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SCÈNE VIII.

MOLIÈRE, ET LES MÊMES ACTEURS; UN TROISIÈME NÉCESSAIRE.

LE TROISIÈME NÉCESSAIRE.

MESSIEURS, Commencez donc.

MOLIÈRE.

Oui, monsieur, nous y allons. Hé!

I

allons. Hé! que de

gens se font

fête, 1 et viennent dire, Commencez donc, à qui le roi

ne l'a

pas commandé!

SCÈNE IX.

MOLIÈRE, ET LES MÊMES ACTEURS; UN QUATRIÈME NÉCESSAIRE.

LE QUATRIÈME NÉCESSAIRE.

MESSIEURS, Commencez donc.

MOLIÈRE.

Voilà qui est fait, monsieur. (à ses camarades.) Quoi donc! recevrai-je la confusion...?

SCÈNE X.

BÉJART, MOLIÈRE, ET LES MÊMES ACTeurs.

MOLIÈRE.

MONSIEUR, Vous venez pour nous dire de commencer,

mais...

Il falloit se font de fête. Cette expression veut dire : s'entremettre de quelque affaire, et vouloir s'y rendre nécessaire sans y avoir été appelé.

BÉJART.

Non, messieurs; je viens pour vous dire qu'on a dit au roi l'embarras où vous vous trouviez, et que, par une bonté toute particulière, il remet votre nouvelle comédie

à

une autre fois, et se contente, pour aujourd'hui, de la première que vous pourrez donner.

MOLIÈRE.

Ah! monsieur, vous me redonnez la vie. Le roi nous fait la plus grande grâce du monde de nous donner du temps pour ce qu'il a souhaité; et nous allons tous le remercier des extrêmes bontés qu'il nous fait paroître.

FIN DE L'IMPROMPTU DE VERSAILLES.

RÉFLEXIONS

SUR

L'IMPROMPTU DE VERSAILLES.

ON a vu, dans la vie de Molière, que Boursault, ayant cru se reconnoître dans le personnage du poëte Lysidas, composa LE PORTRAIT DU PEINTRE, pièce où il chercha à tourner en ridicule quelques vers de L'ÉCOLE DES FEMMES. Cette comédie, écrite avec assez d'élégance, mais dont l'ironie est foible et la plaisanterie sans sel, affligea beaucoup Molière, parce qu'elle servit en quelque sorte de point de ralliement à tous ses ennemis, qui étoient nombreux. Ses protecteurs et ses partisans, parmi lesquels on pouvoit compter les hommes les plus distingués de la cour, en parlèrent au roi, qui permit verbalement que l'auteur répondît à ses adversaires dans une comédie qui seroit jouée à la cour.

Molière, enhardi par cette marque inouïe de bienveillance, céda au désir de se venger, et nomma Boursault avec le plus grand mépris, quoique la pièce de ce dernier n'offrît aucune personnalité. L'IMPROMPTU DE VERSAILLES fut très-goûté : c'étoit une affaire de parti. Toute la jeunesse de la cour, excepté quelques marquis, voyoit avec plaisir qu'on attaquât les prudes, les précieuses et l'hôtel de Rambouillet, qu'elle regardoit comme la vieille cour. Cependant l'auteur, plus juste que ses partisans, retira sa pièce après le cours des premières

RÉFLEX. SUR L'IMPR. DE VERSAILLES. 491 représentations: il reconnut qu'il avoit eu tort de renouveler la licence du théâtre d'Athènes, dont on pouvoit se servir contre lui, ce qui ne manqua pas d'arriver. ' L'IMPROMPtu de VerSAILLES ne parut donc plus, et ne fut imprimé qu'après sa

mort.

I

Cette pièce offre, comme LA CRITIQUE DE L'ÉCOLE DES FEMMES, l'indication de plusieurs caractères que l'auteur se proposoit de peindre. On peut considérer ces esquisses légères comme un trésor précieux : rien ne plaît tant aux amateurs et ne sert mieux à les instruire que les premières ébauches d'un homme de génie. On trouve aussi dans cette pièce des détails qui ne sont pas moins curieux. Molière s'y présente au milieu de sa troupe, gourmandant les uns, encourageant les autres, la tête remplie de soins minutieux, et cependant rêvant toujours à de grandes conceptions. Quand cette pièce n'offriroit que ce tableau singulier, elle seroit digne de toute l'attention des connoisseurs.

Parmi les caractères indiqués, il en est quelques-uns qu'il a traités par la suite, d'autres qu'il a laissés à ses successeurs. Le rôle de l'homme de cour, à peu près pareil à celui de LA CRITIQUE DE L'ÉCOLE DES FEMMES, fut développé dans LES FEMMES SAVANTES. La femme qui se croit tout permis, parce qu'elle est fidèle à son époux, servit de modèle à Cléanthis 'AMPHITRYON; et la prude qui, se bornant à sauver les apparences, fait passer des galants pour des amis, trouva sa place

dans LE MISANTHROPE.

Les autres caractères indiqués doivent être étudiés avec

1 Voyez, dans la Vie de Molière, ce qui est dit de l'Impromptu de l'hôtel de Condé, que Montfleury composa pour répondre à l'Impromptu de Versailles,

soin par ceux qui veulent faire des comédies. Quelques-uns ont été traités : LE FLATTEUR n'a pas réussi à J. B. Rousseau : Destouches n'a pas tiré meilleur parti de L'AMBITIEUX; mais il a eu plus de succès lorsque, dans LE DISSIPATEUR, il a peint ces perfides adorateurs de la fortune qui vous encensent dans la prospérité, et vous accablent dans la disgráce. Il reste plusieurs caractères qui attendent qu'un auteur comique les mette en œuvre. Pourquoi, jusqu'à présent, n'en a-t-on pas profité? C'est peut-être parce qu'il faudroit le génie de Molière pour les placer avantageusement sur la scène. Depuis cette époque, on a souvent peint des poëtes ridicules : mais on n'a jamais gardé la juste mesure; et leurs rôles n'ont pu passer que pour des charges. En effet, quel poëte ressemble à M. Desmazures?? Peut-on espérer que ceux qui ont des travers très-opposés à ceux de ces personnages se corrigent en les voyant ? L'indication donnée par Molière est de tous les temps : tout auteur à prétention aura les défauts de son poëte : il faut, dit-il, marquer cet air pédant qui se conserve parmi le commerce du beau monde, ce ton de voix sentencieux, et cette exactitude de prononcia tion qui appuie sur toutes les syllabes, et ne laisse échapper aucune lettre de la plus sévère orthographe.

On remarque dans cette pièce la prétention qu'avoit Molière à bien jouer la tragédie. Il contrefait les principaux acteurs du théâtre de l'hôtel de Bourgogne, et se moque de leur jeu maniéré. On ne peut savoir aujourd'hui jusqu'à quel point sa critique étoit juste ce dont on est sûr, c'est que sa troupe étoit hors d'état de lutter avec sa rivale dans le genre sérieux. Il ne tarda pas à sentir les conséquences de la satire personnelle qu'il s'étoit permise : comme il prêtoit le flanc par

■ Fausse Agnès.

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