Par un si haut mérite est assez excusé. Cette flamme vers moi ne vous rend point coupable; DONE ELVIRE. Mon frère, d'un tel nom souffrez-moi la douceur, SCENE VI. D. GARCIE, DONE ELVIRE; DONE IGNÈS, DÉGUISÉE EN HOMME; D. ALPHONSE, CRU D. SYLVE; ÉLISE. D. GARCIE. De grâce, cachez-moi votre contentement, croyance Que le devoir vous fait un peu de violence. Et qu'un pareil objet dans mon âme fait naître Un transport dont j'ai peur que je ne sois pas maître; Et je me punirois, s'il m'avoit pu tirer De ce respect soumis où je veux demeurer. Oui, vos commandements ont prescrit à mon âme Et bientôt mon départ rendra vos vœux contents. DONE IGNÈS. Seigneur, permettez-moi de blâmer votre plainte. Ne lui vient que des biens qui vous sont préparés. Et dans votre rival elle trouve son frère; D. ALPHONSE. Mon cœur, grâces au ciel, après un long martyre, D. GARCIE. Hélas! cette bonté, seigneur, doit me confondre; Le coup que je craignois, le ciel l'a détourné, Et par qui mon ardeur, si souvent odieuse, Oui, l'on doit me haïr avec trop de raison; DONE ELVIRE. Non, non; de ce transport le soumis mouvement, Par lui de mes serments je me sens détachée : Vos plaintes, vos respects, vos douleurs m'ont touchée; J'y vois partout briller un excès d'amitié, Et votre maladie est digne de pitié. Je vois, prince, je vois qu'on doit quelque indulgence Et, pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux, D. GARCIE. Ciel, dans l'excès des biens que cet aveu m'octroie, D. ALPHONSE. Je veux que cet hymen, après nos vains débats, FIN DE DON GARCIE DE NAVARRE. SUR DON GARCIE DE NAVARRE. I La jalousie est une des passions les plus propres à réussir au théâtre. Molière essaya pour la première fois de la peindre dans cette pièce; ' mais il échoua; et le peu de succès de son entreprise lui fit deviner les moyens de présenter cette passion sous les véritables couleurs qu'elle doit avoir dans la comédie. La jalousie est une passion très-sérieuse : elle fait le tourment de ceux qui en sont atteints: tout est pour eux matière de soupçons et d'inquiétudes; et l'aveuglement qui les égare leur fait souvent commettre des injustices mais ce travers, qui rend aussi malheureux ceux qui s'y abandonnent que celles qui en sont l'objet, n'est pas susceptible d'intérésser au théâtre comique : on ne prend aucune part aux visions qui en sont la suite; et l'homme jaloux ne peut même espérer d'être plaint. Le ridicule de cette passion est donc le seul côté par lequel on peut la présenter avec succès sur la scène comique. Aussi Molière, éclairé par l'acceuil froid qu'on fit à DON GARCIE, ne peignit plus lajalousie que dans des rôles plaisans. Sganarelle et Arnolphe offrirent ce travers dans toute son énergie: on ne 2 1 Sganarelle, dans le Cocu imaginaire, n'est point véritablement jaloux; il n'est pas amoureux de sa femme. 2 École des Maris, École des Femmes. |