compagnie des ecclésiastiques connus sous le nom de Messieurs de la Conférence du Mardi.

Ces conférences avoient commencé l'an 1635, et avoient toujours été continuées depuis avec un très grand fruit 3. L'assemblée de ces messieurs,

par nos saints prédécesseurs. Là vous m'imposerez ce noble

» et sacré serment, qui dévouera má tête à la mort pour le Christ, et toute ma vie à la vérité. O serment: non plus d'un » docteur, mais d'un martyr; si pourtant il n'appartient d'au> tant plus à un docteur, qu'il convient plus à un martyr. » Qu'est en effet un docteur, sinon un intrépide témoin de la » vérité? Aiusi, ô vérité suprême, conçue daus le sein paternel » d'un Dieu, et descendue sur la terre pour se donner à nous » dans ses saintes Écritures, nous nous enchainons tout entier » à vous; nous vous consacrons tout ce qui respire en nous. Et » comment lui refuserions nous nos sueurs, nous qui venons » de jurer de lui prodiguer notre sang?»

Le sentiment vrai et passionné qui inspira ce serment à Bossuet, et la conscience d'y avoir été fidèle pendant un demi-siècle, servirent sans doute à le graver dans sa mémoire.

1

Hist. de M. Arnauld, pag. 42.

2 Hist. de Meaux, liv. V, n. 67.

3 Vie de Vincent de Paul, liv. I, chap. xxvII, liv. II. chap. 11.

On traitoit, dans les Conférences du Mardi, de tout ce qui pouvoit avoir rapport au ministère ecclésiastique, et aux vertus convenables à un ministre de l'Évangile. Bossuet est convenu que c'étoit à Vincent de Paul, après Dieu, qu'il devoit l'amour qu'il avoit pour la piété et pour la discipline ecclésiastique. Il en fut toute sa vie très reconnoissant ; et dans une lettre qu'il écrivit au pape Clément XI, pour solliciter la canonisation du bienheureux Vincent de Paul, le 2 août 1702', il rappelle avec complaisance le temps qu'il avoit passé sous la discipline de ce pieux ecclésiastique. Vincent, que la reine Anne d'Autriche respectoit beaucoup, avoit une grande considération à la cour; mais il ne faisoit usage de son crédit que pour engager la reine à faire de bonnes actions, et pour lui recommander ceux en qui il connoissoit du mérite. Il lui parla souvent de l'abbé Bossuet, comme d'un sujet de la plus grande espérance.

M. Cornet, de son côté, se proposa de lui faire faire son chemin par le moyen du cardinal Mazarin, premier ministre, et distributeur des graces. Ce grand-maître avoit imaginé de faire au collége de Navarre un bâtiment qui pût disputer de magnificence à ce que le cardinal de Richelieu avoit fait en faveur de la Sorbonne, et il le proposa au cardinal.

Le premier ministre agréa le projet, et crut que rien ne seroit plus honorable pour son ministère que d'imiter l'exemple de son prédécesseur, et même de chercher à le surpasser. Mais quand il fut question de commencer l'ouvrage, le grand-maître de Navarre fut retenu par la considération de son âge avancé, et de la foiblesse de sa santé. Il craignit avec raison de ne jamais voir ce projet exécuté, et que si le cardinal et lui mouroient au milieu de l'exécution, le collége de

■ In eam sodalitatem cooptati sumus, quæ pios presbyteros, ipso duce et auctore, in unum colligebat. De divinis rebus per singulas hebdomadas ille nos ad sacerdotium promovendos svá suorumque operá juvit.

avoit une erreur à combattre, un point de foi à établir, il lisoit saint Augustin. Il s'étoit fait une si grande habitude de son style, de ses principes et de ses propres paroles, qu'il a rétabli une lacune de huit lignes dans le sermon 299 de l'édition des bénédictins. Ce sermon n'avoit pas encore paru. Les bénédictins ont reconnu que cette facune avoit été bien rétablie, et ils en ont fait honneur à Bossuet.

Navarre ne s'en trouvât que plus mal. Pour prévenir une partie de ces inconvénients, dès qu'il vit l'abbé Bossuet docteur, il le sollicita vivement d'accepter la place de grand-maître de Navarre. Il lui représenta que ce poste ne pouvoit que contribuer à son avancement, par la liaison qu'elle lui procureroit avec le premier ministre, auprès duquel il se trouveroit engagé de travailler. Il lui fit apercevoir aussi que ce seroit un très grand honneur pour lui de rendre un service signalé à Il avoit aussi un respect et une estime très particulière pour saint Bernard, qu'il regardoit comme un fidèle disciple de saint-Augustin. Il louoit fort l'élévation de son esprit, et surtout son onction et sa piété.

la maison de Navarre, et à tout le corps de l'Université, qui verroit avec une extrême satisfaction son plus ancien collége être ainsi décoré.

L'abbé Bossuet ne donna point dans ce projet : il le regarda comme inspiré plutôt par la rivalité et la vanité, que par des motifs de piété. Il crut qu'il étoit plus convenable pour lui d'aller à Metz, où l'appeloit son devoir de chanoine et d'archidiacre. Il s'y rendit donc, et il y remplit ses fonctions avec la plus grande exactitude. Il étoit le premier à tous les offices, où il édifioit tous ceux qui étoient témoins du recueillement avec lequel il chantoit les louanges du Seigneur. Il s'occupoit d'ailleurs à étudier et principalement à méditer l'Ecriture sainte, et à approfondir la tradition. Il savoit la Bible presque par cœur.

Ceux qui nous ont laissé des Mémoires sur sa vie nous ont appris le jugement qu'il portoit des principaux Pères de l'Église. Il regardoit saint Chrysostome comme un modèle pour ceux qui doivent monter en chaire: il disoit que c'étoit le plus grand et le plus parfait prédicateur qu'il y eût eu dans l'Église. Il donnoit la préférence à saint Augustin sur tous les autres Pères : il le lisoit continuellement, afin, disoit-il, d'y apprendre les grands principes de la religion. Il en avoit fait de longs extraits sur sa théologie, et sur sa manière de prêcher. Il avoit d'abord lu ce Père dans l'ancienne édition connue sous le nom du grand Navire, et l'exemplaire dont il s'étoit servi étoit rempli de ses remarques. Lorsque l'édition des bénédictins parut, il lui donna la préférence qu'elle méritoit il ne faisoit plus aucun voyage qu'il ne l'eût avec lui.

Il s'étoit tellement nourri de la doctrine de ce saint; et il étoit si attaché à ses principes, qu'il n'établissoit aucun dogme, ne faisoit aucune instruction, ne répondoit à aucune difficulté que par saint Augustin. Il y trouvoit la défense de la foi, et la doctrine des mœurs. Quand il avoit un sermon à faire, il prenoit saint Augustin. Quand il

Il faisoit très fréquemment sa cour, étant à Metz, au maréchal et à la maréchale de Schomberg. Il y avoit d'autant moins de répugnance, qu'ils avoient l'un et l'autre beaucoup de piété. Ce furent eux qui l'engagèrent à faire usage des grandes dispositions qu'il avoit pour la chaire, autant pour leur édification que pour l'obliger à cultiver le talent extraordinaire qu'il avoit pour la prédication. On l'admiroit d'autant plus qu'on n'avoit point encore vu en France de bons sermons; et, comme l'a très bien remarqué un célèbre académicien ', qu'étoit-ce parmi nous que l'éloquence de la chaire, avant que les Fléchier nous eussent appris les graces de la diction, que les Bossuet nous eussent donné une idée du pathétique et du sublime, que les Bourdaloue nous eussent fait préférer à tout le reste la raison mise dans son jour? Jusqu'alors ce qu'on appeloit prôcher, c'étoit mettre ensemble beaucoup de pensées mal assorties, souvent frivoles, et les énoncer avec de grands mots.

L'abbé Bossuet avoit l'avantage de réunir le sublime avec la plus grande facilité pour la composition. Un jour qu'il dinoit au gouvernement, dans l'octave des Rois, M. le maréchal et madame la maréchale le pressèrent de faire sur-le-champ un sermon sur le mystère du temps avec tant d'instance, qu'il ne put les refuser, malgré la répugnance qu'il avoit de traiter les choses sublimes sans les avoir méditées profondément. Il choisit le changement d'eau en vin, et prit occasion de parler du changement de la loi en grace, de la crainte en amour, et des figures en vérité; el comme il étoit rempli de ces grands principes, il les exposa d'une façon si brillante et si pathéti

'Hist. de l'Académie, par M. l'abbé d'Olivet, pag. 144.

que, que ses auditeurs ne pouvoient revenir de la surprise d'admiration que leur causoient son éloquence, ses profondes connoissances, et surtout sa facilité.

L'auteur fait voir, dans la première section de son ouvrage, que l'on peut se sauver en la communion de l'Église romaine, même par les principes du ministre; dans la seconde, que la foi du concile de Trente, touchant la justification et le mérite des bonnes œuvres, nous a été enseignée par l'ancienne Église, et qu'elle établit fortement la confiance du fidèle en Jésus-Christ seul. Il prouve ensuite qu'il est impossible de se sauver dans la réformation prétendue, parce qu'on ne peut faire son salut dans le schisme.

Ce livre eut un si grand succès, que le parti pro

Ce fut à Metz qu'il commença à entrer dans la carrière de la controverse, dans laquelle il a rendu à l'Église des services essentiels, qui lui ont procuré un nom immortel. M. de Verneuil était pour lors évêque de Metz. Il avoit pour grand-vicaire de confiance Pierre de Bedacier, qui, de religieux de l'ordre de Cluny et de vicaire général de Marmoutier, avoit été fait évêque d'Augusta, et gouvernoit l'évêché de Metz sous l'autorité de l'évê-testant en fut ébranlé. Bossuet et le ministre Ferri que. Il conçut une estime particulière pour l'abbé Bossuet; il crut qu'avec un si grand fonds de lumières et une éloquence si persuasive, personne ne seroit plus capable que 'Bossuet de travailler efficacement à la conversion des calvinistes, dont le nombre étoit très grand dans le diocèse. Il lui proposa de faire une étude profonde de toutes les questions qui partageoient les catholiques d'avec les protestants. Bossuet suivit son conseil, et il ne fut pas long-temps sans trouver occasion de donner des preuves de son zèle et de sa science.

Il y avoit à Metz un ministre qui étoit regardé dans le parti protestant comme un fort savant théologien; c'étoit l'homme le plus éloquent de sa province, suivant le témoignage de Bayle: on le nommoit Paul Ferri. Il publia en 1654 un catéchisme, où il se proposa d'établir ces deux propositions: 4° que la réformation avoit été nécessaire; 2o que, quoiqu'on pût se sauver dans la communion de l'Église romaine avant la réformation, depuis la réformation cela n'étoit plus possible.

L'évêque d'Augusta n'eut pas plus tôt vu cet ouvrage, qui pouvoit être très dangereux, qu'il engagea l'abbé Bossuet à le réfuter. C'est ce qu'il fit l'an 1655 par un livre qui a pour titre: Réfutation du Catéchisme du sieur Paul Ferri. Ce fut par cet ouvrage que Bossuet commença à se faire connoître avantageusement du public.

Il fut approuvé par l'évêque d'Augusta, qui en fait un très grand éloge dans son approbation. Bossuet le dédia au maréchal de Schomberg, et dans l'épître dédicatoire il lui témoigne une grande reconnoissance « de tant d'honneurs qu'il › en a reçus, de tant d'obligations effectives, de » tant de bienfaits qui sont si connus, de tant de » graces que je ne puis expliquer; » ce sont ses termes.

restèrent amis, car l'aversion du nouveau controversiste pour les erreurs de ceux qui n'étoient pas soumis à l'Église ne l'empêchoit pas de les traiter avec égard et politesse. On prétend que, quatorze ans après que le livre de l'abbé Bossuet eut paru, le ministre Ferri étant attaqué d'une grande maladie, dent il mourut le 27 décembre 1669, demanda à voir Bossuet pour conférer avec lui sur la religion; mais que les ministres ses confrères, craignant que cette conférence ne ramenât Ferri à la religion catholique, empêchèrent cette entrevue.

On ne fut pas long-temps à la cour sans être informé que le livre de Bossuet avoit disposé favorablement un grand nombre de protestants de Metz en faveur de l'Église catholique. Il fut résolu de profiter des circonstances, et d'y envoyer une mission. Vincent de Paul, qui avoit toute la confiance de la reine-mère dans les matières qui avoient rapport aux affaires ecclésiastiques, fut chargé d'ordonner tout ce qui seroit nécessaire pour l'exécution de cette pieuse entreprise. Il écrivit sur-le-champ à Bossuet, pour le prier de diriger cette mission. La reine-mère fit adresser à ce sujet une lettre de cachet à l'abbé Bossuet; Vincent choisit pour missionnaires les plus habiles ecclésiastiques de la Conférence du Mardi, à la tête desquels étoit l'abbé de Chandenier, neveu du cardinal de La Rochefoucauld. Ils allèrent à Metz, et its descendirent chez Bossuet, qui devint l'ame de cette pieuse entreprise, dont il prépara et assura le succès.

La mission s'ouvrit le jour des Cendres de l'an 4658. Bossuet la commença par une prédication, et agit avec tant de zèle, que l'abbé de Chandenier écrivit au bienheureux Vincent que le jeune abbé méritoit bien une lettre de félicitation de sa part. Ce bon prêtre, en conséquence, lui écrivit une let

tre touchante et chrétienne, qui malheureusement | Mardi, et il fit, à la prière du bienheureux Vincent, n'a pas été publiée.

L'évêque de Metz, qui avoit fort à cœur de réunir à l'Église tous ceux qui en étoient séparés, établit dans son diocèse une communauté de filles qui devoient être occupées du soin d'instruire les personnes de leur sexe qui formoient le projet de se faire catholiques. Il nomma Bossuet leur supérieur, et le chargea de faire un réglement pour cette communauté. Ce règlement fut imprimé l'an 1672.

:

L'évêque d'Augusta s'étant mis en chemin sur la fin de l'an 1659 pour aller de Metz à Paris, tomba malade à Château-Thierry, d'où il fut transporté au château du Charmel, et y mourut peu de temps après. Se sentant fort mal, il fit écrire à l'abbé Bossuet qu'il auroit grande envie de le voir avant que de mourir celui-ci se rendit aux instances de son ami. Dès qu'il fut arrivé au Charmel, M. de Bedacier fit en sa faveur une démission du doyenné de Gassicourt, près de Mantes, de l'ordre de Cluny. Le cardinal Mazarin, qui étoit abbé de Cluny, lui en fit expédier les provisions; mais ce premier ministre étant mort le 9 mars 4661, il y eut un grand procès au sujet de ce bénéfice, qui resta à l'abbé Bossuet.

dans l'église de Saint-Lazare, les entretiens pour l'ordination de la Pentecôte de l'an 1659.

à

Vincent de Paul étant mort le 27 septembre 1660, René Almeras fut son successeur dans le généralat de l'ordre des lazaristes. Bossuet fut également lié avec ce nouveau général, et il fit, sa sollicitation, les instructions pour les ordinations aux fêtes de la Pentecôte des années 1663 et 1664. Comme cela avoit été annoncé, il y eut plusieurs ecclésiastiques qui choisirent ce temps pour se préparer aux ordres: on compte parmi ceux-là l'abbé Claude Fleury, si célèbre par son Histoire ecclésiastique.

Bossuet eut bientôt une graude réputation à Paris, par le succès merveilleux de ses prédications. Il fit un panégyrique de saint Paul, dans l'église de ce nom, dont on s'entretint long-temps: on le nommoit le Surrexit Paulus de l'abbé Bossuet, parceque c'étoit le texte de son discours. Il précha le Carême de l'an 1658 aux Minimes de la place Royale: c'étoit un concours prodigieux pour l'entendre. Les panégyriques qu'il y fit, de saint François de Paule et de sainte Thérèse, eurent un éclat étonnant.

La marquise de Senecey, dame d'honneur de la reine-mère Anne d'Autriche, conjointement avec la comtesse de Fleix, sa fille, reçue en survivance, avoient la plus grande estime pour l'abbé Bossuet; elles souhaitoient toutes deux passionnément que la reine pût l'entendre. Comme elle alloit souvent à l'église des Feuillants de la rue Saint-Honoré, ces dames imaginèrent d'engager François Bossuet, secrétaire du conseil, grand ami des feuillants, de prier ces pères d'obtenir de l'abbé Bossuet le panégyrique de saint Joseph de l'an 4660 ;

L'année suivante 1662, le doyenné de Metz vaqua; tous les chanoines, d'une voix unanime, l'offrirent à l'abbé Bossuet. Il y en avoit un qui s'appeloit Royer, qui lui avoit donné le canonicat dont il jouissoit depuis sa tendre jeunesse. Il étoit fort vieux, et il auroit souhaité mourir doyen de Metz. Il vint trouver Bossuet, et lui représenta que s'il vouloit consentir qu'il passât devant lui au doyenné, il n'auroit pas long-temps à attendre: il lui promit même, en riant, de ne garder cette place tout au plus que deux ans. Bossuet lui protesta qu'il consentoit de tout son cœur à son élec-elles espéroient que la reine, qui étoit fort pieuse, tion, et même que, pour n'y point faire d'obstacle, il alloit s'absenter de Metz. L'élection se fit; et les intentions de Bossuet étant connues, Royer fut élu doyen le 16 août 4662. Il tint parole à labbé Bossuet; il mourut après deux années. Le doyenné ayant ainsi vaqué de nouveau, l'abbé Bossuet fut nommé doyen le 10 septembre 4664. Il se trouvoit pour lors près de dix mille livres de rente, et il se croyoit très riche.

ne manqueroit pas d'aller l'entendre. L'abbé Bossuet céda aux instances de sou parent; et Anne d'Autriche, qui avoit ouï parler très avantageusement du prédicateur, voulut assister à ce sermon. Elle se rendit à l'église des Feuillants, accompagnée de la marquise de Senecey et de la comtesse de Fleix. Elle fut si contente du prédicateur, qu'après l'avoir entendu, elle dit à l'abbé Bossuet qu'elle souhaitoit qu'il prêchât le même sermon l'année Les affaires de son chapitre et les siennes l'appe- suivante. Il parloit quelquefois de ce discours, loient souvent à Paris, où, s'occupant à faire des comme de ce qu'il avoit fait de mieux dans ce genre; instructions publiques, il acquéroit une grande et l'on sait que Santeul a profité d'une de ses penréputation de piété, de science et d'éloquence. Isées dans l'hymne qu'il a fait sur saint Joseph. se rendoit fort exactement aux Conférences du Il prêcha, le 8 septembre de la même année

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